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Dossier : Jésus Franco

Publié le 27 juin 2014 par Olivier Walmacq

Après Terence Fisher, je vous propose de nous pencher sur un autre cinéaste : Jésus Franco.

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JESUS FRANCO : FILMOGRAPHIE COMMENTÉE

1961 : Jésus Franco (né en 1930 en Espagne) passe derrière la caméra pour la première fois après une carrière de critique de cinéma avec L’Horrible docteur Orloff, produit par Eurociné (studio pour lequel le cinéaste est amené à retravailler, notamment pour le script de Terreur cannibale) et qu’il scénarise. Dans le rôle-titre, on retrouve Howard Vernon qui sortait tout juste du tournage du Diabolique docteur Mabuse chez Fritz Lang où il côtoyait Gert Fröbe (Goldfinger). L’acteur devint une figure récurrente des films du cinéaste par la suite et signe là sa meilleure prestation. Le script de Gritos en la Noche (titre original) qui parle d’un homme faisant des expériences chirurgicales pour soigner sa fille, n’est pas sans rappeler un certain Des yeux sans visage de George Franju sorti deux ans auparavant. Il existe deux versions de ce film, une française et une espagnole, la seconde étant plus longue que la première de cinq minutes. Le succès du film fut tel que Franco en tourna deux remakes : La Vengenza del doctor Mabuse (1970) et le moins connu Les Prédateurs de la nuit (1988).

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1962 : Le Sadique baron Von Klaus. Disponible en « dvd Mad » du magazine cinématographique « Mad Movies », Le Sadique baron Von Klaus (La Mano de un Hombre Muerto en espagnol) est le premier film que le cinéaste signe sous pseudo, à savoir Jess Frank. Il s’agit d’une production hispano-française (comme L’Horrible docteur Orloff) dans lequel on retrouve Howard Vernon ainsi que Eurociné à la production et Godofredo Pacheco en tant que chef op’, ce dernier ayant d’ores et déjà œuvré sur L’Horrible docteur Orloff. Dès son second film, Franco s’est donc déjà construit une petite équipe fétiche, affirmant sa volonté de retravailler avec les mêmes techniciens de films en films. L’Histoire est la suivante : dans un petit village, des jeunes filles sont sauvagement assassinées et les soupçons se portent sur un certain baron Von Klaus (Howard Vernon évidemment) dont les ancêtres ont une histoire on ne peut plus macabre... Visuellement, Franco commence à s’affirmer clairement dans ce film, faisant un usage remarquable du Cinémascope. Encore une fois, par analogie avec son précédent long-métrage, Le Sadique baron Von Klaus possède plusieurs versions, la version française étant comme toujours plus courte que les autres, la scène de meurtre du pré-générique ayant notamment été amputée. Il est intéressant de savoir que le film est adapté d’un roman écrit par un certain David Khunne, qui n’est autre que Jésus Franco en personne !

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1964 : Les Maîtresses du docteur Jekyll. Possédant un intéressant titre original, à savoir El Secreto del doctor Orloff (ce qui suppose que le film est la suite de L’Horrible docteur Orloff), Les Maîtresses du docteur Jekyll est l’un des films les plus oubliés de Jésus Franco, et est resté dans l’esprit des cinéphiles pour la présence d’un robot meurtrier aux ordres du docteur (Jekyll ? Orloff ?).

1965 : Dans les griffes du maniaque. De son titre original Miss Muerte, également connu sous le nom de Le Diabolique docteur Z (non mais Jésus Franco a dû avoir un problème avec les docteurs dans sa vie, c’est pas possible !!), ce quatrième film du cinéaste est pour le moins intéressant. Écrit par Jean-Claude Carrière (qui devait rédiger peu de temps plus tard le script de Cartes sur table, toujours de Jésus Franco) et mis en musique par Daniel J. White avec qui Franco avait déjà travaillé à l’occasion de Le Sadique baron Von Klaus, Dans les griffes du maniaque repose comme bien d’autres films d’horreur de l’époque (notamment la saga des Dracula de la Hammer) sur une classique rivalité Bien/Mal, mais qui est néanmoins traitée avec un admirable savoir-faire, comme le souligne également Laurent Aknin dans son excellent « Les Classiques du cinéma bis » en disant « Avec Orloff, il s’agit sans doute du sommet de sa période dite « classique » à propos du film de Jésus Franco.

