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Le bas Moyen-âge : Fin amor et Art français ou francigenum opus.

Par Richard Le Menn
Lundi 19 mai 2008

Le bas Moyen-âge : Fin amor et Art français ou francigenum opus.

On entend généralement par 'bas Moyen-âge' une période qui couvre du XIIe siècle au XIVe. Il commence avec un des siècles d'or de l'histoire de France et de sa culture, où débutent la poésie courtoise et l'art gothique : au temps de la seconde renaissance médiévale, faisant suite à celle du IXe (la renaissance carolingienne) et précédant celle du XVe.

Le bas Moyen-âge : Fin amor et Art français ou francigenum opus.
Photographie : Valve de miroir en ivoire (ca.1350-1375), de fabrication parisienne, avec des scènes courtoises. Elle fait 11,4 x 11,3 cm. Le médaillon est bordé de quatre lions. Il contient une rosace à huit ‘pétales’ entourée de mascarons. Il est divisé en quatre parties délimitées par un arbre. Chaque sujet met en scène le couple en suivant une rhétorique iconographique courtoise avec des gestes précis comme celui de tenir le visage de sa bien-aimée avec la main, et des symboles tels : le faucon ou l’offrande du cœur (en bas à droite). Cet ivoire fait originellement partie d’un ensemble composé de deux valves s’emboîtant l’une dans l’autre et contenant un miroir qu’on atteint en les dévissant. Une ou les deux faces externes peuvent être décorées le plus souvent de scènes courtoises ou chevaleresques. Cet objet d’art est présenté sur le site de :

Le bas Moyen-âge : Fin amor et Art français ou francigenum opus.
ART FRANÇAIS OU FRANCIGENUM OPUS. Le XIIe siècle qui amorce le bas Moyen-âge, est immensément riche ; tout d’abord de par la transmission des textes antiques que l’on copie et redécouvre et qui sont pour beaucoup les plus anciens ouvrages qui nous restent des auteurs grecs et romains. Nombre des textes antiques que nous lisons aujourd’hui nous sont transmis par des copies médiévales. Il n’est pas rare que les plus anciennes sources connues des chercheurs de textes grecs ou romains soient du XIIe siècle où sont multipliées les copies. Cette renaissance se différencie de celle dont Charlemagne est la figure de proue par le fait qu’elle n’est attachée à aucun personnage emblématique tout en rayonnant de même dans toute l’Europe. Les enseignements de divers clercs appartenant à différentes ‘écoles’ sont cependant réputés. Un véritable courant se dessine de savoir d’élévation que l’architecture que l’on appellera plus tard gothique symbolise. A cette époque, les centres chrétiens de culture sont nombreux en France et leur influence dépasse largement ce pays. Ils véhiculent le savoir antique, certains se spécialisant dans la pensée platonicienne comme l’Ecole de Chartres dont Guillaume de Conches (v.1080-v.1150) est un des maîtres. Chartres ou la montagne Sainte-Geneviève à Paris sont des exemples de ces nombreux pôles où se réunissent maîtres et élèves pour discourir sur les arts libéraux en latin et en grec ou suivre l’exégèse de la Bible et des penseurs chrétiens. L’Humanisme se déploie ainsi subtilement dans toute la chrétienté occidentale. C’est un moment charnière où s’invente un nouveau monde de prospérité symbolisé par l'architecture gothique, née en Île-de-France à cette époque et qui se répand rapidement au nord de la Loire puis dans toute l’Europe. Ce nouveau style est appelé art français ou francigenum opus. Les croisades contribuent de même à propager les connaissances de l’Antiquité dans tout l’Occident en permettant de puiser dans les copies, les traductions et les commentaires des auteurs antiques du sud de la Méditerranée.

