Puisque notre gouvernement s’est spécialisé dans la publication des listes de bénéficiaires de tels avantages ou de autres rentes, la liste des entreprises de la presse écrite recevant des subventions de l’état a été récemment publiée.
En fait, l’examen de cette liste ne pourrait être intéressant que si les critères d’octroi de ces subventions étaient connues du public.
Pour ma part, j’ai tenté de trouver trace de ces critères, mais je n’ai pu tomber que des vagues formules comme “selon des critères précis, dont le respect d’un quota minimum de journalistes permanents” définis par une Commission paritaire de la presse écrite.
Quant à l’utilisation de ces subventions, elle devrait être orientée vers la modernisation des entreprises de presse, la préservation de la pluralité, l’amélioration des conditions professionnelles et sociales des journalistes, la promotion de la formation continue, la mise à niveau de la presse en termes de qualité et de technologie, le soutien des tirages ou encore la qualification des ressources humaines.
Nobles buts s’il en est, en effet, mais qu’en est-il dans la réalité des faits?
Tout cela relève aux yeux du citoyen lambda et du quidam lecteur de la presse écrite du plus grand flou et ne le renseigne en rien sur ces subventions, leur importance dans la vie de chaque entreprise bénéficiaire et surtout de leur destination finale.
Un rapide regard sur cette liste fait apparaître que les montants annuels des subventions varient du simple au décuple : ils vont de DH 200.000 à DH 2.000.000 et ils concernent 74 publications sur papier (quotidiens, hebdos, mensuels, nationaux ou régionaux, généralistes ou spécialisés) :
- 2 millions de dirhams pour 6 titres
- 1,8 millions de dirhams pour 4 titres
- 1,4 millions de dirhams pour 6 titres
- 1.1 millions de dirhams pour 11 titres
- 700.000 dirhams pour 4 titres
- 600.000 dirhams pour 1 seule publication
- 400.000 dirhams pour 4 titres
- 300.000 dirhams pour 13 titres
- 200.000 dirhams pour 25 tires concernant essentiellement la presse régionale.
La première lecture de cette liste m’avait interpellée quand j’ai découvert que TEL QUEL, hebdomadaire chantre de la presse indépendante et revendiquant une totale liberté éditoriale, tout à l’honneur de ses promoteurs, émargeait à cette manne financière au même titre que des publications dont on connait les connivences partisanes ou administratives.
Mais une lecture plus attentive aurait pu et dû me pousser à m’interroger sur l’intérêt de subventionner par des fonds publics des publications comme VERSION HOMMES ou FEMMES DU MAROC, comme LA NOUVELLE TRIBUNE ou AL MICHAAL.
Le citoyen de base que je suis pourrait s’inquiéter de l’intérêt de subventionner RISSALT AL OUMMA, organe de l’Union Constitutionnelle, qui ne doit pas être lu par plus d’une poignée de marocains.
L’ECONOMISTE mérite-t-il de recevoir une subvention publique : personnellement j’en doute, mais la question se pose en fin de compte pour l’ensemble de 74 titres de la presse écrite marocaine qui profitent des largesses de l’état.
Si une publication régionale comme SADA TAOUNAT a besoin d’un coup de pouce financier de l’état pour survivre, pourquoi LE JOURNAL DE TANGER devrait-il être financé par des fonds publics?
Les mêmes réserves pourraient, à mon humble avis, être posées pour chacun des titres bénéficiaires des ces subventions.
Ainsi près de 55 millions de dirhams de fonds publics sont distribués à ce secteur, certes important.
Si l’on y ajoute les autres formes d’aides, comme l’abandon de la TVA par l’état, ou certains avantages fiscaux ou postaux, l’aide publique à la presse écrite peut paraître importante au vu de la qualité de la presse écrite nationale.
Les professionnels du secteur considèrent évidement que les efforts de l’état ne sont pas suffisants et que la presse rencontre de grosses difficultés financières inhérentes aux conditions de production et de distribution.
Si tel était le cas, comment expliquer la prolifération des titres, en tous genres, dans les kiosques du pays?
Alors, subventions méritées ou prébendes incontrôlées?