Bon, ça y est, je me suis lancée dans la lecture de « Instrumentum Laboris » (IL). Rappel des épisodes précédents : en octobre, le Pape réunira les évêques histoire de discuter de la « pastorale de la famille ». Pour se faire, une grande enquête a été menée dans beaucoup de pays pour recueillir les avis des uns et des autres (et oui, exceptionnel ! Pour une fois, la populace catho a été consultée ! dingue !). Les réponses ont été envoyées à Vatican et IL en est donc la synthèse dans laquelle je me suis plongée, non sans à priori parfois quelque peu narquois.
Ce qui me plait avec ce genre de documents, c’est que l’on a l’impression que le Magistère découvre la vie. Par exemple, il note qu’il existe une dichotomie entre la théologie de la famille telle que dictée par Vatican et la réalité (cette théologie ne serait pas vraiment vécue dans sa totalité par les cathos , voire elle serait carrément rejetée), réalité qu’ils appellent « Vaste crise culturelle ». Ohhhh le joli euphémisme ! Soyons réalistes : ce n’est pas une « crise culturelle » c’est une réalité, un gouffre abyssal qui existe depuis des décennies entre Vatican et le peuple catholique ! Des décennies d’œillères sur ce que vivaient vraiment les familles qui, comparativement feraient reléguer la Fosse des Mariannes à un état de petite tranchée. A partir du moment où, oui, des gens sont carrément partis de l’Eglise, à cause notamment d’un discours complètement décalé, « crise culturelle » me semble de la même veine que « les évènements d’Algérie » lorsque l’on parlait de la guerre civile dans les années 90. Attention, je ne dis pas ici qu’il faut que la théologie catho colle parfaitement aux changements culturels des sociétés (sinon on aurait le quartier rouge d’Amsterdam validé par Vatican), mais en tout cas qu’elle écoute ce qui s’y passe (et pas qu’une seule fois par siècle). Et surtout qu’elle tente de s’adapter selon sa Tradition, à savoir que justement, à travers les siècles l’Eglise a montré qu’elle savait s’ajuster aux questions temporelles et non s’accrocher comme une sangsue à des concepts désuets.
Soyons clairs (et d’ailleurs IL le note), ce qui est remis en question par le peuple catholique, ce qui pose question, ce n’est pas la théologie générale sur le fait que la famille soit la principale cellule où se vit l’Evangile (Amour de Dieu en son sein, Amour entre conjoints, Amour envers les enfants), ni sur le fait que la famille est la cellule qui participe à la co-création divine (cf Genèse). Là, je crois que tout le monde peut être d’accord avec cela et avec cette vision. Je crois que toute l’Eglise accepte le fait que l’Amour est au centre de la famille. Par contre, ce qui n’est pas, n’est plus acceptable depuis des décennies ce sont les digressions faites autour de la morale sexuelle, du divorce et du remariage, de l’homosexualité etc… Les bases (Gaudium et Spes notamment) sont plutôt bonnes. Pourquoi alors enfoncer un clou de conservatisme patriarcal, machiste, réac avec notamment des textes comme Humanae Vitae de Paul VI et la plupart des productions de Jean-Paul II sur la famille ?
Autre point qui ressort de ces premiers chapitres d’IL : le magistère note que dans la plupart des paroisses, peu de cathos ainsi que les personnes qui les encadrent (prêtres, catéchistes etc…) connaissent la doxa en matière de théologie de la famille et ce qui en découle comme morale sexuelle, théologie du mariage et rôles des membres de la famille. Ils en expriment un regret et regardent des solutions de formation. Sauf que là, j’ai envie de dire STOP ! Ce n’est pas le rôle du Magistère et de ses représentants que de venir s’insinuer dans nos chambres à coucher ! Ce n’est pas le rôle du Magistère de commenter sur ma sexualité hétéro ou homo, de me juger sur mon divorce et mon remariage, ce n’est pas le rôle du Magistère de m’indiquer comment en tant que femme je dois « tenir » ma maison et ce n’est certainement pas au Magistère de venir me parler de pilule, capote et avortement. J’estime que ce qui se passe dans une chambre à coucher n’intéresse que ceux qui y couchent (mariés ou pas, hétéros ou homos etc...). Certaines fois, si les personnes le demandent, gynéco, sexologue, conseiller conjugal ou spirituel peuvent être invités à jeter un coup d’oeil. Je dis bien « invités » et non « forcer le passage ». La seule entité autorisée à forcer le passage de la chambre à coucher est à mon avis l’autorité judiciaire en cas de violences conjugales et familiales. Donc oui, je veux bien qu’une certaine morale sexuelle soit élaborée et découle de la théologie familiale, mais non, je n’ai pas besoin de l’œil de Moscou et encore moins de son jugement pour voir si elle est appliquée dans les familles cathos.
Hummmm, je sens que je vais me régaler à décortiquer un peu plus IL… à suivre donc !