Magazine Cinéma

Devine qui vient diner - 7/10

Par Aelezig

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Un film de Stanley Kramer (1968 - USA) avec Sidney Poitier, Katharine Houghton, Katharine Hepburn, Spencer Tracy

Fleur bleue, mais pas que...

L'histoire : Joanna rentre chez elle à San Francisco pour présenter l'homme de sa vie à ses parents. Joanna est blanche, John est noir. Et les parents ont un choc. Ils ne sont pas racistes pourtant, au contraire, et ils ont élevé leur fille en lui inculquant des principes d'égalité et de fraternité. Mais quand votre fille arrive avec un fiancé à la peau d'ébène, soudain on voit les choses sous un autre angle. Mais John est attendu pour une conférence en Europe, il reprend l'avion dès ce soir et il n'épousera pas Joanna si ses parents font la moindre objection ; il ne veut en aucun cas provoquer une rupture entre la jeune fille et sa famille. Alors, comment les convaincre, l'espace d'un dîner ?

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Mon avis : A l'époque, ce film a fait polémique. Seize états interdisaient encore les unions mixtes et le Ku Klux Klan a organisé des manifestations devant les salles ! Rappelons qu'aux Etats-Unis, la ségrégation raciale a subsisté jusque dans les années 60 et que les Civil Rights n'ont été accordés aux noirs qu'en 1964. Les gens s'habituaient à peine (ou pas) à vivre ensemble en ayant les mêmes droits. Mais de là à ce qu'un noir épouse une blanche... les mentalités n'étaient pas prêtes et le film se proposait donc de mettre un pavé dans la marre. Ce qu'il fait fort bien, sauf qu'aujourd'hui tout ça semble (heureusement) dépassé ; les couples mixtes sont légions, l'avenir est à eux et la planète tout entière sera un jour métissée.

Un peu démodé, donc, aurait-on tendance à dire, au premier abord, voire un peu mièvre parfois. Pourtant, les dialogues nous touchent et lorsque le père dit à ses enfants "Vous aurez besoin de courage. Demain 100 millions d'Américains vous mépriseront, chaque jour, année après année", on sent un frisson nous passer dans le dos... parce que finalement, on sait bien qu'aujourd'hui encore, l'affaire n'est pas gagnée et que les mêmes discours s'entendent encore. Le sujet est encore traité au cinéma régulièrement (Mauvaise foi, Il reste du jambon ou le récentQu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ?...) et le couple Debbouze / Theuriau confesse avec humour les petits tracas familiaux par lesquels ils sont passés, mais aussi, plus gravement, les attaques racistes dont ils font encore l'objet. Incroyable.

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Et par conséquent... non, le film n'est pas si vieillot que ça ! Et l'humour déployé lui donne beaucoup de légèreté.

Il est également hallucinant de constater la réaction de l'employée de maison, noire, qui est la plus choquée de tous ! Pour elle, chacun doit rester à sa place et, civil rights ou pas, un noir n'épouse pas une blanche. Elle qualifie ça de prétention, d'arrivisme ! D'ailleurs les deux pères (en tant que "chefs de clan" sans doute, car les mamans, elles, suivent l'inclinaison de leur enfant respectif) ont la même réaction : racistes, non ; mais chacun chez soi et les vaches seront bien gardées ! Et ce communautarisme, non seulement il existe toujours, mais il semble même se radicaliser. On se demande bien pourquoi. Sans doute qu'en ces périodes de troubles et de crises à répétition, les gens ont de plus en plus peur, alors ils se réfugient vers ce qui leur ressemble le plus. Comme l'enfant qui s'accroche à son doudou, transfert de tout son monde, de tout ce qu'il connaît.

Dans le film, est évoquée aussi la différence de milieu social. Même si John a fait une brillante carrière, ses parents, eux, sont des gens très modestes et voient mal cette alliance avec une fille de patron. Rien n'a changé non plus de ce côté-là !

Troisième thématique, celle de la paternité avec le conflit entre l'enfant qui veut décider de sa vie comme il l'entend, et le parent qui oppose des "droits" de veto qu'il aurait, sous prétexte qu'il a payé pour l'élever et lui offrir des études...

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Finalement... après l'impression de gentil mélo roudoudou, on se rend compte que le film est formidablement moderne. Et le couple Hepburn / Tracy est magnifique, complice ; ce sera leur denier film ensemble, le comédien, malade, est mort quelques jours après le tournage. 

On attend d'ailleurs le discours final du père avec impatience... il ne déçoit pas ! Guimauve et larmichette, leçon de morale, leçon de tolérance, vertige de l'amour toujours... moi je n'y résiste pas ! Dans ce monde de brutes, ah la la, qu'est-ce que ça fait du bien les grands sentiments !

Le film est assez théâtral (quasi unité de lieu) et j'ai cru qu'il s'agissait de l'adaptation d'une pièce. A priori non. Et les dialogues, tout comme les acteurs, donnent suffisamment de ressort pour éviter le côté trop statique de cette mise en scène, imposée par le sujet : un dîner.

Pour la petite histoire, Sydney Poitier a épousé en 1976 la blanche actrice Joanna Shimkus. Et oui, Joanna, comme dans le film, et blanche, comme dans le film ! Et ils sont toujours ensemble, après 40 ans de mariage et deux enfants.

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Amusante la réplique où John dit à son futur beau-père en riant : "Joanna dit que nos enfants seront présidents des Etats-Unis" ! Imaginaient-ils en tournant le film que, OUI, cela viendrait !

C'est un film à voir, ne serait-ce que pour les réactions incroyables qu'il a suscitées en son temps. Respect au réalisateur et aux comédiens.

 Cet article a été programmé car je suis absente jusqu'au 28 juillet. Je répondrai à vos commentaire dès mon retour.


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