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La Gibson Girl : icône américaine de la Belle Epoque

Publié le 11 juillet 2014 par Cameline

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Connaissez-vous la Gibson Girl ?

Symbole de la jeune Américaine en 1900, idéal de beauté féminine de son temps, elle eut un succès sans précédent durant une vingtaine d'années, depuis sa création en 1890 jusqu'aux années 1910.


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L'histoire de la Gibson Girl commence en 1887 dans le magazine Life, sous la plume de l'illustrateur Charles Dana Gibson.

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Charles Dana Gibson

A travers ses dessins, il dépeint et critique la société de son temps. Il capte l'esprit de son époque, et crée une image qui à la fois reflète les aspirations des femmes américaines et incarne ce qu'il imagine de la femme idéale.

L'illustrateur décrit avec sa Gibson Girl, une silhouette et un style, si caractéristiques des tendances de cette période, mais aussi, et surtout, certaines attitudes nouvelles chez la femme.

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Gibson décrit ainsi un nouveau modèle de femme, né après la Guerre de Sécession, une femme dont les rôles se diversifiaient, partageant avec les hommes des activités typiquement masculines jusque-là, une femme plus indépendante, qui a sa propre individualité (1).

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C'est une femme proche de la New Woman, image d'un idéal féministe de la fin du XIXeme siècle, qui prônait l'indépendance vis-à-vis des hommes, tant au niveau économique que sexuel.

Les femmes de ce mouvement étaient engagées politiquement. Souvent elles ne se mariaient pas ni n'avaient d'enfants, car en se mariant les femmes perdaient alors leurs droits au profit de leur mari.

Elles ne voulaient plus sacrifier leur propre plaisir ni  se soumettre à la volonté d'un mari.

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The New Woman

Mais malgré la récupération de l'image de la Gibson Girl par les féministes les plus radicales qui la voyaient comme le symbole de la New Woman, le personnage de Gibson en reste éloigné par de nombreux aspects.

La Gibson Girl ressemble à la New Woman, mais contrairement à cette dernière, elle demeure toujours très féminine.

Elle conserve des bonnes relations avec les hommes, et n'est pas contre le mariage, elle symbolise plutôt une sorte de conciliation entre hommes et femmes. De plus, la Gibson Girl offre une image moins radicale, sa liberté et son indépendance restant relativement superficielles. Insouciante et décontractée, elle est aussi plus frivole, coquette. Elle ne participe à aucun mouvement politique et préfère faire passer en douceur les changements dans la vie des femmes.

 

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La Gibson Girl était donc un symbole plus acceptable de la femme moderne de son temps, une sorte de variante glamour et romantique du personnage de la New Woman.

C'est d'ailleurs là une des raisons de sa popularité : l'association de certaines caractéristiques de cette Nouvelle Femme – plus indépendante, plus assurée, plus libre dans ses décisions, plus audacieuse -, avec en même temps un style toujours extrêmement féminin, quelle que soit la situation.

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Elle représentait, par son caractère et son style si personnel, la femme américaine idéale, pour les Américains, et aux yeux du monde entier.

Certains la considèrent comme l'ancêtre de la pin-up, bien que sa personnalité soit complètement différente.

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Pour la première fois, on se trouve face à un objet de marketing qui sera repris sur toutes sortes de support, de la vaisselle aux éventails, en passant par les coussins et le papier peint. Elle fleurissait sur les couvertures des journaux les plus populaires, et était adorée autant des hommes que des femmes.

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Un grand nombre de femmes souhaitaient lui ressembler, imitant son style, à défaut de pouvoir vivre sa vie.

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Bien sûr, la Gibson Girl ne plaisait pas à tout le monde. Par son audace, son assurance, son indépendance, elle représentait une menace pour les plus conservateurs, qui craignaient que son influence ne perturbe l'équilibre d'une société à domination masculine, et que les femmes ne perdent leur charme.

Malgré tout, son influence fut profonde, et elle participa pleinement aux changements de l'image et des rôles de la femme de cette période.

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La Gibson Girl est loin du modèle traditionnel de la femme au XIXeme siècle, douce, serviable, docile, vertueuse, fragile, discrète, toute dévouée à son rôle de mère et d'épouse au sein de son foyer, et dépendante en tout de son époux.

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La Gibson Girl trouve ses activités hors de la maison, dont pour la plupart des activités de loisirs pour son propre plaisir. Parmi ces activités, elle aime jouer aux cartes, ou faire du sport, activités jusque-là réservées aux hommes. Elle aime aussi se rendre à l'Opéra, à un dîner chic ou un bal élégant.

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Elle est intelligente, instruite, talentueuse, à l'aise dans toutes les circonstances.

D'autre part, pour la Gibson Girl, l'homme n'est plus seulement celui que l'on se doit de satisfaire et qui dicte les règles. Elle discute librement avec lui, partage des activités sur un plan amical, dans un contexte de respect mutuel. Il lui arrive même le bouder ou se moquer de lui.

