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"La lettre à Helga" de Bergsveinn Birgisson : à corps perdu …

Par Alyette15 @Alyette1

"La Lettre à Helga" de Bergsveinn Birgisson aux Editions Zulma

"Et puis elle a pris fin brusquement
La saison des amours de ma vie."

1ère de couveture "La lettre à Helga" de Bergsveinn Birgisson aux Editions Zulma

« La lettre à Helga » est une trêve d’intelligence et d’humanité dans un monde qui se replie sur son infiniment médiocre. « La Lettre à Helga » vient d’Islande, de ses légendes et de ses paysages à bout de souffle qu’une nature sans dieu ni maître a érodé de sa fougue. « La Lettre à Helga » vient de l’âme d’un romancier – Bergsveinn Birgisson – qui a franchi le mur invisible de la beauté.

Bjarni Gíslason a 90 ans et il sait que la vie le quitte. De sa maison de retraite, l’ancien éleveur de brebis et  contrôleur des réserves de fourrage revient sur son parcours et c’est cette plume du souvenir qu’il saisit pour écrire à celle qu’il aima et qu’il désire rejoindre, enfin apaisé. Avec la retenue et la poésie dont sont capables ceux que l’amour a fissuré sans leur ôter toute dignité, Bjarni évoque ce que fut son quotidien, sa passion pour sa terre et ses brebis dont il chérit la vigueur avec l’intelligence du sage conscient que la chaleur de l’animal garantit la survie. Avec toute la retenue et la dignité d’un homme qui a enseveli en lui la souffrance pour ne pas en mourir, il déclare à Helga la brûlure qui le consuma quand il l’approcha et l’inoubliable empreinte que laissa le contact de sa chair.

Une chair amoureuse et tenace dont les deux amants s’enivrèrent sans prendre garde, une chair adultère sans délit de péché, une chair viscérale à laquelle on ne peut s’opposer et dont on s’écarte en sachant qu’elle reviendra hanter nuits et rêveries. Une idylle rugueuse et originelle au cœur d’une nature dont l’intrépidité s’unit à celle des corps.

Puis, l’idylle prit court, chacun retournant à ce que la vie sait encore offrir : ses heures silencieuses …

C’est une âme de silex qu’il faudrait avoir pour rester insensible face à une lettre d’une telle ampleur émotionnelle. De mémoire de lectrice, jamais le regret d’un homme ne m’a autant touché en littérature. Admirablement traduite, cette lettre est un retour aux sources et réconcilie avec ce que nous avons de plus précieux, cet organe que l’on méprise alors que loin de son mystérieux pouvoir, c’est notre chair elle-même qui n’est plus irriguée : le cœur. Facile, penseront certains, mais saisir cette essence et savoir la transmettre me semble encore figurer parmi  les grandes missions du romancier. Au même titre que « La promesse de l’aube » de Romain Gary  demeure cet incontournable récit dont on savoure de la première à la dernière page l’infinie émotion, « La lettre à Helga » entre dans cette lignée : l’aristocratie du cœur. Avec une poésie rude et impériale, faisant fi des détours assommants pour intellectualiser ce qui vient de si loin, le très grand écrivain islandais donne une leçon de savoir-écrire à ses contemporains et c’est complètement chaviré que l’on sort de ce testament amoureux et charnel qui n’a pour dernière exhortation que ces simples mots : j’ai aimé.

Un très grand livre fiévreux et abrupt que Bergsveinn Birgisson habille d’une langue de lave incandescente et sensuelle.

Un livre qui ne nous trompe pas.

Astrid Manfredi, le 9 juillet 2014

Informations pratiques :
Auteur : Bergsveinn Birgisson
Titre : La lettre à Helga
Editeur : Zulma
Traduction : Catherine Eyjolfsson
Nombre de pages : 131
Prix France : 16,50 euros

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