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1965 : Cartes sur table (Cartas boca arriba). Après avoir failli tourner Le Masque de Fu-Manchu (1965) avec Christopher Lee (à ne pas confondre avec The Mask of Fu-Manchu, chef d’œuvre de Charles J. Brabin) finalement tourné par Don Sharp, Jésus Franco réalise son premier film « à stars » vu que Cartes sur table réunit Fernando Rey et Eddie Constantine (qui tournait la même année dans Alphaville de Jean-Luc Godard). Non content de le réaliser, Franco scénarise également son film, prêtant main forte à Carrière. Le film se classe fièrement parmi ma liste personnelle des films les plus barrés du cinéma puisqu’il y est question d’une machine à « zombifier les humains ». Du reste, Cartes sur table n’est non pas produit par Eurociné mais par Hesperia Films, comme c’est le cas de Dans les griffes du maniaque. Particulièrement « moderne » et « stylisé » malgré le fait qu’il soit tourné en noir et blanc, le film est le premier des deux que tournera Jésus Franco avec Eddie Constantine, le suivant étant Ça barde chez les mignonnes (1966).

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1967 : Besame Monstruo !. Il s’agit d’une super-rareté. Introuvable, inchoppable. Il n’y a presque aucune information à donner sur le film.

1967 : Sadisterotica. Faisant lui-même une apparition dans ce film, Jésus Franco a tourné Sadisterotica pour s’amuser, il semblerait. Très efficace, ce long-métrage restera dans les mémoires pour l’apparition cocasse qu’y fait le cinéaste, qui se fait assassiner par Adrian Hoven.

1967 : Necronomicon. Amateurs d’OFNIS, les OFNIS vous appelle !! Effectivement, Necronomicon est un film des plus inclassable, au même titre que le quasi expérimental Les Cauchemars naissent la nuit, tourné trois ans plus tard. Au niveau du casting, on retrouve toujours Howard Vernon, dans un rôle magnifique. Personne n’oubliera jamais Necronomicon d’ailleurs, et pour de nombreuses, très nombreuses raisons : la scène de danse entre Vernon et Janine Raynaud, par exemple. On voit déjà apparaître dans Necronomicon le personnage de Lorna, ici danseuse de cabaret et qui reviendra dans Lorna l’exorciste en 1974. Tournant autour d’une histoire de sadomasochisme, Necronomicon est une œuvre très perturbante qui compte à coup sûr parmi les meilleurs films de Franco, qui signa également le scénario, une fois de plus.

Pour l’anecdote, Howard Vernon a toujours soutenu que Fritz Lang avait adoré le film...

1968 : Marquis de Sade : Justine (Les Infortunes de la vertu). Oliver l’a déjà abordé sur le blog, cette adaptation de Sade est la première du cinéaste, qui y reviendra par la suite à plusieurs reprises, notamment avec Les Inassouvies dont le titre original n’est autre que De Sade 70 ! En ce qui concerne Justine, je l’ai découvert récemment et sans être emballé le moins du monde. Car il faut bien le dire, Justine est un des plus beaux ratés de la carrière de Franco, qui n’offre aucune profondeur à son adaptation. Le reste de l’année 1968 fut très prolifique, mais deux des films réalisés par Franco lors du reste de cette année ne peuvent être visionnés en zone 2, et je doute fort qu’ils existent ne serait-ce qu’en zone 1. Pour votre information, il s’agit de 99 Mujeres et de Fu-Manchu y el beso de la Muerte.

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1968 : Sumuru – la cité sans hommes. À la graisse de Dieu (vous avez reconnu La Cité de la peur ?), Artus Films a eu la bonne idée de rééditer ce film, tout comme Les Inassouvies et Le Miroir obscène, autre perle rare de la carrière du cinéaste. Tourné au Brésil, le film bénéficie de ce fait d’un cadre naturel vraiment très beau mais n’évite pas les poncifs du genre, l’idée départ étant déjà franchement moisie (des films où les femmes martyrisent les hommes, on en a vu des tonnes, dans tous les pays !), le tout alourdi par des longueurs interminables. Et comme le souligne Gilles Esposito page 64 du numéro 271 de Mad Movies, « la chose vaut surtout pour son côté outrageusement pop » ajoutant que le film pâtit d’un scénario « pour le moins confus ». On ne peut que le rejoindre sur ces deux points !

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1969 : Paroxysmus/Venus in Furs. Production Anglo-germano-italienne, Venus in Furs est récemment passé sur la câble. Distribué par AIP (le studio de Roger Corman !), le film est un trip inoubliable, jazzy et profondément sixties !

1969 : De Sade 70 (Les Inassouvies). Production germano-hispano-anglaise, De Sade 70 marque le grand retour de Jésus Franco qui signe là son premier bon film depuis deux ans ! Bénéficiant d’un excellent casting porté par Paul Muller (Les Cauchemars naissent la nuit), Maria Rohm et Christopher Lee. Également connu sous le nom de Into Perversion (qui fait écho à Perversion Story de Lucio Fulci qui sort en même temps), le film est une adaptation de « La Philosophie dans le boudoir » de Sade. Particulièrement osées, les scènes de sexe sont les plus réussies de la carrière du cinéaste, particulièrement inspiré pour l’occasion.