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Mais, et c'est ce qui la différencie vraiment de la New Woman, bien qu'elle paraisse de prime abord indépendante et libre de faire ce qui lui plaît, son indépendance reste relativement superficielle.

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Pour créer son personnage, Charles Dana Gibson ne s'est pas inspiré d'un modèle unique. Il explique lui-même qu'il trouvait son inspiration parmi toutes les femmes, de toutes les catégories sociales.

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"Je ne me suis jamais posé consciemment pour travailler à créer un type spécifique de l'Américaine", expliquait Gibson à un journaliste. "Je l'ai vue dans les rues, je l'ai vue dans les théâtres, je l'ai vue dans les églises, je l'ai vue partout, et tout faire". Elle était vendeuse dans une boutique. Elle était une femme de la Haute Société se promenant sur la 5eme avenue à New York. Gibson s'était inspiré de dizaines de milliers d'Américaines"(3).

Pourtant, la Gibson Girl présente  souvent le même visage, dans lequel on reconnaît d'ailleurs une grande ressemblance avec celui de sa femme, Irene Langhorne. Celle-ci,  qu'il épousa en 1894, incarnait à ses yeux la femme parfaite, tant au niveau physique que de sa personnalité.

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Irene Langhorne

Plus tard, on reconnaîtra dans ses portraits d'autres personnalités, comme la fameuse Evelyn Nesbit.

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Evelyn Nesbit

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Evelyn Nesbit, à la chevelure en point d'interrogation. « Women : The Eternal Question » publié en 1905.

Camille Clifford, avec sa silhouette en sablier, fut également une des représentantes du style Gibson Girl.

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Camille Clifford

Le style de la Gibson Girl, si caractéristique, illustre le charme féminin et les tendances au tournant du siècle. Il est en même temps un modèle pour les femmes, influençant profondément la beauté et la mode.

Ses vêtements soulignaient ses formes, modelées par le corset, qui lui donnait une taille de guêpe et mettaient en valeur des hanches et une poitrine généreuses. Cette silhouette incarne un idéal de beauté plus sexualisé que celle, plus chaste, de l'époque victorienne puritaine.

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Elle porte très souvent des vêtements plus simples et plus pratiques, des vêtements plus proches alors du style masculin que du costume traditionnel féminin. Malgré tout, son style reste élégant et féminin, plutôt décontracté ou sophistiqué selon les occasions.

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La tenue qui représente le mieux son style est l'association d'un chemisier et d'une longue jupe fluide. La Gibson Girl rendit populaire ce type de costumes en deux parties, à l'origine de l'industrie du prêt-à-porter, des vêtements fabriqués en série qui pouvaient s'acheter ensemble ou séparément. Ces vêtements, produits en une infinité de styles, permirent aux femmes des classes plus populaires d'accéder à la mode et d'imiter les femmes de la haute société.

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Mais symbole appartenant à son temps, la popularité de la Gibson Girl décroît en premier lieu avec les changements vécus par les femmes avec la première Guerre Mondiale, puis avec l'arrivée de la « flapper », équivalente américaine de « la garçonne ». Une femme plus moderne, plus émancipée, au style et à la silhouette à l'opposé de la Gibson Girl.

Elle a malgré tout marqué durablement la culture américaine, et demeure encore aujourd'hui une des images les plus populaires aux Etats-Unis. Symbole de la femme de son temps, elle est la première icône à représenter l'Américaine à travers le monde.

A bientôt pour en savoir plus sur le style Gibson Girl ...

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Sources :

(1) History Engine : Women's place in Post-Civil War Society

(2) le site Kate Chopin

(3) Gibson Girls and Suffragists : Perceptions of Women from 1900 to 1918, par Catherine Gourley (Editions Twenty-First Century Books, 2008)

The « New Woman » Revised : Painting and Gender Politics on Fourteenth Street, par Ellen Wiley Todd – University of California Press, 1993

Beyond the Gibson Girl : Reimagining the American New Woman, 1895-1915, par Martha H.Patterson – University of Illinois Press, 2005

Discomposing the Altitude of my Puffs ! ici

Intimate Communities : Representation and Social Transformation in Women's College Fiction, 1895-1910, par Sherrie A. Inness – Popular Press, 1995

The Gibson Girls of the Gilded Age, via Return of Kings

Site Hoocherus Populus Virginiae

Pin-Up Grrrls : Feminism, Sexuality, Popular Culture, par Maria Elena Buszek – Duke University Press, 2006

Exposition American Beauties : Drawings from the Golden Age of Illustration 

As seen in Vogue : A Century of American Fashion in Advertising, par Daniel Delis Hill – Texas Tech University Press, 2007

I love the 1800 ici

Angels of Art : Women and Art in American Society, 1876-1914, par Bailey Van – Penn State Press, 2004

Girl on the Magazine Cover : The Origin of Visual Stereotypes in American Mass Media, par Carolyn L.Kitch – University of North Carolina Press, 2009

Sources images :

Pierangelo blog ici

Andressa Pacheco via Listal 

Carlylehold via Flickr

University of Wisconsin Digital Collections là


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