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Street art : la guerre est finie

Publié le 04 juin 2014 par Pantalaskas @chapeau_noir

Perturbateur, contestataire, rebelle, l'art des graffitis puis des tags, né dans la rue pour la rue a rendu les armes. Désormais, pour reprendre les mots de Christophe Genin dans "Le Street art au tournant" : "Le Street art est entré dans l'industrie de la mode, devenue une rubrique du marché de l'art et du design qui promeut des oeuvres cessibles (toiles, objets d'art, installations, vidéos, vêtements, accessoires de mode, objets de consommation courante), faites dans le style de la rue pour satisfaire une clientèle fascinée ou divertie par l'héroïsme canaille associé à la figure du graffeur, que cette clientèle soit un adolescent mimétique en mal de modèle d'identification ou une grande bourgeoise blasée en mal de frisson".

Street art : la guerre est finie

"Djibril Cissé" 2014 pochoir aérosols C215

In Situ

Avec lucidité et honnêteté
C 215 , dont l'exposition "Douce France" s'ouvre au Palais Bénédictine à Fécamp dans quelques jours, reconnaissait dans une tribune du Nouvel observateur :
"Alors que ceux du graffiti ne recherchaient pas la commercialisation, les Street artistes se ruent vers le système commercial, vers les musées et les honneurs les plus divers. J’en suis l’exemple navré."
Enfonçant le clou, il ajoutait : "Le Street art n’est pas revendicatif mais hédoniste. Pour employer une formule lapidaire, le Street art est un peu au graffiti ce que Doc Gynéco est aux Black Panthers."

Dans les années cinquante, les murs des villes  deviennent le lieu de la révolte. Il est même question de révolution. En France le " Ne travaillez jamais ! " de Guy Debord en 1953 marque une prise de possession de la rue certes politique mais également artistique aux yeux de son auteur. Les Lettristes, les Situationnistes  accaparent cet espace avant que  les acteurs de 1968 s'approprient la rue et ses murs. La nature même de cet art de la rue tenait à cette présence urbaine non autorisée, libre de toute attache mercantile, imposant au spectateur involontaire son cri rebelle. A cette trop libre parole, les institutions opposent alors les accusations de vandalisme et de dégradation réprimées par la loi. La généralisation de la bombe aérosol ouvre une ère nouvelle pour ce Street art envahissant, dérangeant mais qui montre que la dimension artistique se développe avec une créativité sans entraves. Et quand apparaissent  les premiers signes de fléchissement dans la vocation protestataire de cet art des rues, les contradictions entre la nature in situ de cet art et une probable récupération par le marché se font jour.

Street art : la guerre est finie

" Max Spray " Mr Brainwash

« Si un jour le tag est autorisé, j’arrête. "

C215 témoigne : "Oclock m’a dit un jour : « Si un jour le tag est autorisé, j’arrête. "
L'art du graffiti, les créations de l'aérosol participaient d'une démarche clandestine, le plus souvent nocturne, anonyme. Désormais le Street art  avance à visage découvert, revendique sa signature, son identité à quelques très rares exceptions, s'emploie à promouvoir son image à travers les médias, les réseaux sociaux. Centres d'art, musées, galeries accueillent aujourd'hui les artistes  d'un Street art  qui a abandonné en franchissant le seuil des lieux d'art ce qui constituait la raison même de son existence : sa liberté subversive.
Révélateur également le fait que les institutions ont non seulement fait rentrer dans le rang et dans leurs murs les artistes du Street art, mais également l'espace urbain devient le support d'un muralisme pour lesquels les artistes du Street art produisent désormais sur commande des œuvres à l échelle de la ville, dans une création encadrée à l'opposé du geste rebelle des origines. La guerre est finie.

C215
"Douce France"

13 juin - 28 septembre 2014
Palais Bénédictine
110 rue Alexandre Legrand
76400 Fécamp

MR BRAINWASH
"Life is beautiful"

6 juin -5 juillet 2014
Galerie Rive gauche Marcel Strouk
23 rue de Seine
75006 Paris


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