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Jean Clair : Les Derniers jours

Publié le 10 juin 2014 par Lebouquineur @LBouquineur

Jean ClairJean Clair, de son véritable nom Gérard Régnier, né en 1940 à Paris, est conservateur général du patrimoine, écrivain, essayiste et historien de l'art. Ancien directeur du musée Picasso, il a également été commissaire d'un grand nombre d'expositions nationales telles que « Duchamp » (1977), « Les Réalismes » (1980), « Vienne » (1986), « L'âme au corps » (1993), « Balthus », « Szafran », « Mélancolie » (2005), « Crime et Châtiment » (2010) et a dirigé la Biennale de Venise du Centenaire. Membre de l'Académie française depuis mai 2008, son nouvel ouvrage, Les Derniers jours, est paru en 2013.

Première question sans réponse réelle, à quel type d’ouvrage le lecteur s’attaque-t-il avec Les Derniers jours de Jean Clair ? Ce n’est pas un roman, ce n’est d’ailleurs pas mentionné sur la couverture et l’auteur s’en défend, « je me méfie du roman » ; par contre on y trouve des traces d’autobiographie quand il revient sur son enfance à la campagne en Mayenne, puis son adolescence à Pantin en région parisienne, après la guerre. Par contre il y a beaucoup de réflexions et tentatives d’analyse du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui ; donc un essai, penserez-vous, pourtant ce n’est pas cela non plus, car trop disparate, trop éclaté dans les sujets abordés, même si, in fine, toutes ses réflexions aboutissent à la même conclusion nous allons le voir. Objet littéraire non identifié, donc.

Jean Clair a la réputation d’être un polémiste, ce bouquin le confirme assurément. Je ne vais pas détailler tous les sujets abordés par l’écrivain, mais tous, peu ou prou se concluent par un sinistre, c’était mieux avant ! Que ce soit l’éducation scolaire des jeunes enfants, le français comme on le parle aujourd’hui, précipitant « le monde dans la folie » ; ou bien qu’il s’attaque à des sujets plus graves, supposant une Europe s’abandonnant – à contre cœur - à une charia mais espérant en retour, une revalorisation des principes moraux ; ou encore évoquant la gestation pour autrui comme « une victoire posthume du nazisme »… A ce point, le lecteur commence à essuyer la buée sur ses lunettes, s’inquiétant un peu de ce qu’il lit.

Globalement, j’ai eu la nette sensation de lire un bouquin écrit par un vieux réac, s’interrogeant sur notre monde devenu, se demandant si une telle vie de merde valait la peine d’être vécue. Mais, exprimé dans une langue châtiée parfaitement maîtrisée, voire désuète parfois, très cultivée, le moins qu’on puisse attendre d’un académicien me direz-vous. Je dois néanmoins être juste aussi, certains passages sur l’écriture, la vie rurale d’hier par exemple, m’ont beaucoup plu. Des critiques du monde moderne ont trouvé des échos avec mes propres constats, d’autres m’ont entrainé dans des chemins que je ne veux pas emprunter quand je raisonne objectivement mais que je sens (avec horreur) attendre leur heure au fond de mon esprit.

Bref un bouquin avec du bon (un peu) et du moins bon, très bien écrit certes mais s’éparpillant trop, ouvrant la porte à la discussion et à la polémique.

« Qu’en est-il du sens de pareille existence, sans échappée possible, ni vers les au-delà de paradis promis jadis par les religions, ni vers les satisfactions de l’esprit fournies par une culture aujourd’hui rabaissée au rang de loisirs, mais dont le seul et unique soin restera l’entretien de cet organisme précieux qu’est son corps, enchaînant jour après jour de pénibles exercices musculeux rassemblés sous le nom de fitness, la pratique des sports devenue obsessionnelle dans la poursuite de plus en plus nauséeuse de la performance, de sorte que, née de rien et promise à rien, cette carcasse soit un jour encore, un jour de plus, capable de satisfaire pleinement, sans erreur, sans retard, sans humeurs, aux horaires, aux agendas, aux commandes, aux impératifs d’une profession et aux illusions d’une vie sociale – clubs de rencontres et « réseaux sociaux » - dont la nécessité et l’utilité auront cependant cessé d’être visibles ? »

Jean Clair
Jean Clair  Les Derniers jours  Gallimard – 331 pages -


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