FIN’AMOR. Si les clercs humanistes puisent avec délice chez les anciens, ils restent habillés par la religion chrétienne, contrairement à l’autre grand courant de cette période dont la religion est toute autre : celle de l’Amour et de la Dame que la chrétienté s’approprie en la Vierge et Notre Dame. C’est au XIIe siècle que les premiers chantres de la fin’amor, c'est-à-dire de l’amour courtois, commencent à officier auprès des Dames. Ils prennent le nom de ‘trouveurs’ (de l’inspiration divine de l’amour fin) : troubadours en langue d’oc et trouvères en langue d’oïl. Ils jalonnent d’autres centres culturels qui ne rassemblent pas des clercs mais des poètes dans des cours seigneuriales. Parmi les plus connus il y a ceux de Guilhem IX, de Raimbaut d’Aurenga, d’Aliénor d’Aquitaine, de Marie de Champagne, des comtes de Toulouse… Guilhem IX (1071-1126), duc d’Aquitaine et sixième comte de Poitiers, est considéré comme le premier troubadour et le premier poète de l’Europe médiévale à écrire en langue vulgaire. Sa petite fille : Aliénor d’Aquitaine (née vers 1122), est un des plus grands mécènes de l’art des « trouveurs » et mère de l’un d’entre eux Richard Cœur de Lion, de même que de Marie de Champagne qui rassemble autour d’elle des poètes célèbres comme Chrétien de Troyes surtout connu aujourd’hui pour ses romans arthuriens… C’est aussi l’époque des chansons de geste, des monastères, des Cathares, de la redécouverte de l’Orient …

Les poètes-trouveurs médiévaux, dévoilent des formes poétiques jamais utilisées, de nouvelles images, et savent jouer avec celles déjà existantes, mus par cette quête d’absolu et le savoir jouir pleinement du moment présent. L’extase qui en résulte trouve le plus souvent sa justification dans la recherche de l’être aimé et sa concrétisation dans sa découverte et le dialogue amoureux qui s’en suit, car elle est un partage que seul l’amour peut dévoiler. Il est à remarquer que l’Amour courtois n’est nullement emprunt de religion. Il n’est pas même une inspiration. La fin’amor se trouve. Le poète a une conscience aiguë du moment, de soi et de l’autre qu’il exacerbe dans le seul but de la communion. L’enthousiasme se transforme en partage, plaisir et amour. Par là, le trouveur se transcende et transmue et est transcendé et transmué par l’autre. Il n’est pas l’interprète d’une divinité, mais celui d’un être ou d’une entité concrets avec qui il communique pleinement dans un jeu toujours renouvelé. Ainsi, rien n’est de son cru. Il est l’interprète (herméneus) de l’autre, qui lui souffle toutes les paroles qu’il articule au moment même où l’inspiration (enthousia) le saisit et où il perd la conscience de lui-même. Il découvre, dans le moment présent et l’amour qu’il ressent par l’intermédiaire d’autrui, les rythmes d’une communion sensuelle et divine qui habite la citadelle de l’âme et fait retentir et résonner de l’intérieur une part de l’instrumentation rythmique pour se manifester clairement et concrètement dans son caractère sacré et fondamental, dans toutes les finesses de l’amour humain. Son extase étant partagée n’est pas de l’ordre du délire mais de la communion et peut ainsi trouver écho dans l’âme qui habite le cœur des autres. Le poète devient alors prophète et ses chants retentissent au-delà du cercle de sa bien-aimée dans un chœur politique puisque devenant l’affaire de la Cité toute entière.

Au XIIe siècle, toute une sagesse humaniste et courtoise, pleine de finesse, d’amour et de sagesse est donc rassemblée. Elle est d’une richesse infinie, remplie de résurgences de savoirs anciens et de découvertes nouvelles notamment en poétique et en architecture. Cependant l’Inquisition et la répression des Cathares au XIIIe siècle, la perte de la Terre sainte en 1291, l’élimination de l’ordre des templiers au XIVe siècle … et les nouvelles découvertes : la Chine (avec Marco Polo : 1254-1324), les Amériques, l’Imprimerie ... font que la Renaissance du XVe siècle impose une nouvelle vision du monde, fondamentalement moderne et humaniste, qui ne voit dans les siècles qui la précédent et qui suivent l’Antiquité qu’un ‘âge moyen’ : le Moyen-âge (Ve-XVe s.).

Le bas Moyen-âge : Fin amor et Art français ou francigenum opus.
Photographie : Vignette gravée, de 16,6 x 7,8 cm ; provenant d’un livre ancien en latin, probablement d’un incunable du XVe siècle, illustrant les œuvres de l’auteur comique romain Térence comme le montre le texte au dos. L’intérêt de ce document d’époque réside dans le mélange de l’humanisme scolastique transmis par la chrétienté notamment à travers les pièces de Térence et le type iconographique purement médiéval de l’amant courtois et de sa dame. Mais cette gravure s’inscrit dans la Renaissance : celle des XVe-XVIe siècles qui commence même en Italie au XIVe.

par La Mesure de l'Excellence
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