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L’homme des Roubines – Les Hauts Lieux de Luc Moullet - Gérard Courant

Publié le 21 juillet 2014 par Malaurie @jfbib
L’homme des Roubines – Les Hauts Lieux de Luc Moullet - Gérard Courant

Luc Moullet est un homme de cinéma, réalisateur de films décalés et documentaires. Seulement une dizaine de films en cinquante ans de carrières, mais de nombreux courts métrages. Un style à nul autre pareille : décalé et pince sans rire.

Ce film biographique de Gérard Courant, cinéaste lyonnais, est, « à la façon » de Luc Moullet, un regard sur ce personnage, décalé et pince sans rire. Originaire des Alpes de Haute Provence, Luc Moullet nous raconte par le biais d’anecdotes, son parcours de cinéaste, son attachement à cette Terre mi provençale mi alpine, ses rapports avec la folie (inscrite depuis longtemps dans son entourage familial) et avec le milieu du cinéma, ses déboires avec le fisc et l’administration. Jamais à court d’imagination, toujours aussi burlesque, Luc Moullet est vraiment un personnage à part du cinéma français. Jean-Luc Godard considère Luc Moullet comme un «Courteline revu par Brecht» et Jean-Marie Straub estime pour sa part qu'il est «le seul héritier à la fois de Buñuel et de Tati».

Gérard Courant spécialiste des portraits cinématographiques réalise ici un portrait si fidèle de l’homme que l’on pourrait croire à une nouvelle facétie de Luc Moullet. Qui, d’ailleurs mieux que Gérard Courant pourrait nous dire pourquoi il a conçu un tel film ?

La roubine est un sol friable, en pente, constamment raviné ou remanié.

« Parce que faire un film sur Luc Moullet, c'est faire un film avec Luc Moullet tant ses talents d'acteur sont énormes, insoupçonnés et inséparables de ses qualités de cinéaste.
Parce qu'il a joué dans les films de cinéastes au talent rare, tels Marie-Christine Questerbert et Jean-Daniel Pollet.
Parce qu'il est le dernier cinéaste burlesque.
Parce qu'il est le dernier cinéaste de genre du cinéma français. À part la science-fiction, il a pratiqué tous les genres (fiction, documentaire, autobiographie, comédie, burlesque, film à costumes, film institutionnel, policier, western, cinéma-vérité, film politique, film de femme, téléfilm, etc.)
Parce qu'il cultive la dérision sans que celle-ci ne soit jamais franche, d'où l'existence, dans son cinéma, d'un va-et-vient perpétuel entre le sérieux et le rire, le vrai et le faux, la réalité et sa reproduction, le cinéma et la vie.
Parce qu'il est le dernier cinéaste français à avoir réalisé un western (Une aventure de Billy le Kid, en 1970).
Parce qu'il est le seul cinéaste à avoir su filmer assidûment les roubines.
Parce qu'il est le seul cinéaste à filmer régulièrement les Alpes du Sud.
Parce qu'il est un grand cinéphile (ce dont témoignent ses films Brigitte et Brigitte et Les Sièges de l'Alcazar).
Parce qu'il a tourné sept films avec l'immense et incroyable Jean Abeillé.
Parce qu'il est le dernier cinéaste de long métrage à revenir régulièrement au court métrage.
Parce qu'il pratique un art de l'autobiographie bien à lui et rejoint ainsi la galaxie des Steve Dwoskin, Jonas Mekas, Joseph Morder, Nanni Moretti, Boris Lehman, Woody Allen.
Parce qu'il est le plus grand (h)auteur du cinéma français (il fut un temps où sa maison de production, située dans un village des Hautes-Alpes, était la plus élevée de France).
Parce qu'il a reçu le prix Jean Vigo (pour La Comédie du travail).
Parce qu'il a produit Nathalie Granger, l'un des meilleurs films de Marguerite Duras.
Parce qu'il a réalisé Parpaillon, le seul film de fiction consacré au cyclotourisme et aux cyclotouristes.
Parce qu'il a produit et interprété ce chef d'oeuvre d'humour noir, Le Cabot de Jean-Pierre Letellier.
Parce qu'il a fait tourner le grand Samuel Fuller (dans Brigitte et Brigitte)
Parce qu'il a réussi la prouesse rare d'avoir fait jouer l'invisible Éric Rohmer (toujours dans Brigitte).
Parce que ses films sont toujours à la limite de la fiction et du documentaire.
Parce que son cinéma manie l'art subtil et délicat du commentaire qu'il ne cesse de décaler avec l'image.
Parce que le budget de l'ensemble de ses films ne représente même pas le budget moyen d'un long métrage français.
Parce qu'il a fait le meilleur film avec Jean-Pierre Léaud (Une aventure de Billy le Kid).
Parce qu'il est un grand marcheur.
Parce qu'il est un grand cyclo dévoreur de cols (Alpes, Montagnes Rocheuses, Cordillère des Andes).
Parce qu'il a choisi Digne – aujourd'hui, Digne-les-Bains – comme capitale de la France. »
« Les roubines existent surtout dans les Alpes du Sud. Elles sont un élément fondamental de mes films et apparaissent dans Terres noires, Les Contrebandières et Une aventure de Billy le Kid. Dans la roubine, il y a deux éléments : la montagne et le désert. C'est un espace théâtral sans problèmes. C'est un paysage assez malléable où l'on peut « jeter » des acteurs, faire un peu ce que l'on veut. C'est aussi un paysage sexuel : c'est creux, plein... C'est le théâtre sans problème d'éclairage. C'est un lieu où l'on peut tout faire. C'est à la fois un élément de décor et un microcosme. On ne découvre jamais l'échelle et c'est bien pour établir des rapports de distanciation. On ne sait jamais si on est dans l'infiniment petit ou l'infiniment grand »

Gérard Courant

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Les images des Roubines et la voix de Luc Moullet.

L’homme des Roubines – Les Hauts Lieux de Luc Moullet

Gérard Courant, Jakaranda, Aqui TV – CNC, 2000, 55mn – Couleur


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