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"Silo Origines" de Hugh Howey

Par Leblogdesbouquins @BlogDesBouquins
Malgré les cas de conscience que son écriture avait pu me poser, la critique que j’avais faite du premier opus de Silo demeure indéniablement à ce jour ma plus belle réussite. Réussite du point de vue de l’interaction avec les lecteurs-visiteurs (23 commentaires), que je valorise tout particulièrement, même si la fréquentation n'a pas été en restes (près de 4000 lectures). La réception du deuxième volet de la trilogie, Silo Origines, a donc déclenché chez moi des réactions mitigées mais violentes, mélanges de tambourinements orthosympathiques suscités par ces nouvelles perspectives d’échanges bloguistiques et de glougloutements parasympathiques craintifs, à l’idée de devoir m’enquiller les 565 pages de prequel d’un roman qui ne m’avait convaincu qu’au quart…
Lecture proposée par les éditions Actes Sud
L’avis d’Emmanuel
Autodestruction du silo numéro 2Il est d’usage, dans une critique défavorable, d’user de la circonlocution, de l’euphémisme et du non-dit, pour maintenir un certain degré d’ambiguïté, voire, au minimum, de suspens. D’aucuns pourraient penser que cette règle est même vitale quand le roman dont on s’attelle à faire la critique a gracieusement été offert par un éditeur aussi prestigieux qu’Actes Sud.Eh bien, fou que je suis, je m’apprête à enfreindre ces lois aussi tacites qu’immuables, et à en braver les conséquences. Attention. Nous y sommes. Silo Origines est mauvais. Très mauvais même. Dénué du plus minime intérêt. Du papier et de l’encre inutilement gaspillés. Et des millions de dollars indument brassés.Pas si difficile, finalement…
Quelques âmes sur une terre stérileBien sûr, il apparait indispensable que je justifie un jugement aussi terriblement définitif. Mais comment le faire sans priver ses tristes lecteurs du peu qu’Origines aura à leur offrir, c’est-à-dire 4 ou 5 pseudo révélations ? Peut-être en laissant de côté l’absence totale d’originalité de ces dernières (à vrai dire, je dois avouer que ce cher Hugh est parvenu à me surprendre, bien que ce fût par sa candeur et son absence d’imagination en la matière –nanomachines, cryogénisation et drones-) pour souligner leur extraordinaire dilution.
- Quelle justification, en effet, qui serait valable aux yeux d’un lecteur (j’en vois naturellement plus d’une qui se tienne du point de vue de l’auteur ou de l’éditeur) pourrait-on bien trouver à l’incroyable entreprise de remplissage de papier à laquelle s’est livré Howey dans ce deuxième volet de Silo ?
- Comment accepter que ce qui aurait dû demander 70 pages pour être énoncé (en prenant son temps) se trouve étiré à l’envi pour finalement en faire 500 de plus, quasi entièrement noircies d’anecdotes qui n’apportent ni à l’intrigue ni à la consistance de l’univers ?
- Comment admettre que des personnages dont l’auteur passe des paragraphes et des paragraphes à décrire les errances et les états d’âme demeurent finalement si plats, insignifiants et inintéressants (mention spéciale pour Donald, ni héros, ni antihéros, mais plutôt incarnation du néant protagonistique) ?
- Et comment tolérer que malgré cette absence de densité, la trame narrative soit si mal gérée, les éléments structurant le récit n’étant le plus souvent ni attendus ni annoncés, et traités avec autant de désinvolture que les détails les plus anodins ?
Qu’il me soit permis, en support de ces appels de désespoir et en guise de coup de grâce, de céder au plaisir malsain de vous servir quelques perles, piochées quasiment au hasard, pour souligner la qualité de la prose, qui rehausse admirablement l’ensemble :
« Il était clair que l’avenir du silo était incertain. »
« Jimmy découvrit que la vie, réduite à sa plus sommaire expression, était une suite de repas et de contractions intestinales. »
« … il s’arrêta dans un appartement pour soulager sa vessie, qui semblait se remplir dès qu’il avait peur. Il avait envie de se reposer un instant sur le matelas nu, mais ce ne devait pas encore être l’heure de se coucher. C’était seulement la chute de son taux d’adrénaline qui lui donnait envie de dormir. »
Éloge de l’édition littéraireCeci étant dit, et pour enfin aborder un sujet d’intérêt, je me suis surpris à voir une bien belle ironie derrière ce deuxième volet de Silo, qui n’a, vous l’aurez compris, fait que confirmer toutes les craintes qu’avait soulevées en moi la lecture du premier opus. Car Silo est souvent présenté comme l’un des grands succès de l’autoédition, pionnier de la littérature de demain. Publication d’une nouvelle sur la boutique Kindle, ventes honnêtes et publications d’une deuxième, décollage et effet boule de neige, écriture au kilomètre pour répondre à la demande. Edition papier, vente des droits au cinéma, traduction dans je ne sais combien de langues…Il me semble pourtant qu’à y regarder de près (il n'y a pas besoin de loupe non plus), il illustre de manière criante toutes les terribles et indépassables limites de cette manière de faire des livres. Plébiscite par la masse du moyen, du pâle et du lisse (je fais partie de cette masse et ne me sentirais à ce jour pas compétent pour faire partie d'un comité de lecture). Absence du filtre critique qui aiguillonne et questionne le fond comme la forme. Ode à la publication one shot, qui doit vous rendre riche une bonne fois pour toutes. Remplacement du talent littéraire / de conteur par l’habileté marketing…Les grandes comme les petites maisons d’édition ne manquent pas, elles non plus, de céder à l’appel du bon coup et à la perspective de ventes faciles (pour preuve, Actes Sud qui s’est laissé convaincre d’ouvrir une nouvelle collection SF pour publier ce piètre Silo). Tout ce qu’elles publient est de fait loin d’être excellent. Pourtant, elles opèrent un tri drastique, relisent la prose des auteurs et les forcent à retravailler leurs manuscrits. A la lueur de ce que je viens de lire et de dire, elles font donc pour le lecteur que je suis un travail vital, trop peu valorisé (on les diaboliserait même volontiers pour cela) pour lequel je leur prie d’agréer l’expression de ma gratitude éternelle.
A lire ou pas ?D’après la quatrième de couverture, Hugh Howey rêvait d’écrire le roman qu’il aurait envie de trouver au rayon SF. Sa librairie (ou peut être son supermarché) devait être sacrément mal achalandée, car j’ai pour ma part maintes fois lu mieux. A vrai dire, j'ai rarement lu pire (sauf peut-être un autre roman de la collection Exofictions que la décence m'a interdit de chroniquer dans ces colonnes). Raison pour laquelle je me vois contraint d'avouer que Silo Origines est assurément le roman que je n’aurais pas souhaité trouver au rayon SF…

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