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Bilan des dernières revendications mémorielles à l'Assemblée

Par Mbertrand @MIKL_Bertrand

L'Assemblée nationale constitue une caisse de résonance des revendications mémorielles en France. On peut même considérer qu'il s'agit d'une étape traditionnelle dans l'émergence d'une nouvelle mémoire. Elle apparaît généralement juste après la constitution d'une association porteuse de la revendication. La forme et la multiplicité des questions posées par les parlementaires au gouvernement témoignent en effet d'une intense activité de lobbying parfois relayée simultanément par plusieurs dizaines de députés. 

Cette forme de revendication est d'autant plus utilisée depuis 2008 que l'Assemblée nationale a retrouvé la possibilité de voter des résolutions mémorielles qui permettent de "préserver l'expression du Parlement sur le passé" sans recourir à la loi et donc sans conséquence pénale pour la liberté d'opinion et d'expression des citoyens.

Reconnaître le sort des nomades en France durant la Seconde Guerre mondiale

Cette revendication est portée par le député socialiste des Pyrénées-Orientales Jacques Cresta. Dans une question écrite au ministre délégué chargé des anciens combattants, il demande au gouvernement si des actions mémorielles sont envisagées pour reconnaître le sort des nomades français ou étrangers qui, d'avril 1940 à juin 1946, ont été assignés à résidence, voire internés en zone Sud. 

La réponse du ministre délégué chargé des anciens combattants précise que cette mémoire est déjà prise en compte dans la politique mémorielle de la France : 

  • Les organisations liées à la communauté des gens du voyage sont en effet invitées officiellement à participer aux cérémonies organisées dans le cadre de la journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'État français et d'hommage aux "Justes" de France. 
  • La direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) soutient financièrement la réalisation de plaques et de stèles commémoratives dans les camps où ces nomades furent internés.
  • Enfin, la DMPA accorde des subventions pour la réalisation de colloques et de publications sur ce thème.

Bref, le gouvernement apporte une réponse complète à cette demande et, dans un langage consensuel, invite le député porteur de cette revendication à mieux étudier ces dossiers.
Il est en revanche intéressant de remarquer que cette demande s'inscrit dans un contexte particulier : celui d'une cristallisation du discours public et médiatique autour de la question des Roms. Le flottement observé dans le vocabulaire de la question et de la réponse est sur ce point assez significatif. Le député et les services du ministère utilisent simultanément les termes de « nomades », « Tsiganes, forains ou cheminots » et « gens du voyage ». On comprend donc que cette revendication mémorielle n'est pas gratuite mais qu'elle vise à rappeler les persécutions subies par les nomades durant la Seconde Guerre mondiale pour mieux mettre en perspective les risques d'une stigmatisation grandissante à l'égard des Roms et gens du voyage depuis quelques années.

Une statue pour honorer la mémoire de Camille Desmoulins

En novembre 2013, le député socialiste de l'Aisne, Monsieur Jean-Louis Bricout, a proposé à la ministre de la culture et de la communication de reconstruire la statue de Camille Desmoulins qui trônait au Palais-Royal avant d'être fondue par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale.

Bilan des dernières revendications mémorielles à l'Assemblée

Le député se fait ici le porte-parole à l'Assemblée nationale de l'association Camille Desmoulins qui diffuse cette revendication depuis plusieurs mois dans plusieurs médias et auprès de multiples dirigeants politiques

Cependant, la demande n'a pas pu aboutir pour le moment faute de moyens permettant de mettre en oeuvre cette proposition. 

