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La Romance de Paris

Publié le 17 juin 2014 par Marcel & Simone @MarceletSimone
La Romance de Paris

Contrairement à ce qu’on pourrait supposer « la romance de Paris » est un air qui s’égraine au rythme des conflits.

Qu’ils soient internes comme pour la révolution de 1789, ou pour la Commune (1871), qu’ils s’écoutent d’une oreille distante de seulement quelques kilomètres en suivant le ronronnement des moteurs des taxis de la marne, ou qu’ils glorifient une cité qui a su à elle seule se dresser pour se libérer par elle-même, c'est-à-dire « par la force de son peuple » (dixit le grand Charles, ou plutôt Charles le Grand puisque la période qui nous intéresse est celle de 1944), la ville du romantisme, de l’amour et des nuits de noces enflammées pour touristes ne descend pas dans la rue que pour se placer sous les balcons et balancer des sérénades aux belles dames faussement endormies.

Paris non plus ne dort jamais vraiment. Paris fredonne, Paris déclame, Paris chantonne, Paris chante, mais surtout Paris gronde !

Et je vous avoue que j’ai bien failli gronder moi aussi.

On n’apprend rien à l’école. Si ce n’est une vérité qui se vérifie tout au long de l’existence : il n’y a rien de plus facile à arranger que l’Histoire, surtout quand celle-ci est embarrassante.

Ce qu’on m’a enseigné dans les salles de classe (mais peut être n’est-ce plus le cas aujourd’hui car mes années en culotte courte commencent à dater sérieusement) c’est que la libération fut l’affaire des héros et rien que des héros. Que la collaboration ne fut que l’œuvre d’imposteurs dont le pays n’avait pas à payer les fautes puisque la France ne se trouvait pas à Vichy mais à Londres. Et que nous avions, au même titre que les Américains, les Britanniques et les Soviétiques, gagné la guerre.

Dunkerque, Pétain, Laval, Henriot, Montoire, Drancy, les rafles, le Vel d’hiv, la rue Lauriston, ça s’écrivait dans les livres certes, mais le « typex » à portée de main.

On ne nous enseignait pas le déni, on nous apprenait juste qu’il ne fallait pas mélanger les torchons et les serviettes.

Pourquoi cette précaution? Une confusion était donc possible ?

Ce qui m’a toujours choqué dans le terme « résistants de la dernière heure » (censé donc nous éviter l’amalgame avec les résistants les vrais) c’est l’appellation « résistant ».

Il n’y a pas eu de « résistants de la dernière heure », il n’y a eu que des salauds de l’instant.

Quel courage y a-t-il à se pointer à dix, quinze, vingt, vingt cinq et plus pour massacrer un homme seul, tout collabo qu’il fut, ou pour tondre une femme effrayée ?

Je réponds : aucun.

Rien à voir avec ceux qui ont combattu au sein de « l’armée des ombres » au risque de leurs vies, ni même avec ceux qui sont descendus, même si ce n’est qu’en août 1944, pour dépaver les rues, construire des barricades, se battre contre l’occupant alors qu’ils n’avaient jamais tenu de fusils, ou pour ramasser les blessés.

Non, on ne peut pas se tromper. L’erreur est impossible.

La Romance de Paris

Alors quand j’ai vu que l’exposition « Paris libéré, Paris photographié, Paris exposé » (qui se tient jusqu’au 8 Février 2015 au musée Carnavalet) commençait en nous signalant qu’une première exposition avait déjà eu lieu au même endroit sur le même thème en novembre 1944 sous la direction du résistant François Boucher (les photos communes au deux expositions sont signalées par un sigle) avec pour but de présenter sous un jour noble, et seulement sous celui-ci, l’action des libérateurs, j’ai commencé à bouillir et à craindre le pire, c'est-à-dire que le pire ne soit pas présent autrement que sous l’uniforme Allemand !

Qu’est-ce que vous voulez ? On ne se refait pas. Je suis un impulsif !

J’ai vite été rassuré.

Évidemment il y a beaucoup d’images donnant la part belle aux libérateurs : les résistants, les parisiens courageux, la 2ème DB (2ème Division Blindée, rattachée à l’armée Américaine mais commandée par le général Leclerc et qui fut la première unité alliée à entrer dans Paris), les alliés, le général de Gaulle.

Mais c’est la moindre des choses ! On leur doit bien ça !

Qu’on me comprenne bien : j’ai un profond respect pour ses hommes et ses femmes et je suis prêt à courir un sprint, malgré mes vingt années de tabagie, pour être le premier à leur rendre hommage.

Ce que je ne supporte plus, c’est qu’on minimise toutes les abjections qui ont accompagné la libération de Paris.

Mais là, pas de passe-droit, à ce niveau l’exposition est très bien faite. Rien ne manque à l’appel (du 18 juin, ah ah ah) : les clichés de lynchages, les vidéos de femmes tondues, les mises en scène orchestrées, l’explication sur l’absence de soldats noirs dans les rangs de l’armée Américaines quand celle-ci défile (ségrégation oblige, les héros venus d’outre-Atlantique pour nous libérer du nazisme étaient forcément blancs), l’aveu que rares sont les photos qui ont été prises de combattants Africains style tirailleurs Sénégalais.

La Romance de Paris

Il y a un parcours à suivre, pas toujours très clair malheureusement, qui nous mène du « quotidien des Parisiens sous l’occupation », jusqu’aux « alliés dans Paris », en passant par les premières insurrections, l’arrivée de la 2ème DB, la reddition de Von Choltitz (gouverneur militaire Allemand pour le « Gross Paris »), le défilé du général de Gaulle sur les Champs-Elysées.

En tout c’est 250 œuvres photographiques (de photographes professionnels comme Robert Doisneau, René Zuber, Roger Schall ou Jean Séeberger, mais aussi d’amateurs anonymes qui risquèrent consciemment ou non leurs vies pour apporter ce témoignage aux générations futures), 15 films en lien avec les photos, 1 film sur la libération de Paris, 15 ouvrages, des exemplaires de journaux d’époque, et une table tactile avec des informations et des témoignages de gens ayant participé à la libération suivant le quartier de Paris que vous avez sélectionné.

C’est donc une exposition très complète. Peut être même trop complète car je ne vous cacherai pas que devant la multitude de documents on finit par saturer un peu.

Néanmoins il ne faut pas perdre de vue que c’est une chance, au moment où on s’apprête à fêter les soixante dix ans de la libération de notre belle capitale, que d’avoir accès à autant d’informations, que se soient par le biais d’images ou de témoignages.

« Devoir de mémoire »… Eh oui ! Faudrait voir à pas oublier !

" Paris libéré, Paris photographié, Paris exposé "

Du 11 Juin 2014 au 8 Février 2015

Musée Carnavalet
23, rue de Sévigné - 75003 Paris
Ouvert tous les jours, de 10 h à 18 h
sauf les lundis, jours fériés.

Tarifs: 6 euros / réduit: 4 euros


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