Réalisateur : Mario Bava
Année :1977
Genre :Horreur
Durée :89 minutes
Avec :John Steiner, Daria Nicolodi, David Colin Jr
L'histoire : Dora revient dans la maison où elle vivait avec son ex-mari décédé du nom de Carlo pour y vivre avec sa nouvelle famille lorsqu'elle est soudain victime d'étranges hallucinations…
La critique d'Hdef :
Sorti en 1977, Shock est l’avant-dernier film du cinéaste (suivra ensuite Rabid Dogs, connu sous plusieurs montages et disponible sur Youtube). Il fut assisté par son fils, Lamberto Bava (qui tournera peu de temps après La Maison de la terreur et Baiser macabre avant de se faire connaître dans le monde du bis avec Blastfighter/L’Exécuteur et Apocalypse dans l’océan rouge/Monster Shark et plus largement dans la sphère jusqu’alors plus ou moins réduite des fantasticophiles avec le diptyque Démons, produit par Dario Argento). Dans le rôle principal de Shock, celui d’une femme qui, traumatisée par la mort de son ex-mari, Carlo, revient finalement avec sa famille (un 2e compagnon + son fils, Marco) dans la maison dans laquelle elle vécut avec Carlo, on retrouve Daria Nicolodi, femme (malgré des rapports compliqués (« Loin d’être simples » en tout cas lit-on dans le hors-série de Mad Movies sur Dario Argento (page 12) de Dario Argento. Sa prestation est purement exceptionnelle, l’actrice interprétant à merveille le lent et progressif glissement vers la folie de son personnage, qui évoque à la fois la Julia d’Hellraiser et la Rosemary d’Un bébé pour Rosemary.
Un glissement vers la folie qui la mènera d’ailleurs jusqu’au meurtre et au suicide, vu ici comme un acte sexuel ultime, les outils tranchants (rasoir électrique, cutter…) qui parsèment les hallucinations de l’héroïne étant souvent vus comme des symboles phalliques, qui la relie à son amant défunt, Carlo. Sur ce plan, Shock peut éventuellement être vu comme une nouvelle version des Amants d’outre-tombe de Mario Caiano, même si la comparaison pourra paraître saugrenue.
En effet, à la vision de Shock, les films qui viennent à l’esprit sont tout autres : on pense au Village des damnés à cause des pouvoirs de télékinésie et de télépathie du jeune Marco, à L’Exorciste (j’y reviendrais) mais aussi à un autre film du vieux Dario (qui n’était pas encore sorti à l’époque) : Ténèbres, pour la scène du meurtre à coups de pioches. Tout le long-métrage prend entièrement la forme cauchemardesque du glissement vers la folie de son protagoniste. Pour illustrer ce mouvement (car un glissement est bel et bien un mouvement), Mario Bava choisit le balancement, le balancement, le balancement… D’un côté, de l’autre, d’un côté, de l’autre, un balancement… Mécanique, rythmé, imperturbable, inéluctable, implacable, terrifiant ! Un balancement que l’on retrouve dans le mouvement de la balançoire couleur de sang du petit Mario, dans celui du métronome ainsi que dans celui des cheveux de Daria, lors d’un rêve particulièrement agité mais pour le coup un peu grand-guignol (j’en reparlerais aussi).
Parlons maintenant un peu du gosse. De ce petit Mario. Si mignon, si adorable, si normal et commun que même le médecin traitant de Daria lui assure qu’il est « Mature et équilibré pour son âge ». Et pourtant...
Tout Shock se base sur un balancement, je l’ai dit. Mais pas seulement. Il se base aussi sur un balancement DÉRÉGLÉ. Oui, une erreur, un grain de sable. Un tout petit rien du tout qui détraque la machine si bien huilée, symbole de la famille parfaite. La définition même du cauchemar « absolu » que donnait pas plus tard qu’hier Jean-Baptiste Thoret dans Libération. Ce grain de sable est une phrase, d’abord prise à la légère, mais qui, à la façon dont elle est dite, provoque immédiatement le doute (source de la peur) et l’inquiétude. Le spectateur sait depuis le début PERTINEMMENT que ce ne sont pas des mots en l’air. Cette phrase est « Maman, je dois te tuer ! ». Une phrase hors du commun, pas tellement par son contenu (bien que si quand même un peu) mais plutôt par son verbe ! On a parfois eu envie de tuer nos parents, sur un coup de tête, bêtement, méchamment. Mais le verbe « devoir » est étonnant. Cela suggère que Mario est « obligé » de tuer sa mère. Il ne le « veut » pas forcément. Ce qui est souligné lors d’une scène où il apporte à sa mère un dessin qui la montre tuant Carlo. L’enfant pleure et demande « Pourquoi maman, pourquoi ? ». Il est triste, pas agressif.
