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Perliculture

Publié le 27 juin 2014 par Zappeuse

Le collier de perles, c’est parfois le susucre au chienchien, la mini-récompense offerte au correcteur de copies. Quand la perle s’insinue dans un travail par ailleurs correct, ce n’est pas bien grave. Je pense ainsi au candidat qui a donné comme définition de l’autarcie le verbe "s’autodébrouiller". Il avait pigé, finalement, et il a chopé 11/12 à sa compo. Mais dans la plupart des cas, la perle trahit une réelle incompétence, ce qui est gênant quand on prétend obtenir le sésame qui ouvre la porte de l’enseignement supérieur.
Reprenons donc tout ça, perles mignonnes et bourdes plus gênantes, maintenant que je suis venue à bout d’un paquet moins gros que les autres années. Série ES, donc coefficient 5 au bac, ce qui n’est pas rien. Ce qui pourrait laisser espérer qu’un vrai travail de fond a été effectué par les candidats. Après tout, l’espoir fait vivre …
Cette année, le sujet était pile dans les clous des instructions officielles : le choix entre deux compositions d’histoire qui reprenaient des intitulés de chapitre et un croquis de géographie forcément réalisé en cours, puisque figurant sur la liste des sept croquis obligatoires. Un élève normalement sérieux, ayant étudié ses leçons, ne pouvait que réussir.
Les compositions portaient sur le projet d’une Europe politique depuis 1948 (5% seulement des copies que j’ai eu l’honneur de corriger) et sur la Chine et le monde depuis 1949 (donc toutes les autres). Le croquis de géo devaient mettre en évidence les dynamiques territoriales du Brésil.
Commençons par la géo : c’est la première fois que je vois autant de copies dans lesquelles les candidats ont carrément modifié le sujet, traitant par exemple de la population du Brésil. Beaucoup de candidats n’ont pas fait le croquis, où alors se sont contentés d’indiquer un élément de légende et un seul, bien souvent la forêt amazonienne délicatement coloriée en vert. Voici une belle méthode pour perdre d’emblée 7 ou 8 points !
Le collier de perles n’est pas très fourni. J’ai bien repéré deux localisations bizarres : l’apparition d’un Bilbao sur la carte et Manaus transformé en Paname. Et puis il y eut un élément de légende un peu curieux, annonçant des exportations "vers l’ENA". Je me permets de supposer que le candidat a pensé à l’ALENA.

En histoire : comme je le disais précédemment, le sujet sur l’Europe n’a pas séduit grand monde. Cette pauvre vieille Europe est décidément bien peu glamour … Une seule perle au collier, donc (l’orthographe a été respectée, comme dans toutes les perles citées) : "En 1948, à Bruxelle, s’ouvre le congrès de La Haye".

Le gros morceau, avec des perles de toutes les couleurs, fut donc collecté dans les copies traitant de la Chine. Le problème numéro un est lié à l’insuffisante maîtrise de la langue française. Cela peut donner des choses de ce style : "La cohexistance pacifacatrice avec l’URSS contraint à réchauffer les tensions avec les Etats-Unis". Le Grand Bond en avant devient souvent "le grand bon en avant", un "bon" façon "coupon" et non synonyme de "saut".  Les contresens et les absurdités deviennent la norme dans certaines copies : "le nationalisme, lui, est à l’ONU". Cela peut ne pas manquer de poésie (sans pour autant avoir du sens, mais c’est un autre problème) : "la guerre civile qui chevauche le pays".
La deuxième catégorie de bourdes montre une réelle méconnaissance du cours, celui-ci ayant manifestement été ingurgité à la dernière minute. L’histoire du monde s’en trouve totalement bouleversée : "La Chine se dote de la puissance nucléaire avec les bombes d’Hiroshima Nagasaki" ou "La Chine est sous un régime autoritaire communiste depuis toujours". La phrase "Des accords ping-pong sont passés entre la Chine et les Etats-Unis" n’est pas mal non plus. Puis-je me permettre de suggérer au candidat de revoir le film Forrest Gump, dont plusieurs scènes illustrent de manière fort compréhensible la diplomatie du ping-pong ?
Pour finir, et nous en resterons là pour aujourd’hui (il faut préparer l’oral, et je m’attends à avoir pas mal de clients !), j’ai remarqué une montée en puissance du langage familier, dont voici un petit exemple : "Mao va remarqué que […] l’ancien dirigeant n’avait pas fait correctement son boulot". Il se trouve que le candidat non plus n’avait pas fait le sien …

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En conclusion, je suis plus dépitée et déçue qu’amusée. Il y a là une mise en lumière d’incompétences, liées pour la plupart à un réel manque de travail, ce que j’ai constaté chez mes élèves (qui n’ont sans doute pas fait mieux). La paresse s’affiche. Combien de fois cette année ai-je entendu Norbert ou Pétronille justifier leur refus de travailler par des "non mais là je suis trop fatigué(e)" ou des "ah non là j’ai trop la flemme" ?


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