Un journaliste entre en contact avec le directeur de la recherche récemment viré d'une grande fabrique de tabac. Ce qu'ils ne savent pas c'est que la spirale infernale risque d'être violente et sans appel...
La critique nausive de Borat
Michael Mann est un réalisateur qui tourne peu mais qui tourne en général bien. Ainsi il y a un écart de quatre ans entre Heat et Révélations. Ce dernier se base sur une affaire assez contemporaine et aurait pu se mordre la queue très rapidement. On a encore vu cela récemment avec Le cinquième pouvoir dézingué aussi bien par la presse que par le public. Mann a rencontré durant la post-production de Heat le journaliste Lowell Bergman au sujet de l'affaire Jeffrey Wigand. Après avoir collecté plusieurs documents, il fait appel à Eric Roth alors sur le script de The good shepherd (qui ne se fera pas avant 2006 et sous la direction de Robert De Niro) pour coécrire le scénario. Val Kilmer fut d'abord considéré pour le rôle de Wigand, ce directeur de la recherche chez B&W ayant dénoncé les manipulations génétiques dans les cigarettes. Finalement, Russell Crowe s'est imposé malgré que ce dernier n'était pas sûr de pouvoir incarner de manière juste une personne plus vieille que lui. Al Pacino fut par contre le seul choix pour incarner Bergman. Ce film est souvent considéré avec raison comme un des meilleurs films de Mann, en raison de son travail de reconstitution optimale. Mais finalement plus que l'affaire en elle-même c'est la manière dont Mann se l'approprie qui prédomine. Le film a beau se dérouler comme l'habituel biopic avec un ensemble chronologique, on ne regarde jamais un biopic en regardant The insider.
Plus qu'un biopic c'est un vrai thriller qui se joue avec son lot de rebondissements. Dans un premier temps et au lieu de commencer à en faire un film à charge (car c'est ce que l'on pourrait croire), il présente ses personnages. L'ouverture du film nous amène Bergman aux prises avec le fondateur du Hezbollah. On nous le présente comme un bon producteur voulant à tout prix avoir son interview qui plus est pour une grande émission de télévision. Mais c'est surtout un journaliste sûr de lui et ayant des convictions. De l'autre côté, on nous présente Jeffrey Wigand, un type banal sortant de son travail comme tant d'autres, revenant à la maison, se servant un whisky tout en demandant à sa fille si tout va bien avant d'aller ventiller sa fille aînée asthmatique. Wigand apparaît comme un bon mari, un bon employé, un bon père. Pourtant on apprend assez rapidement que la firme dans laquelle il travaille est une des plus nocives du monde, la B&W grand fabriquant de tabac aujourd'hui plus de notre monde pas aidé par le scandale à venir et une belle aliance. Qui plus est il vient de se faire virer. Pourquoi? Parce qu'il a été trop regardant sur les substances composant les cigarettes. A partir de là, Mann aurait très bien pu prendre uniquement le point de vue de Wigand et faire de Bergman un banal second-rôle. Il décide plutôt, comme le confirme l'affiche, de les mettre à égalité et de les faire évoluer ensemble.
Dès lors, comme l'enquête commence le film bascule dans le pur thriller avec un héros mis au poteau entre ses convictions scientifiques (il est parfaitement conscient des horreurs que font ses employeurs) et morales (il veut dénoncer mais ne peut pas par contrat de confidentialité et surtout pour garder sa complémentaire santé pour sa fille). De plus, Mann insiste bien sur les pressions exercées sur Wigand, ne pouvant plus avoir de vie privée, accusant de nombreuses menaces de mort comme une comparution de ses anciens employeurs. Cette histoire en viendra même à tuer son couple. Mann montre donc un portrait d'un homme seul contre tous et pas aidé non plus par une interview pour l'émission de Bergman qui est sans cesse repoussée ou censurée, en tous cas jamais diffusée dans son intégralité. Après avoir largement montré Wigand, Mann fait une sorte de cesure. Jusqu'à maintenant il avait montrer une entreprise du tabac prête à tout pour que ses secrets douteux ne passent pas au 20h quitte à dynamiter et à rendre fou leur ancien employé. Maintenant, il va montrer un portrait particulier de la télévision actuelle. Alors qu'elle a un sujet brûlant à faire passer sur les ondes, elle rechigne à en parler pour ne pas avoir de procès aux fesses.
Le but n'est donc pas de s'avouer vaincu face à l'audimat (le show est dit comme un grand succès depuis de longues années, une sorte de rendez-vous hebdomaire pour les spectateurs), mais que la chaîne ne se fasse pas racheter par... la B&W! Une absurdité totale que ne comprend pas Bergman. Après avoir montrer les dérives des entreprises (car même si cela concerne le tabac, le tabac n'est jamais réellement concerné en dehors des effets des cigarettes du groupe, permettant ainsi ne pas faire une fixette dessus), Mann montre aussi les limites du journalisme face à des menaces plus grosses qu'elle et aussi son possible manque d'intégrité que ne partage pas Bergman. Mann montre deux portraits d'homme cherchant à garder leur intégrité dans deux entreprises qui en manque cruellement. Techniquement, Mann joue déjà sur la caméra numérique son futur dada et le film s'avère assez bien mis en scène, jouant sans cesse sur l'opression de ses deux personnages. La musique fait peut être un peu trop dans le pathos, notamment les passages avec Lisa Gerrard ce qui est un peu dommage. Le film peut également compter sur un casting quatre étoiles emmenés par deux acteurs impériaux (surtout que pour Al Pacino c'est dur d'avoir de grandes prestations récentes, il faut bien l'avouer). La durée pourrait rebuter (2h30 tout de même) mais l'ensemble se révèle passionnant et intéressant. De quoi faire oublier le temps qui passe.
Un biopic qui n'en est pas un, jouant la carte halletante du thriller avec efficacité.
Note: 19/20