Les entreprises du luxe au Brésil s’engagent timidement dans le numérique mais pourraient gagner en visibilité si elles parviennent à s’adapter à l’évolution de la population locale.
Entretien avec Carlos Ferreirinha, rencontré lors de l’événement Hackers on the Runway. Il est spécialiste du secteur du luxe et des marques premium en Amérique latine et fondateur de MCF Consultoria, entreprise de conseil en management du luxe.
L’Atelier: Vous évoquez l’Argentine comme ancienne capitale du luxe en Amérique latine, désormais détrônée par le Brésil, comment expliquez-vous ce changement de podium ?
Carlos Ferreirinha: À l’époque, l’Argentine était le pays le plus sophistiqué en Amérique du sud, ce qui était dû notamment à l’influence britannique ou à la société qui avait un côté très "glamour". Mais durant cette dernière décennie, l’économie argentine a connu une forte dégradation, tandis que l’économie du Brésil a beaucoup progressé. Le Brésil est un pays bien plus grand que l’Argentine, mais restait un pays pauvre. À partir du moment où il a pu obtenir de bons résultats économiques, la situation a changé et le luxe a passé la frontière et investi le Brésil.
Au sein de votre cabinet MCF Consultoria, vous utilisez le luxe comme un outil de management, de quelle manière ?
Nous ne travaillons pas exclusivement avec des entreprises du luxe mais nous utilisons plutôt les outils de management du luxe pour aider d’autres entreprises qui n’ont rien à voir avec le luxe. C’est donc utiliser l’intelligence des marques de luxe pour mieux investir le marché. Cela signifie de s’approprier les spécificités du luxe telles que l’exclusivité, l’excellence, la personnalisation, etc et de les réinjecter dans des marques issues d’autres secteurs d’activité.
Au Brésil, quelle est la relation entre le luxe et le numérique ? Les marques de luxe ont-elles un large usage du numérique et de ses outils ?
Non, ce n’est pas réellement le cas au Brésil. Les marques traditionnelles de luxe ont été assez réticentes face au numérique. Globalement, les grandes marques du luxe ont commencé à intégrer le numérique dans leur stratégie mais plutôt comme un outil d’information : elles produisent de beaux sites web mais très peu de marques intéragissent avec leurs clients. Hormis Burberry, un exemple distinctif puisque la marque est très active et encourage le dialogue avec les consommateurs.
Le numérique est-il un levier pour la création de valeur dans le luxe ?
Aujourd’hui, le numérique est incontournable dans tous les secteurs et encore plus dans le luxe. C’est désormais un fait et non plus une simple promesse. Dans un pays comme le Brésil où la moitié de la population a moins de 35 ans, les entreprises doivent prendre conscience que leurs clients et les générations futures ont baigné dans la culture numérique. Elles doivent donc se préparer et s’adapter à leurs clients.
Quelle innovation digitale pourrait apporter une disruption dans l’industrie du luxe ?
La force du luxe est de pouvoir construire une image de marque forte mais il n’est pas encore capable de vendre à un public large. Je pense donc que la plus grande disruption que peut apporter le numérique au luxe est de permettre le contact avec une plus grande audience.