J’avais laissé passer plusieurs mois avant de pouvoir reprendre le fil des aventures du Raoul Signoret, le courageux chroniqueur du Petit Provençal, car son auteur s’était mis à faire non pas dans l’ « Authentique » mais dans l’ « Historique ». Du coup, alors que ce dernier opus est paru en février, je ne l’ai pas vu passer. Cet impair impardonnable réparé, je me suis à nouveau régalée en quelques heures, en retrouvant les bonheurs de lecture d’une nouvelle affaire criminelle résolue de conserve entre Raoul et son oncle, le chef de la police de Marseille, l’imposant Eugène Baruteau.
Une sinistre histoire de rapt d’enfant avec forte demande de rançon, qui se termine plus heureusement que celle du bébé Lindbergh. Cependant, une fois l’enfant retrouvé, après une course nocturne dans les landes de l’arrière-pays pleines de la glaise qui sert à fabriquer les tuiles et un sacré coup de pilon d’aïoli sur l’occiput de Raoul, l’énigme n’est pas encore résolue. D’autant plus que l’on retrouve non loin du lieu où était détenu l’enfant, les cadavres enlacés d’un homme tué à coups de marteau et d’une femme égorgée sauvagement … Les questions les plus lancinantes tournent autour de la personnalité de Marius Gauffridy, le père du bébé, un parvenu roublard et habile en affaires, qui tient à mener la négociation tout seul et à payer la rançon sans y mêler de près ou de loin la police.
Et pourquoi donc ? Et pourquoi ne se montre-t-il pas plus inquiet du sort de son fils ? Connaîtrait-il les ravisseurs ? C’est ce à quoi vont s’attacher Raoul et son oncle.
Au-delà de l’intrigue, c’est l’ambiance du Marseille de 1908 qui passionne le lecteur : le port et ses industries connexes, l’atmosphère d’une salle de rédaction quand un fait-divers tient en haleine toute une cité, les villages perchés – Banon sur son promontoire – de la campagne si proche, d’où l’on voit la mer immensément belle, les immeubles haussmanniens des beaux quartiers, les drames des jeunes filles à la merci de leurs parents ou de leurs amants …
Certes, j’avais suspecté très vite l’identité du principal instigateur du kidnapping, mais tout de même, je ne parviens pas à comprendre comment l’auteur a escamoté l’une des protagonistes …. Comment une famille noble, même désargentée, aurait-elle consenti à donner en mariage une de ses filles – même sans dot - sans la mener à l’autel … A moins que Germaine, la première épouse dont l’entrepreneur s’était débarrassé, n’ait été épousée civilement …
En tous cas, ce onzième épisode des Nouveaux Mystères de Marseille, est une réussite : du suspens, de la critique sociale, des paysages, de la castagne, du parler typique de la région : tout pour me plaire une nouvelle fois, merci Monsieur Contrucci !
Rendez-vous au Moulin du Diable, polar de Jean Contrucci, édité chez JC Latès, 250 p. 18€