Cette année encore je présente sur Thés du Japon une sélection importante de thés de Shizuoka, qui, rappelons le, reste encore la première région productrice du Japon (environ 40%) pour le meilleur, et parfois pour le pire. On y produit essentiellement du sencha, et s'il reste encore beaucoup de futsumushi de montagne, plantés en pente (chose finalement très rare au Japon), le gros de la production consiste en du fukamushi provenant de plaines ou plateaux.
Les sencha sur Thés du Japon proviennent tous, à l'exception des thés de Fuji, de la zone essentiellement montagneuse attaché administrativement à la ville de Shizuoka. Ce sont tous des futsumushi/asamushi, sencha à l'étuvage traditionnel.
Cette zone administrative est découpée en 3 arrondissements, Suruga, Aoi, et Shimizu (ancienne Ville de Shimizu). ( ! la carte ci-dessous est très approximative, que les géographes me pardonnent ! )
- Les trois sencha hâtif Sugiyama Yaeho, Kondô-wase et Sôfû déjà présentés sur ce blog proviennent de Suruga. De part sa position géographique, la plus au sud et à faible altitude, on comprend que outre les caractéristiques des cultivars, cette zone soit là plus hâtive de la ville.
C'est une zone de petites production, en particulier Mariko, connu pour son thé noir (plus une question d'ancienneté que de qualité) mais aussi très riches en cultivars divers.
- Shimizu n'est pas spécialement une zone importante de production de thé, mais c'est là, à Ôhira que son produit les thés biologiques de M. Yamamoto dont je reparlerai plus tard.
- Les montagnes de Aoi sont très connues, puisque c'est grosso-modo à cette aire que correspondent les célèbres thés de Hon.yama.
Hon.yama désigne les zones qui bordent la rivière Abe, mais d'une façon plus globale, les zones autour de la rivière Warashina y sont aussi assimilées.
La rivière Tamakawa est un confluent de la rivière Abe, et désigne aussi la zone d’où provient le Yamakai de M. Tsukiji.
Un peu plus bas en aval de la rivière Abe, se trouve Ushizuma, d'où proviennent les deux sencha de M. Shigeta.
Mais aujourd'hui, je vais parler de deux thés provenant d'une zone sud-est de la rivière Abe, Warashina, et dans son prolongement, Ôkawa-Ôma.
Comme son nom l'indique, Warashina est la région qui se situe de part et d'autre de la rivière Warashina (la plus à l'ouest sur la carte, qui se jette dans la rivière Abe en aval).
Voici un cultivar Oku-midori. Les feuilles sont très belles (certains se souviendront peut être du Oku-midori de Ashikubo 2013, lui aussi très abordable), leur odeur est sucrée sur une texture qui évoque des herbes sèches.
L'infusion confirme les premières impressions avec une liqueur au parfum puissant et doux. Ce sont des arômes légèrement crémeux, et chaud comme du bon pain. Très appétissante, cette liqueur est plutôt forte aussi en bouche. Très ronde et sucrée, elle n'est pas d'une grande complexité, mais très efficace, avec beaucoup d'after-taste et de longueur. Ce sont en effet des saveurs crémeuses qui dominent, dans une première infusion sans aucune astringence, dont la présence en bouche est très affirmée. Il suffit de prêter un minimum d'attention au temps d'infusion, ce sencha est inratable.
Sur la deuxième infusion, ce thé se fait plus léger. Pourtant, l'after-taste n'en est que plus puissant encore ! Avec peu ou prou d'astringence, cette liqueur plus légère apporte finalement un agréable repos avant de nous laisser profiter de sa longueur qui fait saliver et parfume la gorge.
Enfin, une troisième et dernière infusion vient faire ressortir quelque chose de plus "frais" dans la parfum. La liqueur, avec cette fois une douce astringence, et se fait maintenant aérienne, très lisse, un vrai plaisir pour la gorge. La longueur est toujours au rendez-vous.
Un très très beau petit thé, qui n'a peut être pas toute la complexité qu'ont d'autres Hon.yama, mais qui pourtant possède déjà force et douceur, pour un prix tout à fait raisonnable.
En continuant à suivre en amont la rivière Warashina, la route nous fait finalement quitter le cour d'eau pour grimper dans la montagne, avec gravas au milieu du chemin, singes, et des espèces de chamois japonais. Cette "route" à flanc de montagne nous conduit vers Ôkawa, puis Ôma.
C'est là, à 650-700m d'altitude que M. Nakamura travaille. Dans cet environnement il produit l'un des plus tardifs des thés de Shizuoka. Fin mai, ses récoltes viennent de commencer et ne finirons que début juin.
Ce sencha, cultivar Yabukita montre d'emblée plus de complexité avec des feuilles au parfum vif, sucré, avec une impression "sauvage", un quelque de chose d'humus, et minérale aussi.
Si l'on choisi de le préparer avec de l'eau tiédie, ne pas hésiter à dépasser la minute d'infusion. Mais c'est un thé qui montrera aussi beaucoup de richesse avec de l'eau bien chaude.
C'est ce profil des thé de montagne que j'aime, avec un parfum fort de sucre et de tourbe. Quelque chose de riche au sens culinaire du terme, et qui pourtant, une fois en bouche se montre d'une grande délicatesse. Non pas que ce ne soit plein de goût, bien au contraire, mais la liqueur n'est pas lourde, et quelle velouté dans la gorge !
Pourtant, elle est dense cette liqueur. Elle possède du sucré, mais pas d'umami à l'excès, il y a un peu d'atringence, beaucoup d'équilibre en fait.
L'after est phénoménal ! La longueur au rendez-vous.
Bref, c'est sans lourdeur ni accroc, mais avec beaucoup de puissance.
Ce sencha de Ôkawa-Ôma garde autant force sur la deuxième infusion. Plus fruité dans le parfum, un brin plus floral en bouche.
Troisième et quatrième infusions continuent à flatter palais et gorge d'une liqueur riche et veloutée, qui se fait néanmoins légèrement tannique.
Difficile de comparer avec le Warashina, mais je dirai qu'avec ce sencha, on a un thé plus riche et complexe, bien sûr, mais aussi plus masculin. Moins facile d'accès au départ, il possède néanmoins plus de possibilités, c'est aussi un thé dont on ne se lassera pas.