1970 : Grande année pour le cinéaste !! Il tourne coup sur coup Le Juge sanglant (?), Le Comte Dracula et Vampyros (?) ainsi que Les Nuits de Dracula (dont Christophe Lemaire croyait qu'on y voyait pas le dents de Lee) et El Diablo viena de Akasawa. Mais nous allons plutôt nous pencher sur le cas d’Eugénie et des Cauchemars naissent la nuit.

En ce qui concerne Eugénie, nous dirons tout d’abord qu’il marque les retrouvailles du cinéaste avec le studio Eurociné. Une nouvelle fois penché sur la frontière (ici plus que ténue) entre le bien et le mal, le film permet au cinéaste de  retrouver une seconde fois Paul Muller dans le rôle principal, c’est à dire celui du père adoptif d’Eugénie Radeck. Il est à noter que Jésus Franco joue lui aussi dans le film (dont il a d’ailleurs signé le scénario).

Pour ce qui est des Cauchemars naissent la nuit, il fut tourné au Lichtenstein (comme 50% d’Eugénie) et peut aisément être considéré comme le film le plus poétique du cinéaste (voire ce plan sur des fesses blanches dans une chambre sombre ne pleine nuit). C’est la dernière collaboration du cinéaste avec l’acteur Paul Muller. Réédité en dvd récemment, le film rappelle, comme le fait justement remarquer Laurent Aknin, Les Mains d’Orlac.

1971 : Autre année faste de la carrière de Jésus Franco : Elle a tué en extase, Las Vampiras , La Fille de Dracula, El Muerto hace las Matelas mais aussi et surtout Dracula prisonnier de Frankenstein qui demeure à ce jour l’un des chef d’œuvre de Franco à mes yeux. L’année suivante, Franco devait continuer dans cette voie avec La Malédiction de Frankenstein.

1973 : Franco revient au docteur Orloff dans Les Yeux de Sinister docteur Orloff mais à partir des années 70, son œuvre va prendre une tournure résolument érotique voire pornographique, comme on le voit en 73 avec La Comtesse aux seins nus, The Erotic Adventures of Maciste dans l’Atlantide, Le Miroir obscène (avec Howard Vernon) et le très amusant Christina : princesse de l’érotisme

1974 : Franco tourne un petit « hit » bis avec le très Z Lorna l’exorciste qu’il signe Clifford Brown. Tourné dans notre beau pays, le film (produit par CFFP) réunit Jésus Franco lui-même et Howard Vernon au casting. D’ailleurs, il est temps de regarder un peu la filmo de cet acteur. On pourrait croire qu’il a passé sa vie dans les films de Jésus Franco, mais c’est faux : il a également tourné Alphaville pour Jean-Luc Godard, L’Inconnu de Shandigor pour Jean-Louis Roy, La Rose écorchée pour Claude Mulot et Les Orgies du docteur Deed (ou Orloff, ça dépend des traductions) pour Santos Alcoccer.

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Pour ce qui est de Lorna l’exorciste, s’il y a des intéressés, vous le trouverez également sous le titre de Les Possédées du Diable, Les Possédées du démon et tout simplement Lorna.

Parmi les scènes chocs du film, on se rappellera longtemps du répugnant passage vaguement inspiré du Cercle rouge où des bestioles comme des cafards sortent... du sexe d’une femme !!!!

Je crois qu’il vaut mieux s’arrêter là. Mis à part Le Sadique de Notre Dame (1979) dans lequel Franco joue le rôle-titre et Gemidos del Placer (1983) qui fut interdit aux moins de 18 ans en Espagne, la suite de ses films furent fort peu intéressants, à l'exception des Prédateurs de la nuit (1988) avec Brigitte Lahaie et Caroline Munro.

Citons tout de même :

Snakewoman, Tueur de barbies vs Dracula (il m’a bien étonné celui-là !!), Le Trésor de la déesse blanche, Marie-Cookie et le tueur de tarantula à huit pattes à vous (what the fuck ????!!!!!), Vampire Junction, Lust for Frankenstein, Voodoo Passion, Tender Fleish, The Mansion of the Living-Dead, Revenge of the Maison Usher (bizarre comme titre tout de même, non ? Ça sent l’arnaque tout ça...), Le Tombeau des morts-vivants, Dorianna Grey (il me plaît lui ! Il veut pas nous faire Doria Grey aussi ?), Mondo Cannibale et tant d’autres...

Dans tous les cas, il est certain que Jésus Franco est un grand cinéaste bis qui, dans sa recherche plastique sur le sexe, l’amour, la violence et le sadomasochisme, a conçu une œuvre inégale, extrême, unique et fascinante, portée sur la chair dans tous ses états.

J’espère que ce modeste biller lui fait honneur.

En espérant que vous avez appris deux-trois trucs,

HDEF

Sources : Les Classiques du cinéma fantastique de Jean-Marie Sabathier, Les Classiques du cinéma bis de Laurent Aknin, Mad Movies n°271


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