Magazine Culture
Quand je dois faire apparaître mon nom quelque part, cela me semble toujours un peu faux.
Car, si il y a un tant soit peu de vérité là-dedans, "je" n'en suis pas l'auteur.
La créativité, comme tout ce qui touche à la liberté, est un mystère. Disons qu'il n'y a rien de mécanique, mais rien d'individuel non plus. Il n'y a qu'une seule conscience qui rayonne gratuitement, sans pourquoi ni comment.
C'est ce que dit la tradition indienne, qui n'est d'ailleurs pas "indienne" si on la prend au sérieux !
Le Savoir éternel n'a pas d'auteur. Il est a-paurusheya. Ce Savoir - la culture, la tradition - est comme le bruit de la mer. Comme le son du vent dans les feuilles. Comme la respiration de l'être. Pas de droit de copie... pas d'auteur.
De même, le Livre, le Tantra, la connaissance éternelle, n'a jamais été prononcée par personne à un moment donné. Elle est an-â-hata : pas engendrée par le choc d'un souffle sur un point d'articulation, par une bouche. Elle n'a jamais été dite. Elle résonne d'elle-même, naturellement, comme le bruit du sang dans nos oreilles.
Shiva et Shakti, le dieu et la déesse ne sont que des images déformées de l'évidence simple du présent, de même que les tantras qu'on peut lire ne sont que des fragments épars de cette résonance atemporelle. Le paradoxe est que cette vibration consciente se dit à chaque instant. Elle est la conscience. Le fait d'être conscient. Nul n'en est l'auteur. Mais nul, non plus, ne peut l'empêcher de se dire. Voilà la véritable tradition, la culture, le savoir, la connaissance, le tantra naturel, la lignée authentique, le vrai maître, le livre infaillible.
Le reste n'est que forme de néant.