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Le Monde de Fred, de Valérie Müller-Preljocaj

Par La Nuit Du Blogueur @NuitduBlogueur

Note : 3,5  

En cette coupe du monde brésilienne 2014 qui marque la défaite française face à l’Allemagne en quart de finale, un film tombe à pique pour faire relativiser et sourire sur le monde médiatique du football. Ce premier long métrage de Valérie Müller-Preljocaj (qui avait déjà traité du football dans un court avec Marion Cotillard, La Surface de réparation) est un film indépendant à très petit budget tourné sur 18 jours répartis sur deux ans, selon les disponibilités des acteurs et des techniciens. 

© Offshore

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Fred est un journaliste réalisateur de la quarantaine spécialisé dans le monde du foot. De nature cynique et sarcastique, notre héros enchaîne les interviews de footballeurs toujours plus conventionnelles et sans surprises pour des chaînes de sport qui vont le pousser à ressentir un terrible vide intellectuel, une véritable errance professionnelle. 

Dans sa vie privée, il s’apparente à un Don Juan des temps modernes, enchaînant conquêtes sur conquêtes sans jamais s’attacher. Jusqu’au jour où Fleur, une amie avec qui il a eu une aventure le temps d’une soirée, lui annonce qu’elle est tombée enceinte, par accident, de lui. Le voilà pour la première fois face à une responsabilité qu’il ne peut fuir, et qui va l’entraîner à remettre son monde en question. Entre fiction et documentaire, bienvenue dans Le Monde de Fred.

Olivier Soler, point d’accroche d’une comédie romantique épurée 

Le Monde de Fred relève d’un scénario comique-romantique simple, qui présente peu de surprises tant les péripéties amoureuses sont déjà vues : homme perdu – rencontre d’une femme – amour involontaire – séparation – enfant, donc happy ending. Et pourtant, le film séduit sur beaucoup de points. Le challenge, celui de réaliser une oeuvre d’une heure dix sans budget, était osé, mais en partie réussi grâce à la maîtrise d’une tonalité très forte, et d’une caractérisation de personnage qui, face à différentes péripéties, nous entraîne dans la peau d’un homme aux nombreux paradoxes.

Lâche, égoïste, tantôt hautain, tantôt séducteur : la performance du jeu d’acteur d’Olivier Soler (aussi co-scénariste du film inspiré par son expérience passé en tant que réalisateur football) parvient à nous attacher au personnage atypique qu’est Fred, et à donner au film un charme à part entière. Que ce soit lors du fou rire qui le prend aux tripes face à son incapacité à comprendre la langue allemande d’un joueur durant une interview sans traducteur, ou pendant un jeu de rôle d’imitation de personnage célèbre du cinéma, l’incarnation du personnage de Fred livre un vrai comique dominé par son cynisme. On regrette juste certains autres rôles, comme celui de Lorànt Deutsch, qui s’apparente plus au caméo qu’autre chose (mais on rigole de voir l’apparition de Ribéry). 

L’autre point d’accroche est celui d’une mise en scène réaliste et dynamique. Valerie Müller-Preljocaj prend le parti de la caméra épaule et du mouvement ; on n’est pas loin de la même exploitation de la caméra que celle que Fred utilise pour faire ses interviews, plaçant réellement le film dans le registre du film indépendant et brut, qui colle donc bien en l’occurrence avec la forme de l’histoire.

Il y a donc, derrière cette petite comédie indépendante, une vraie volonté de mise en scène et un vrai univers placé sous le sceau du sarcasme. Parfois un peu modeste à travers les ruptures de tons qui mériteraient d’être un peu plus habiles (on passe d’une scène absurde et hilarante, à une scène de revendication paternelle dictée par le premier degré), le film pointe cependant une vraie originalité dans ce qui composera ce fameux monde de Fred : un monde noir, drôle, errant, mélancolique, séduisant, dont la porte de sortie sera finalement l’amour.

© Offshore

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Un film efficace, qui comblera toutes les personnes en post-dépression nationale de Coupe du Monde, mais aussi les moins footeux, qui ne savaient pas, avant de lire cet article, que la France avait perdu. La frappe est lancée.

Thomas Olland

Film en salles depuis le 02 juillet 2014


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