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Avec Martin Winckler, le malade imaginatif

Publié le 12 juin 2014 par Lana

CHRONIQUE «AUX PETITS SOINS»

Martin Winckler est une figure dans le monde de la médecine. Pas simplement parce qu’il écrit des livres étonnants, mais aussi parce qu’il parle avec justesse de la relation compliquée entre le malade et son médecin. Et voilà qu’il vient de se lancer dans une drôle d’expérience : imaginer un code d’éthique énoncé par le patient, sorte de serment d’Hippocrate vu de l’autre côté. Il l’a présenté en avril au congrès de l’éthique clinique à Paris puis il l’a missur son site. Le voici :

1. Je suis le patient, ton égal, et je te choisis comme soignant. En échange de ma confiance, tu assumeras la responsabilité de mes soins avec loyauté. Car je n’ai pas besoin d’une relation de pouvoir, mais de soutien, d’assistance et de partage.

2. Pour me soigner au mieux, physiquement et moralement, tu mettras en œuvre ton savoir, ton savoir-faire, ton intelligence et ton humanité ; tu prendras garde, en tout temps, à ne pas me nuire.

3. Tu respecteras ma personne dans toutes ses dimensions, quels que soient mon âge, mon genre, mes origines, ma situation sociale ou légale, ma culture, mes valeurs, mes croyances, mes pratiques, mes préférences. Si tes valeurs sont trop éloignées des miennes pour que tu te sentes prêt à me soigner, tu m’aideras sans réserve à trouver le soignant dont j’ai besoin.

4. Tu seras le confident et le témoin qui entend mes plaintes, mes craintes et mes espoirs sans jamais les disqualifier, les minimiser, les travestir, les museler, les divulguer sans mon accord ou les utiliser contre moi. Tu seras mon interprète et mon porte-parole, celui qui parle en mon nom mais non à ma place. Tu ne me soumettras pas à des interrogatoires inquisiteurs et tu ne me bâillonneras pas.

5. Tu partageras avec moi, sans réserve et sans brutalité, toutes les informations qui me concernent et dont j’ai besoin pour comprendre et supporter ce qui m’arrive, pour faire face à ce qui m’arrivera. Tu répondras patiemment et sans restriction à toutes mes questions ; tu ne me cantonneras pas au silence, tu ne me laisseras pas dans l’ignorance.

6. Tu m’aideras à prendre les décisions qui me concernent, en m’informant et en me guidant au mieux. Tu n’entraveras jamais ma liberté par la menace, le chantage, le mensonge, le mépris, la manipulation, le reproche, la culpabilisation, la honte, la séduction. Tu ne me tromperas ni sur tes compétences ni sur tes limites. Tu ne m’abuseras pas et tu n’abuseras pas de moi.

7. Tu m’assisteras non seulement face à la maladie, mais aussi face à tous ceux qui pourraient profiter de mon état – tout particulièrement s’il s’agit d’autres professionnels de santé. Tu ne seras ni leur complice ni leur serviteur. Et tu refuseras que quiconque – moi y compris – t’achète ou t’utilise.

8. Tu m’aideras à lutter contre les injustices qui m’empêchent de recevoir des soins, tu respecteras et feras respecter les lois qui me protègent. Tu te tiendras à jour des connaissances scientifiques et des savoir-faire libérateurs ; tu lutteras contre les obscurantismes.

9. Tu respecteras tous les autres soignants, quels que soient leur statut, leur formation, leur mode d’exercice et tu œuvreras de concert avec eux. Car j’ai besoin de soignants qui travaillent ensemble, et non de professionnels aliénés par la hiérarchie ou les luttes de pouvoir.

10. Tu te soigneras et tu soigneras les tiens avec le même engagement et la même loyauté qu’à mon égard. Car si je ne veux pas d’un soignant qui m’exploite, je ne veux pas non plus d’un soignant qui se sacrifie. J’ai besoin d’un soignant que soigner gratifie.

Eric FAVEREAU

http://www.liberation.fr/societe/2014/05/26/avec-martin-winckler-le-malade-imaginatif_1027390


Classé dans:Textes théoriques

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