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Interview I Lukas Moodysson, réalisateur lunaire de We are the Best, ovni ciné

Publié le 18 juin 2014 par Generationnelles @generationnelle

C’est un peu notre film coup de coeur de ces derniers temps. « We are the Best » c’est l’histoire de trois ados pas totalement comme les autres. Elles, ce qu’elles aiment c’est le punk! Lukas Moodysson est à la réalisation. Le suédois adapte le roman graphique de son épouse Coco Moodysson dans ce film très étonnant  où la phrase phare est « Punk is a question of ideas and not only of fashion ». Rencontre. 

Vous faites votre retour après 5 ans de silence, depuis « Mammoth ». Pourquoi?
Nous vivons à une époque où tout doit aller vite. Mais pour moi, 4 ans, c’est plutôt court ! Or Suède, les gens croient que je ne fais que des films mais je m’essaie à d’autres expressions, comme la littérature. Je me vois d’ailleurs plus comme écrivain que comme réalisateur. Je suis un auteur qui parfois filme ce qu’il écrit. Parfois, c’est frustrant de savoir que l’écriture n’est que le début de ce cirque spectaculaire mais c’est assez sympathique. Quand j’écris seul, je sens qu’il faut que je me force un peu pour socialiser un brin et faire un film.

Votre nouveau film « We Are The Best » est l’adaptation d’une bande dessinée, « Never Goodnight », écrite par votre femme. Est-ce pour la valeur sentimentale ou le sujet du livre que vous avez décidé de l’adapter en film ?
C’est une combinaison des deux. Il y a beaucoup de raisons pour lesquelles j’ai entrepris ce film. J’étais très curieux de voir ce que ma femme faisait avant de me rencontrer et ça tombait à un moment où j’avais envie de partager le sentiment bizarre d’être dans une équipe de tournage. En plus, ça parle de ma propre enfance, avec la même musique, les mêmes envies. Et par dessus tout, je voulais réaliser un film joyeux, positif, plein d’espoir et de vie comme ces 3 jeunes filles qui sont très fortes. C’est important de parler aux jeunes et de dire : même si tu n’as pas beaucoup d’amis, que tes parents t’oublient, que les gens trouvent que tu es laide, il y a des moyens de survivre.

PUNK 2

Le film est énergique, enlevé et on se demande du coup comment le tournage s’est passé… 
C’était très cool en fait. C’était peut-être un de mes meilleurs tournages, l’ambiance était détendue. Nous avons beaucoup joué au ping-pong! Une grande part du boulot de réalisateur c’est de gérer l’ambiance. Il faut assurer la bouffe et la boisson, donner des horaires de repos, un tout petit peu de bonbons, seulement pour des scènes très difficiles ! (rires) Pour moi, c’est vital mais peut-être parce que je suis suédois et que nous voulons toujours que les gens se sentent bien (rires). De ce fait, je peux les pousser dans leurs retranchements ! Si les gens ont du café chaud dans l’estomac et des moments de détente dans la journée, ils peuvent alors travailler sous la pluie pendant des heures! C’est un effort mutuel.

Le film se passe dans les années 80, c’était important pour vous de retranscrire cette époque? 
Il fallait retranscrire le moins possible les années 80 car cela peut tourner rapidement au ridicule, à la caricature. Il fallait du coup faire ça de façon simple et mélanger des éléments des années 70 car les gens n’allaient pas d’un coup acheter des accessoires des années 80 ! Pour les actrices, ce n’était pas du tout le même travail car elles ne devaient pas se concentrer sur les années 80 mais plus sur leurs personnages et les sentiments impliqués. C’était important de savoir comment elles allaient s’habiller, à quoi elles allaient ressembler car beaucoup de leurs personnages passent par leurs habits. Elles ne veulent pas être mignonnes et sexy pour plaire aux garçons mais elles sont habillées pour montrer qu’elles sont fortes et drôles. Elles n’ont pas de modèles féminins, et du coup, veulent ressembler à des garçons, des chanteurs de punk.

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Votre façon de filmer est parfois si réaliste qu’on dirait du photo journalisme en vidéo,on croirait que vous avez posé la caméra à quelque part et qu’elle filme la vie des gens…
C’est un peu le cas oui, il y a tellement à faire avec cette façon de travailler! C’est un choix existentialiste, pas forcément esthétique. Ma vision du monde est très proche de ma façon de filmer car j’aime m’asseoir derrière la caméra et scruter les détails, les angles et les zooms. Les gens qui font des films d’action adorent que la caméra bouge sans cesse car ils doivent aimer eux-mêmes toujours se mouvoir. Mais moi, je suis le genre d’individu qui aime me poser sur une chaise. (rires) Ce film est comme un documentaire qui suit des filles pendant quelques mois.

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Comment parler de ce film sans aborder la musique?
Ce sont des groupes suédois principalement, c’est une des raisons pour laquelle j’ai pensé que personne en dehors des suédois ne comprendraient ce film car il y a tellement de références à travers les paroles! Pour ma génération, ce sont des chansons qu’on a toujours en tête. Ce ne sont pas des groupes obscurs mais plutôt populaires. Par contre, je ne suis pas sûr que la jeune génération connaisse ces mélodies. C’était très étrange du coup de faire un film avec la musique que j’écoutais quand j’étais ado. Si j’avais pu prédire à ce gamin de 12 ans écoutant sa musique dans sa chambre qu’un jour il ferait un film sur la musique qui le passionnait… Je pense qu’il aurait été très surpris ! (rires)

Le Punk est-il mort? 
Non pas du tout. Pour beaucoup de gens qui ont grandi avec le punk, comme moi, ce avec quoi tu as grandi ne meurt jamais. Ce n’est pas de la nostalgie, ni la réponse à tout, car le punk peut engendrer aussi des actes stupides. Les garçons hurlaient sur scène et les filles n’étaient que des groupies espérant désespérément attirer l’attention des chanteurs. Pour certains, le punk est mort et mérite de l’être. Si des jeunes découvrent le punk aujourd’hui, écoutent les Sex Pistols et trouvent que cela leur apporte quelque chose, tant mieux. C’est drôle parce que dans le film, l’une des actrices avait son grand-père qui jouait dans un groupe de punk. Même pas le père mais le grand-père, ça fait partie de l’Histoire! Mais je pense qu’il faut trouver des solutions innovantes, plutôt que de continuer à reproduire les mêmes schémas.

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