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Empois de Michèle Plomer

Par Venise19 @VeniseLandry
Empois de Michèle PlomerJ’ai lu Empois, je n’habitais pas encore Magog, ville où se déroule la majeure partie de ce troisième tome de la saga Dragonville.
Le roman porte bien son titre Empois pour l’importance que prendra la blanchisserie, Celestial Washy-Washy à Magog. Li y vivra des jours heureux, presqu’en transe, sanctifié par une tâche colossale entièrement dédiée à son amour pour Lung. Pendant que Li vit en esclave béat, les vieux Chinois buandiers vivent en esclaves mesquins à force de travaux éreintants. J’avais oublié que dans mon enfance (voici plus de 50 ans !), les blanchisseries étaient tenues par des Chinois au Québec. J’espère que leur vie ne ressemblait pas à celle de ces frères vieux et aigris ; est-ce dû à la chaleur d’enfer qui règne sous leur toit, mais je les ai perçus comme le diable en personne.
Comme j’ai lu le roman voici plus de trois mois, les souvenirs me viennent par vagues d’ambiances, par empreintes de personnages. Le personnage qui m’a fait la plus forte impression, restant accroché à mes basques, c’est le capitaine Matthews. Sa prestance, son caractère fortement ancré, sa complexité le rendait attrayant à mes yeux. Au fil du temps et des hasards, il en vient à développer une relation unique avec Li. Cette relation trouble est passionnante à suivre de près. Il faut d'ailleurs s'approcher de très près pour y voir plus clair. On y avance dans l’opacité d’un brouillard mystérieux, presque poétique. Tout ce que touche Li a un côté vaporeux, éthéré, il ne s’appartient plus, possédé qu’il est par la force de son amour pour celle qui n'est plus à ses côtés.
Dans un siècle, autant l’amour de Li et Lung est céleste, dans l'autre, autant celui de Sylvie et Jean est terre-à-terre. Au début de ma lecture, je me souviens avoir réalisé jusqu’à quel point le temps passe lentement dans l’univers de Michèle Plomer. C’est une saveur. Nous déambulons dans ce troisième tome dans le même état qu'un dimanche après-midi où l’on a du temps pour détailler, savourer, prendre son temps. Si vous tentez d’aller plus vite que ce rythme, peut-être qu’une certaine frustration se pointera. Peut-être. Pour ma part, en 1910, il a été facile de me coller à ce rythme, en 2010 ce fut plus difficile. Tout va si bien entre Jean et Sylvie, leur relation coule de source, ce qui rend les dialogues un peu monotone et le dimanche, c'est connu, la monotonie est moins supportable. Je n’irai pas jusqu’à dire que les gens heureux n’ont pas d’histoire puisqu’entre les murs de Lake House, cette exigeante demeure, il y a de l’Histoire. Y vivre n’est pas de tout repos, le couple doit faire face à des problèmes et des inquiétudes constantes et consistantes. Petit Bouddha s’est inséré dans ce couple, il le plus naturellement du monde. Cette famille est décidément sans aspérité. Le rythme m’a semblé s’accélérer quelque peu lorsque Sylvie part en Chine, par affaires, pour approvisionner sa boutique. Mais peut-être était-ce seulement dû à l’effet du dépaysement.
Ce que je retiens de ces trois tomes que je conseille de lire d'une traite*, c’est la fréquentation du familier (le près de nous) avec l’étranger (le loin de nous) à l’intérieur et à l’extérieur d’un même cœur.  
Soyez assuré que ce troisième tome ne fait pas exception, comme Porcelaine et Encre, il s’apparente à une initiation où l’on avance à tâtons, les yeux écarquillés, tellement nos pieds longent de près la bordure délimitant la réalité du rêve. La tête du lecteur gardée dans une bruine fine, il arrive que les deux se confondent, presque à son insu. C’est durant ces moments qu’une auteure se transforme en magicienne.
Les trois tomes sont maintenant accessible sous un même pavé :

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