Patrick Laupin relate dans ce livre une expérience longue de dix ans et plus. Dix ans avec des enfants en grande difficulté. Instituteur, il met en place une relation de confiance telle qu’il avance avec eux sur les chemins de l’écriture poétique. De la confiance, il en faut pour que ces jeunes, blessés, acceptent d’aller à la rencontre de l’écriture. Et cette confiance grandit quand on sort de l’exigence du résultat, de la performance scolaire, de la recherche du texte tellement lisse qu’il n’a plus rien de personnel. C’est dans le manque que s’inscrit le désir et c’est le désir qui fait naître l’écriture. Patrick Laupin, poète, connaît bien ce rapport à l’écriture ; il sait aussi que « créer c’est résister » (Gilles Deleuze). Dans ce livre, on voit ici la lettre prendre sa propre dimension (« un souffle animé peut faire se lever les lettres, comme un vent double qui espace, aère »), s’allier à d’autres lettres pour former un mot et, tant bien que mal, les mots s’assembler pour donner des phrases, des poèmes. Au point qu’une fille écrira : « Oh mon dieu, qui pourrait le dire si les mots ont un corps ? »
Ce livre a d’abord été publié en 1998 et republié deux fois depuis cette date. Il est composé du récit de l’expérience de Patrick Laupin, de l’analyse qu’il en fait et de textes des jeunes qu’il a accompagnés. Il ne s’agit pas d’une méthode d’atelier. Et nous sommes très éloignés des cours de storytelling. La chose la plus importante, c’est la confiance, et l’échange. Il n’y a pas, d’une part, un maître qui enseigne, et, d’autre part, un élève qui reçoit. Il y a bien échange, acceptation de l’autre et simple accompagnement. Ce n’est pas non plus une technique pédagogique. Patrick Laupin dissocie les cours (de Français, de Maths…) de cette activité d’écriture. Publiant dans un même ouvrage son expérience, argumentée de textes de poètes contemporains, et les poèmes des jeunes, il va au bout du travail qu’il a engagé avec eux.
« Va et trouve ta phrase » (Yves, un des jeunes cités par Patrick Laupin)