Ce qui laisserait penser, comme l’imagine la maman en question, que l’esprit de Carlo le possède (ce qui tient debout quand on voit ses réveils nocturnes, la prunelle des yeux vide, comme la Reagan de L’Exorciste, à laquelle on pense également lorsque le fils hurle en voyant ses parents faire l’amour « Bande de porcs, bande de porcs !! ». On pense encore au film de Friedkin lorsqu’un rat mort l’héroïne à l’entrejambe, ce qui évoque la masturbation sanglante de Reagan avec un crucifix), ce que l’on a déjà vu autrement au cinéma, dans le superbe Frankenstein créa la femme de Terence Fisher. L’enfant n’est donc qu’un pion dans cette vengeance, un pion. Ou une maille. Une maille d’une chaîne. Le maillon évoquant le mouvement mécanique, on en revient au balancement, dont l’inéluctabilité renvoie aussi bien à celle de la folie qu’à celle de la perverse vengeance du mari, lequel tue par vengeance le nouvel amant de sa femme par le biais de celle-ci (vous suivez ?), non sans un sorte d’ironie macabre (c’est la femme qui l’a « trompé » qui tue elle-même son nouvel amant !). Un mouvement à double-tranchant, ou plus exactement à double sens. Balance dans un sens, puis dans l’autre…
Restons sur Marco. Il est certain que si le jeune acteur (du nom de David Colin Jr, il n’a pas joué par la suite mais avant Shock, il était déjà apparu dans un autre dérivé de L’Exorciste, un obscur Le Démon aux tripes (1974), aussi connu sous le nom de Beyond the Door d’Ovido G. Assonitis (qui arracha Piranhas 2 – les tueurs volants des mains de James Cameron) n’était pas crédible, Shock serait bon pour la poubelle. Or, fort heureusement, ce n’est absolument pas le cas. Le petit David est absolument terrifiant, et fiche une de ces pétoche dont vous vous souviendrez longtemps. Sa petite trogne devient rapidement aussi terrifiante que celle de Linda Blair.
D’ailleurs il faut dire les choses comme elles sont, Shock est l’un des meilleurs films d’horreur italien jamais réalisé (et pourtant Dieu sait que les chefs d’œuvres dans le genre au pays des spaghettis ne manquent pas !!). Toujours à propos de Marco (mais cette fois-ci sur le personnage et non pas l’acteur), il est tout de même à noter que l’enfant souffre de « complexes sexuels » comme le dit son nouveau père, Mario. On le voit (comme je l’ai déjà dit) traiter ses parents de « porcs » lorsqu’ils font l’amour, caresser étrangement sa mère pendant son sommeil (ce qui évoque l’excellent et injustement sous-estimé Freddy 2 : la revanche de Freddy de Jack Sholder) et la regarder sous la douche, avant de lacérer sa culotte. Il ne fait aucun doute que le film met le doigt sur l’incompétence de la psychanalyse mais aussi de la science dans « certains cas ». Car le fantastique, personne ne peut l’expliquer. Sinon, ce ne serait plus du fantastique…
Revenons à présent à ces visions étranges de l’héroïne, Dora. On retiendra de ces visions une seringue, un piano sanglant, un mur sanglant lui-aussi (car son ex-mari est enterré derrière. L’effet en lui même évoque assez le sang dévalant les escaliers de l’hôtel Overlook dans Shining) ainsi qu’une main démoniaque surgissant de nul part et la caressant. Deux de ces visions (la main et la seringue) étaient déjà dans Un bébé pour Rosemary, lequel parlait également de la folie d’une mère mais dans le sens inverse si je puis dire : l’une voulait se débarrasser (ou presque) de son mioche, l’autre voulait à tout prix le retrouver (on notera d’ailleurs que la Mia Farrow du film de Polanski peut être identifiée à la mère du cinéaste, qui n’a jamais revu son enfant après le ghetto…).
Ce qui m’intéresse moi, c’est la seringue. Ce n’est pas une seringue au hasard. Contrairement au film de Polanski, les vision de Shock ont chacune un sens tout à fait défini. La seringue, par exemple, évoque l’expérience psychédélique, puisque Marco, l’ex-mari de Dora, se droguait. Shock est donc ce que l’on peut appeler sans se tromper ou sans exagérer une « expérience psychédélique », le film semblant se passer soit dans la tête d’une droguée (car après tout, qui nous dit que tout n’est pas un cauchemar ou une hallucination ? Personne) ou d’une folle (puisqu’elle va jusqu’à déchirer ses vêtements en dormant. Encore une référence au film de Polanski d’ailleurs : Mia Farrow se réveillait un matin avec des griffures dans le dos). On retiendra également du film une sorte d’actualisation du gothique si cher au cinéaste (Le Masque du démon) puisque les châteaux abandonnés et obscurs se réduisent à une cave mal éclairée, laquelle évoque furieusement la chapelle maudite du Masque du démon, chapelle où Barbara Steele est enterrée (dans Shock, c’est Carlo qui y est enterré, et les deux films parlent d’hallucinations. Comme c’est marrant…).
