Après Before Sunrise, Before Sunset et Before Midnight, la trilogie romantique la plus aboutie, la plus sensible et la plus réaliste sûrement jamais réalisée, Richard Linklater a suivi pendant douze ans, la même troupe de comédiens (dont ses acteurs fétiches : Ethan Hawke et Patricia Arquette), pour saisir au plus proche, le temps qui passe, et la fuite de l’innocence enfantine. À leurs côtés évoluent Ellar Coltrane et Lorelei Linklater, tous deux sublimes. Linklater a tourné l’essentiel de Boyhood dans son Austin natal, au Texas. Une réussite doublée d’une incroyable aventure humaine!
Samantha (Lorelei Linklater), Olivia (Patricia Arquette) et Mason Junior (Ellar Coltrane)
Saisir le moment. Regarder les nuages évoluer, allongé dans l’herbe. Y comprendre l’existence des guêpes. Y deviner l’infini. En être curieux. Ne pas encore en avoir peur. Fêter ses huit ans.
Ouvrir un catalogue de vente par correspondance. Connaître ses premiers émois sexuels. Appréhender les disputes parentales. Apprendre à accepter l’absence. Faire l’expérience du vide. S’en inquiéter. Fêter ses dix ans.
Connaître par procuration les aléas de la vie. Partager la souffrance maternelle. Détester ce beau père violent et tyrannique. Se renfermer ou bien se révolter. Fêter ses douze ans.
Arrive l’âge ingrat. Constat : l’enfer, c’est les autres. Braver les interdits. Se construire en opposition. Fêter ses quatorze ans.
S’interroger. Philosopher. À quoi bon vivre ? Quel est le sens de tout ça ? Y’a-t-il un sens à l’absurde ? Fêter ses seize ans.
Prendre sa vie en main. Quitter son foyer. Et écouter sa mère pleurer. La perdre pour la première fois. Fêter ses dix-huit ans.
Trouver l’âme sœur. L’amour perpétue l’espèce. À nouveau au bord du précipice. Mettre un pied de plus dans l’inconnu.
Mason Junior (Ellar Coltrane) et Mason Sénior (Ethan Hawke)
Boyhood touche à tout l’éventail des sentiments humains, et touche à l’intimité de nos vies comme rarement on a eu l’occasion de le vivre au cinéma. Quiconque n’a pas renoncé à la poésie qui émane du monde et du temps qui s’écoule devrait se reconnaître dans l’un des personnages. J’ai pris le point de vue du jeune garçon car c’est le personnage qui me parlait le plus, et m’a semblé le cœur de l’intrigue, mais je suis persuadé que chacun vivra le film différemment. On s’identifie d’autant plus que Linklater, par son procédé incroyable, à retirer toute superficialité en ne faisant pas vieillir artificiellement ses acteurs. Une seule certitude ressort de l’œuvre de Linklater, la fuite du temps, l’angoisse existentielle qui en découle, est l’essence même de l’humanité, de ses questionnements et de ses errements. Si on peut tenter de cueillir l’instant, il faut bien s’apercevoir que c’est finalement le moment qui nous saisit. Inexorablement. On arrive toujours là où nous sommes étrangers.
Boeringer Rémy
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