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Séjourner à Venise au XVIIIème siècle

Publié le 02 juillet 2014 par Oliaiklod @Olia_i_Klod

Du XVIIIème au XIXème siècle, Venise s’est petit à petit adaptée à une affluence touristique sans cesse croissante. Pour faire face aux attentes des voyageurs, la ville dut se doter de structures adéquates répondant aux exigences de salubrité et de confort. Les pensions et auberges populaires du siècle des Lumières cédèrent bientôt la place à de luxueux hôtels où tout fut mis en œuvre pour satisfaire les moindres désirs de la bourgeoisie.

Albergo d’Italia a San Moisè, calle Barozzi, presso la piazza San Marco

Étape privilégiée des voyageurs du Grand tour au XVIIème siècle, en partie pour sa réputation de "ville de la fête et des plaisirs", point de rencontre et terre d’élection des romantiques qui se presseront en masse pour méditer sur sa splendeur déchue, Venise demeure à travers les siècles un haut lieu touristique.

L’évolution et les efforts déployés dans l’organisation d’une véritable "industrie hôtelière" en sont la preuve.

Cependant, si structures et services demeurent à peu près comparables à ceux qu’offrent les grandes villes du Nord de l’Italie, les lieux d’accueil des étrangers de passage à Venise détiennent une spécificité propre, un particularisme vénitien dont il conviendrait d’analyser la physionomie et l’évolution au fil des commentaires déçus ou enthousiastes des voyageurs.

Le poids, parfois jugé trop prégnant de nos jours, du tourisme à Venise, est donc, à la base, un héritage direct d’une volonté politique initiée dès le XVIIème siècle.

Une histoire du Tourisme à Venise, qu’il est bon d’appréhender pour comprendre les maux de notre époque.

Où se loger dans la Venise des Lumières ?

Au XVIIIème siècle, le voyageur qui ne bénéficie pas de l’hospitalité privée peut à son arrivée dans la Cité des Doges, s’adresser aux auberges ordinaires et aux hôtels.

En effet, il était courant pour les voyageurs bénéficiant d’un réseau de connaissances suffisant pour ne pas avoir à user de l’hébergement spécifique pour les voyageurs étrangers. Les auberges les plus recommandables susceptibles d’accueillir avec confort le touriste souvent épuisé par des heures de voyage sont déjà listés dans des répertoires, première ébauche des guides touristiques modernes.

Un des plus célèbres guides vénitiens du tout début du siècle permet de dresser une sorte de géographie des auberges vénitiennes.

Vincenzo Coronelli, dans sa Guida De’ Forestieri Sacro-Profana Per osservare il più ragguardevole nella Città di Venezia Con la di lei Pianta per passeggiarla in Gondola, e per Terra: Estratta Dal Tomo I. de’Viaggi d’Inghilterra del P. Coronelli Min. Con. : Aggiuntovi in questa quarta edizione il Protogiornale Perpetuo per godere le funzioni più cospicue della medesima del detto Autore  indique un certain nombre des ces établissements.

 Vincenzo Coronelli, Guida de' Forestieri sacro-profana.

Il en énumère cinq qu’il considère comme les meilleures : Il Leon Bianco, Il Gallo, La Fortuna, La Serena, I Re Magi, et divise les auberges les plus renommées de la ville en deux zones : Rialto et San Marco.

Hotel Royal du Lion Blanc

À proximité du Pont du Rialto, il en signale onze : Alla Campana, Al San Giorgio, Alle due Spade, Alla Donzella, Alla Scimmia, Alla Torre, All’Angelo, Allo Storione, Al Gambaro, Alla Cerva et Alla Scoa.

Hotel Royal du Lion Blanc

À San Marco, il en note sept : Alla Luna, Al Cavallotto, Al Cappello, Al Salvadego, Alla Rizza, Al Pellegrin, Alla Corona.

Les plus luxueuses se trouvent évidemment sur le Grand Canal dans de somptueux palais. C’est le cas de l’Écu de France (Lo Scudo di Francia dans la Ca’Farsetti), de l’Imperator et du Leon Bianco (situé à proximité du Campo Ss. Apostoli), surnommée "la pension des Rois", dans le palazzo Da Mosto.

Parmi les hôtels de luxe, La Regina d’Inghilterra(Aujourd’hui Albergo Vittoria, près du Campo San Luca) occupe une place de choix dans les pages des principaux guides de la ville. C’est en effet une des auberges les plus réputée de Venise où logent en priorité les voyageurs anglais et dont le prestige s’étendra bien au-delà du XVIIIème siècle.

Enfin, dans cette énumération des différents lieux de séjours à disposition des voyageurs, il convient de citer également L’Imperatore di Moscovia, Il Cavallo Bianco, ou encore La Mezzaluna et La Croce di Malta, autant de noms célèbres que l’on retrouve dans la plupart des ouvrages de référence dédiés à la Sérénissime.

Les ouvrages rédigés en français et utilisés par les voyageurs du XVIIIème siècle permet quant à lui d’établir le curieux constat d’un silence général en ce qui concerne le logement des voyageurs à Venise. À quelques exceptions près, la plupart des guides ou récits considérés comme tels conseillent de loger à L’Écu de France, établissement renommé depuis le XVIIème siècle comme l’hôtel le plus élégant de Venise. Aucuns ne mentionnent d’autres pensions ou auberges que possède la cité des Doges, ni, évidemment, leur qualité. Il n’en sera pas de même avec les ouvrages qui paraîtront au siècle suivant où l’excellence de l’hôtellerie vénitienne sera soulignée avec une plus grande rigueur.

Même un voyageur tel que le Président De Brosses,qui visite Venise en août 1739, finit par céder à l’étonnement et reconnaît le caractère surprenant d’une telle ville. Ainsi, il s’avoue stupéfait de voir "sortir de l’eau, de tous côtés des palais, des églises, des rues, des villes entières" (Charles de Brosses, Lettres familières écrites d’Italie en 1739 et 1740, [1ère éd. Paris, A. Sérieys, 1799, 3 vol.], Paris, Didier, 1858, tome I, p. 169).

Sources bibliographiques :

Laetitia Levantis, Séjourner à Venise : des auberges populaires du XVIIIe siècle aux luxueux hôtels de l’âge romantique.

Vincenzo Coronelli, Guida De’ Forestieri Sacro-Profana Per osservare il più ragguardevole nella Città di Venezia


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