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Le père Monard : du Bach au rockabbaye

Publié le 19 juillet 2014 par Abbaye Aux Dames, La Cité Musicale De Saintes @Abbayeauxdames
L’Abbaye aux Dames : à force d’y assister quotidiennement, depuis maintenant une semaine, à une foule de concerts allant des motets de Schein aux reprises de Nina Simone, le spectateur en oublierait presque que son église abbatiale sert encore de lieu de culte à toute la paroisse de Saintes. Et comme toute église paroissiale, celle de l’ancien monastère a son curé : le père Bertrand Monnard, qui officie à Saintes depuis trois ans.C’est accompagné de Mathilde, autre blogueuse du festival et également paroissienne de Saintes que je fais la connaissance du prêtre. Lorsque nous le rencontrons, à côté de son stand de littérature chrétienne, il affiche un large sourire, embrasse Mathilde en lui demandant de ses nouvelles, place trois chaises en cercle et nous invite à nous asseoir ; il s’enquiert aussi de savoir ce que nous faisons au blog.Issu d’une famille croyante, il se considère d’abord comme chrétien avant d’être prêtre. Selon lui, une vocation, “c’est un chemin, il y a des étapes. [...] A un moment donné, je me suis dit que je ne pouvais pas uniquement suivre, je devais m’engager davantage“. Pour décrire le parcours qui l’a amené à devenir clerc, il file une métaphore à la Perrault : “Une vocation, c’est des petits cailloux, il y a tout un chemin parcouru.” Lorsqu’il explique ses motivations profondes, je ne peux m’empêcher de repenser à la spiritualité des cantates de Bach, chantées quelques heures plus tôt par Damien Guillon et Céline Scheen : “Plus je découvrais cet amour du Christ, plus je me disais : ‘Lui donne tout, il faut que je puisse répondre à cet amour en lui consacrant, en lui donnant ma vie’ “.C’est en tant que chrétien qu’il pense son rôle au sein du festival. “Je ne suis absolument pas dans l’organisation du festival, même si je fais partie du conseil d’administration de l’abbaye. Par contre, on a pensé que ce serait bien d’avoir une présence chrétienne sur le festival. Le centre du festival, c’est ici dans l’église, et il se trouve que c’est l’église où la communauté chrétienne se rassemble tous les dimanches. [...] C’est chez nous, d’une certaine façon ; il s’agit de dire que les chrétiens s’intéressent au monde de la musique et de la culture. Ça nous intéresse d’être présents et d’apporter notre touche spirituelle.” Il nous décrit alors toutes les actions de la communauté paroissiale en lien avec la cité musicale : les conférences sur le thème de la musique et de la religion ; les offices quotidiens, laudes et vêpres, durant lesquels les paroissiens prient pour tous les festivaliers ; ou encore, la messe dominicale avec la participation, cette année, de l’ensemble Aposiopée, « cela donnait un cachet à l’office ».Si la musique est omniprésente à l’abbaye, encore faut-il définir quelle musique… C’est Mathilde qui aborde le sujet, lui demandant si le fait de donner des concerts dans un lieu sacré est, selon lui, une bonne chose. “Le lieu est d’abord un lieu de prière. De manière un peu exceptionnelle, sur huit jours, on est assez accueillant…” Les mots se font plus prudents, le ton moins à l’aise. Il ne s’agit pas d’ouvrir l’église à tout et à n’importe quoi. « Après, il faut que ce soit une musique qui colle avec le lieu, dont les paroles collent avec la foi chrétienne. » Une prière punk à la Pussy Riot, ce n’est donc pas pour tout de suite. Ma collègue poursuit : accueillerait-il des rappeurs chrétiens ? Un style populaire et contemporain, avec des paroles et un fond marqués par la foi ?Le père Monnard recouvre sa jovialité, laisse échapper un gros éclat de rire. « Et bah pourquoi pas, il faut étudier ! Si ce sont des chants, ou de la musique qui annoncent la foi chrétienne…[...] Dans la musique classique, il y a déjà beaucoup de musique sacrée ; au-delà des pièces de musique sacrée, la beauté de la musique et de l’interprétation, ça peut être un chemin spirituel. Ça élève et ça ouvre à quelque chose de différent de la vie matérielle. » Pour ce qui est de la programmation du festival, qui comprend aussi des œuvres profanes, il n’y participe pas. « En même temps, je crois que les organisateurs tiennent compte du lieu. Je crois qu’ici, il n’y a pas d’excès. » D’autant que les sources baroques du festival le rassurent. « Et puis, il y a toujours eu un fil rouge autour de Bach, ce n’est pas un hasard non plus… ».Même si le père Monnard ne s’occupe pas d’organiser l’événement, ses journées restent bien occupées. Le quotidien d’un curé, « c’est une vie remplie ! Il y a une part qui ne se voit pas, et qui est essentielle, c’est la dimension d’enracinement spirituel. [...] Si il n’y avait pas ça , je serais un gentil animateur.» Il a beau avoir une attitude des plus naturelles, ce prêtre a décidément le sens de la formule. Il décrit alors son rôle dans la communauté, celui d’un garant de sa cohésion. « Je suis le curé d’une paroisse, je prend soin des âmes. Je veille à la communion de la communauté chrétienne, que les gens soient bien unis, réunis, que les groupes se coordonnent, qu’ils ne soient pas cloisonnés – les jeunes d’un côté, les vieux de l’autre… Car c’est ce témoignage que nous devons donner, celui d’une communauté vivante et unie. »Ce souci de s’occuper du vivre-ensemble, j’en fait le constat durant l’interview : au beau milieu de l’entretien, une femme vient nous interrompre pour lui parler d’un supposé voleur du coin, qui s’abriterait sous une tente près de l’église. Il la calme, lui assurant qu’il ne protège pas l’individu en question. Il dit également vouloir une Église ouverte ; “nous les Chrétiens, notre soucis c’est de partager l’Évangile.” La prière, les célébrations, la formation des Chrétiens et la charité font ainsi l’essentiel de la vie de la paroisse. La présence au festival est quant à elle un moyen de s’investir dans la vie de la cité. “Pour nous chrétiens, la culture, c’est pas de la gnognotte ; on est heureux d’être présents à notre façon. Et cela permet des tas de rencontres, c’est très intéressant.Ses goûts personnels sont assez éclectiques ; il y a d’abord son intérêt pour le classique, au sein duquel l’ecclésiastique a ses préférences. “Je suis moins sensible à la musique romantique,m’avoue-t-il, qu’à Bach, qu’au baroque. La musique où les états d’âmes s’expriment, je n’y rentre pas très bien…” Mais comme je le pressentais en parlant avec Mathilde, son intérêt pour la musique ne s’arrête pas au XVIIIème siècle. “J’ai des goûts musicaux qui datent de ma jeunesse“, dit-il avant d’évoquer plusieurs grands noms de la pop-rock britannique : Dire Straits, Supertramp, Sting, U2, Coldplay. Un prêtre qui semble en accord avec son temps, donc, et avec le temps présent.Mahel Nguimbi

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