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sur la ligne de départ

Publié le 18 juin 2014 par Aymeric

Sur la ligne de départIl y a de cela une trentaine voire une quarantaine d'années, l'un des rites de passage de la fin de l'adolescence à l'age adulte consistait pour certains à partir en voiture jusqu'en Afrique, le plus souvent de l'ouest et, une fois sur place de vendre ladite voiture et d'ainsi financer le périple et son double frisson d'aventure et d'exotisme.

Aujourd'hui il semble bien que ce genre d'escapade ait disparu au même titre qu'un autre rite de passage - quoique plus répandu – le service militaire.

L'une des premières explications qui vient à l'esprit est la conséquente augmentation du danger sur le trajet incarnée en grande mesure par Al-Qaeda au Maghreb islamique, organisation militaire issue à la fois des séquelles de la guerre civile algérienne et d'une plus vaste et ancienne opération quasi coloniale venue d'Arabie et visant à mettre au pas l'Islam africain à coups de pétrodollars stratégiquement placés.

Comme symbole fort visible de cette montée du danger dans la région il y eut l'annulation d'un autre transport de voitures – et deux roues – aux proportions autrement plus importantes.
Depuis 2009, et bien que s'appelant toujours Dakar, la course annuelle doit, sortie d'Afrique par la force des mitraillettes, se contenter de saccager les paysages d'Amérique du Sud.

Si cette explication, la disparition par le danger islamo-terroriste, tient la route (ah ah) alors il fut tentant de voir quelque facétie du destin lorsqu'en 2011 on apprit, suite à une plainte du procureur général de New-York, que le Hezbollah – autre organisation justifiant par le Coran l'utilisation du pain de plastique et de la kalachnikov bien qu'avec des options théologiques différentes et même carrément rivales – que le Hezbollah, donc, était à la tête d'un vaste trafic de voitures d'occasion des USA vers l'Afrique de l'ouest destiné, dans un premier temps, à blanchir l'argent de la drogue puis, in fine, à compléter le financement iranien.

Certes l'arrivée de ces voitures américaines se faisait quelques milliers de kilomètres plus au sud que les Talbot de nos parents – là le Togo et le Bénin, ici, le Mali et le Sénégal principalement – mais c'est presque un détail à l'échelle de l'Afrique.

Au-delà de l'ironie de l'anecdote on peut se dire que si une milice libanaise a investi dans le commerce automobile c'est peut-être parce qu'il y a de le demande. Demande que viennent confirmer par ailleurs les quelques 3 à 4 millions de voitures d’occasion qui sont exportées chaque années d’Europe vers l’Afrique, en provenance essentiellement de France et d’Allemagne.
Ce qui laisserait penser que, davantage que la mise en guérilla religio-mafieuse de la région, somme toute récente qui plus est, ce qui a mis fin à la forme ancienne, artisanale et un rien condescendante de convoyage c'est la concurrence impitoyable du conteneur, ce si puissant instrument de la mondialisation.

Arrivage massif, baisse des coûts et - relatif – enrichissement des quelques pays du continent ont ainsi fait que l'Afrique n'est en moyenne plus un endroit où la voiture est une denrée rare.
Seulement, en Afrique comme dans l'ensemble des pays pauvres ou en développement qui ont connu le même phénomène, l'absence de routes en état et de normes adaptées (et de moyens de les appliquer) ont fait que cette augmentation du parc trimballe son lot d'effets fâcheux et pas uniquement environnementaux.
Dans ces parties du monde désormais, et si étonnant que cela puisse paraître, la route tue désormais davantage que la malaria ou la tuberculose.


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