Pour une journée nationale du souvenir de la "quatrième génération"

Cette proposition de loi a été déposée par le député Lionnel LUCA à la fin de l'année 2013. Elle vise à instituer une nouvelle journée nationale du souvenir pour les soldats français qui depuis 30 ans ont été tués ou blessés dans les différentes interventions extérieures de l'armée française.
Dans la logique de cette proposition de loi, il existerait en effet :

  • une "première génération du feu" composée des soldats de la Première Guerre mondiale et honorée chaque 11 novembre.
  • La "deuxième génération du feu" est associée aux soldats de la Seconde Guerre mondiale qui sont commémorés le 8 mai.
  • Enfin, la "troisième génération du feu" est constituée des soldats ayant combattu en Indochine et au Maghreb : les dates du 8 juin et du 5 décembre honorent leur mémoire.

Or, selon les initiateurs de cette loi, il devient nécessaire d'instaurer une cinquième journée nationale du souvenir pour honorer la mémoire des soldats français tombés au combat dans des opérations extérieures depuis 1962.
Les députés proposent d'ailleurs la date du 23 octobre qui en 2013 marquait le 40e anniversaire de la disparition de 58 parachutistes français dans un attentat suicide lors de la guerre du Liban.

Il est surprenant de constater que cette proposition de loi portée par un fidèle sarkozyste s'inscrit à l'exact inverse de la proposition faite par Nicolas Sarkozy en 2011 de faire du 11 novembre une « date de commémoration de la grande guerre et de tous les morts pour la France ». Alors que l'ancien président de la République proposait de lutter contre la multiplication des journées du souvenir en les regroupant sous une seule date (suivant ainsi le modèle anglo-saxon), l'actuel député des Alpes-Maritimes propose au contraire d'ajouter une nouvelle date dans le calendrier mémoriel.

D'autre part, le choix de cette date du 23 octobre 1983 n'est pas anodine. Alors que la proposition de loi recense la diversité des opérations extérieures menées par l'armée française depuis plusieurs dizaines d'années, les députés qui portent cette loi ont finalement choisi la date symbolique d'un attentat revendiqué par le Hezbollah, le mouvement de la révolution islamique libre et le Jihad islamique.

Pour une loi reconnaissant le massacre de la population française à Oran le 5 juillet 1962

Le député Lionnel Luca est particulièrement actif à l'Assemblée nationale sur les questions mémorielles. C'est encore lui qui est à l'initiative de cette autre proposition de loi qui vie à faire reconnaître officiellement par la République française le massacre de plusieurs centaines de Français le jour de la proclamation de l'indépendance de l'Algérie le 5 juillet 1962.

Plusieurs éléments posent cependant question dans ces initiatives législatives portées par le député Lionnel Luca : 

  1. D'abord, pourquoi continuer à utiliser la forme d'une proposition de loi très contraignante et plus compliquée à faire aboutir alors que la constitution prévoit désormais la possibilité d'utiliser le système de résolution mémorielle ? 
  2. Ensuite, que signifie dans l'exposé des motifs de la loi cette référence aux travaux de Guillaume Zeller qui qualifie ces événements de « nouvelle Saint Barthélémy » en précisant que c'est « sa position de journaliste » qui a permis de le massacre d'Oran du « déni historique » ? Le député Lionnel Luca, qui a été professeur d'histoire-géographie pendant 20 ans, aurait-il des raisons de ne pas faire confiance au travail d'histoire et aux historiens ?

Réhabiliter la Commune et les Communards 

En avril 2013, nous avions relayé sur ce blog la proposition de résolution mémorielle tendant à la pleine réhabilitation de la Commune et des Communards. Un an plus tard, le dossier n'a pas avancé et le texte n'a toujours pas été débattu en assemblée. Affaire à suivre... 

Les mineurs étaient-ils d'anciens combattants ?

Plus récemment, le député du Nord-Pas-de-Calais Stéphane Saint-André a adressé une nouvelle revendication mémorielle au ministre délégué aux anciens combattants et à la mémoire : il souhaite que les mineurs de fond du Pas-de-Calais qui effectuaient leur service militaire après 1957 et qui ont été rappelés dans les mines pour participer à l'effort de guerre soient reconnus du titre d'anciens combattants. 
Pour l'instant, le gouvernement n'a pas encore apporté de réponse à cette revendication.


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