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Pierre Bouteiller

Publié le 19 mai 2008 par Philippe Di Folco
Pierre Bouteiller Jazz is the color Il y a de ça un an, j'ai eu le privilège de rencontrer un grand
de la radiophonie. Hier au soir, sur TSF, dans un hommage à
Frank Sinatra, il le démontrait une fois de plus : la classe, la culture,
la bonhommie, une certaine tranquillité, font de lui l'une des dernières
voix qui donne du sens au verbe s'entendre. 
Voici l’« homme de radio », une voix d’or et de velours (son hynotique « Bonsouâââr… ») , toute en modulations, tour à tour chantante et retenue. Bouteiller, tombé dedans quand il était petit, parle ici de sa plus belle histoire d’amour : le jazz.   Rendez-vous dans un salon de thé situé derrière le nouveau musée Branly –  là, des rombières, ici une longue dame brune, et enfin cinq étudiantes japonaises aux rires éclatants, cigarettes à la main. Pas de musique d’ambiance. De petites tables de conversation, pour une pièce blanche, neutre.   L’homme arrive, quelque chose en lui tient du furet. Il donne dans la blague, le calembour – immédiatement. Élasticité des traits. Il a soixante-dix ans passé et je me sens vieux con tant il dynamite à la vitesse de la lumière les clichés que je déploie devant lui.   J’aime bien leurs gâteaux ici mais je ne sucre pas encore les fraises ! Vous savez, mon émission [sur TSF] me permet de revenir plus profondément que je ne l’ai fait, à ma collection de vinyles, essentiellement de jazz. Entièrement libre de programmer ce que je veux, j’en ai extrait de véritables pépites… Des 25 cm, jamais réédités par exemple…[format intermédiaire entre le 45 et le 33 tours].   Bouteiller ne fait pas dans le CD, le mp3, le sampling et pourtant !   Les thématiques pour ce rendez-vous matinal sont parfois novatrices : ce « fadaise » du générique me donnent une contenance, j’ai bien l’intention de ne pas me prendre au sérieux... tout en rapprochant musique classique ou techno ou bandes sons de série B et jazz, en tissant des rapports incongrus avec cette « éternité » du jazz… D’ailleurs qu’est-ce qu’on  se marre ! Jean-François Bizot [Nova, décédé depuis] qui abrite TSF, un dingue de jazz lui aussi, me laisse une liberté absolue. Vous me demandiez « et le pouvoir ? ». C’est simple : j’ai dirigé France Inter, France Musique, et même les programmes de TF1 (1982-83) [il mettra en place Droit de réponses à la place de Maritie et Gilbert Carpentier et essuiera des milliers de lettres d’insultes !], mais sans jamais présupposer d’un plan de carrière. Difficile à croire, non ? Et pourtant… Pensez à Art Tatum – disparu si jeune, si vite ! –, à Monk, à Oscar Peterson – qui joue encore du piano comme nul autre ! –, ces artistes qui me hantent littéralement, vous comprendrez bien que le carriérisme, les luttes de pouvoir, « montrer sa gueule à la télé », tout ça, sur moi, ça glisse. Si je suis là aujourd’hui… Indolent, moi ? Je préfère dire : insaisissable.   Il me dit de penser à la main sur le clavier qui cherche un phrasé… qui tourne autour… Il me dit le style… Le style qui aujourd’hui semble se perdre… Je lui demande si le stylo le démange autant que le micro. Il publie peu. Ses souvenirs oui. Des bio d’icônes jazzistiques ? A d’autres. De la production télé ? De tant en tant (PB Productions). Avec des copains ou des inconnus. D’abord s’amuser. On se le permet. Là encore provoquer des rencontres. Du contrasté.   C’est facile aujourd’hui de choquer sans étaler sa culture, sans grands mots, sans en avoir l’air mais personne ne le fait plus. Je ne donne pas dans l’élitaire. Je tente de donner ce que j’ai mis de côté pendant cinquante ans à des gens qui se posent des questions, aussi bien que moi. Oui… l’Amitié. Voilà, le jazz entre copines et copains. Le bruit des glaçons dans le verre. Les couleurs de la nuit. Pour moi le jazz c’est coloré et colorant : on est loin des clichés noir et blanc, non ?   Bouteiller se lève, on fait un bout de chemin ensemble. Il lance quelques piques. La radio publique ? C’est pour lui « écoutez la déférence ». Et v’lan. Mais alors, y’a plus d’espoirs ?   Mais si ! Les sources. Travailler les sources. Y’a du bon partout. L’espoir il est dans la discordance des genres, dans l’éclatement du clanisme, des discours préfabriqués. Jazz et libertés, quel truisme ! Comment prétendre aimer et défendre le jazz (qui se défend bien d’ailleurs : ça se vend encore non ?), sans vouloir se sentir libre ? Bon, allez je file, je dois écouter six heures de vieilles bandes que j’ai retrouvé : on se sait jamais !   Retrouvez Pierre Bouteiller : Sur TSF 89.9, la radio-jazz
Si bémol et fadaises,
du lundi au vendredi à 9h04
et le dimanche soir,
en rétrospective, de 20h à 23h.
Lire aussi : Radioactif, souvenirs, Ed. Robert Laffont, 2006
  (c) Portrait publié dans DeDiCate, mai 2007

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