J’ai tout de même quelques petits reproches à faire à cet excellent Shock, les démons de la nuit (c’est le titre complet). Des minis-reproches, concernant en fait deux choses : l’hallucination montrant à deux reprises le jeune Marco prendre la forme de Carlo (vous suivez ?), qui est franchement lourde et grand guignol et la toute fin du film, quelque peu bâclée (le suicide est assez dérisoire).
Ces deux (petites) réserves mises à part, Shock, les démons de la nuit est un excellent cru du cinéma d’horreur transalpin, dont on se souviendra aussi pour sa BO composée par I Libra, qui, comme le note Laurent Aknin (même si je ne suis pas du tout d’accord avec son analyse du film) dans Les Classiques du cinéma bis, « imite celles des Goblins ».
Note : 18,5/20
PS : à noter que le scénario est co-écrit par Dardano Sachetti (Le Chat à neuf queues, Killer Crocodile, Démons, La Maison près du cimetière…).
La Critique De Titi70 :
Nous sommes à la fin des années 70 et le cinéaste Italien Mario Bava est dans une mauvaise période. En effet, ses long métrages ne fonctionne plus au niveau du public, notamment La Baie Sanglante qui sera un cinglant echec en 1971. Pour ne rien arranger, l'homme se remet difficilement du cauchemar vécu avec le film Lisa Et Le Diable, remonté et retitré par son producteur pour en faire une oeuvre surfant sur la vague du satanisme en vogue depuis le succès de L'Exorciste de William Friedkin.
Désormais, le style baroque et gothique de Mario Bava est jugé ringard, le public preferant un style de films d'horreur plus "réaliste".
C'est dans ces conditions que le cinéaste tourne un de ses derniers long métrage, Shock, rebaptisé parfois chez nous Les Démons De la Nuit.
Pour l'anecdote, une rumeur voudrait que ce soit Lamberto Bava, fils du réalisateur Italien et assistant sur cet ultime ouvrage de son père, qui ait finalement réalisé le film, vu l'état de santé déplorable de son géniteur (toujours selon la rumeur).
Pourtant, une chose est certaines dés les premières minutes du film, c'est que Shock est bien dans le style de Mario Bava, avec une pincée de Dario Argento de la grand époque.
Daria Nicolodi (complice et épouse de Dario Argento, justement) y incarne Dora, une jeune femme qui revient s'installer avec son fils, Marco, et son nouveau compagnon, Bruno, dans la demeure ou elle-mème a vécu sept années auparavent jusqu'au suicide de son ancien compagnon, scène auquel elle a assisté. D'ailleurs, le petit garçon est issus de cette union.
Dés les premières minutes dans cet endroit, l'ambiance devient menacante avec Marco qui commence à adopter un comportement mysterieux et ambigue à l'égard de sa mère (il la regarde dormir en lui caressant les cheveux ou se met sur elle dans une position semblable à un coït), voir franchement dangereux (notamment dans la cuisine ou il lui dit qu'elle doit mourir).
Comme si ca ne suffisait pas, Dora est victimes d'hallucinations macabre ou son ancien compagnon lui apparait. la jeune femme se sent devenir folle devant tout ces evenements. Une chose est certaine pour Dora, l'esprit de son premier amant est toujours la et réclame vengeance pour une mort n'ayant que l'apparence du suicide.
C'est sur cette histoire classique (écrite par Dardano Sachetti, complice de Lucio Fulci) et pas totalement crédible (vous reviendriez, vous, pile à l'endroit ou vous avez vécu un calvaire durant des années, pour y recommencer une nouvelle vie ?) que Mario Bava nous eclabousse une des dernières fois de son génie.
Car, il faut bien le dire, Shock fait peur et garde, de la première à la dernière scène, un climat étouffant et inconfortable. Comme à son habitude, Mario Bava minimise ses éffets et joue par petite touches pour instaurer la surprise et le frisson.
Shock devient une compilation de scènes dérangeantes, comme ces visions qu'a Dora ou son ancien compagnon lui apparait, le visage caché et tends une lame aiguisé d'un air menacant, ou ce mème objet qui flotte dans les airs, recouvert de sang.
L'attitude de Marco (dont j'ai déja parlé) renforce ce climat jusqu'a une derniere image allant totalement à l'encontre du sacro saint happy end (Dora doit perir et ce qui arrivera).
Cet ultime long métrage de Mario Bava rèste une oeuvre choc, dérangeante et assez unique, y comprit dans un genre codifié comme celui des maisons hantées. Une rareté à redecouvrir.
Note : 18,5 soit la mème qu'hdef.