C'était ce matin la présentation à la presse de la nouvelle exposition temporaire du Musée Guimet, L’envol du dragon : art royal du Vietnam, en présence de Pierre Baptiste, commissaire de l’exposition, et conservateur en chef de la section Asie du Sud-Est de ce musée national des arts asiatiques.
Inscrite dans le cadre de l'année France-Vietnam, Nam Viet Nam Phap 2013-2014, le musée a bénéficié de prêts exceptionnels parmi lesquels figurent notamment certains des regalia les plus précieux de l’empire d’Annam (sceaux et décrets impériaux en or et en argent,…) présentés pour la première fois en dehors du Vietnam.C'est par exemple le cas avec cette
Couronne impériale, composée d'or, brillants et pierres précieuses sur âme de chanvre datant du règne de Khai Dinh, 1916-1925 et provenant du musée national d’Histoire du Vietnam, Hanoi.Centrée sur l’image du dragon, l'exposition évoque une histoire millénaire, de l’âge du Bronze au crépuscule de la dernière dynastie royale.Vous disposez d'un peu de temps pour découvrir ces objets mais ne tardez pas. Le 16 septembre, il sera trop tard et certaines pièces sont de nature exceptionnelles.
Je voudrais, au travers de cet article, à la fois vous en montrer l'essentiel et vous donner envie d'aller voir de près des pièces pour la plupart exceptionnelles.
Pour ne pas monopoliser en quelque sorte le fil d'actualité du blog j'ai inséré cette balise pour "lire la suite" afin que seuls ceux qui souhaitent la totalité du compte-rendu y aient accès.



L’évocation de la période de la domination chinoise des Han (env. 1er-3e siècle) permet d’illustrer l’émergence de l’iconographie du dragon figurant çà et là dans le riche mobilier funéraire mis au jour dans les tombes du nord du Vietnam (province du Thanh Hoa), notamment à la faveur des travaux de l’École française d’Extrême-Orient conduits par les archéologues Louis Pajot puis Olov Janse dans les années 1920-1930.

Après les fouilles conduites par le suédois Olov Janse, entre 1935 et 1938, des fragments de céramiques et d'autres objets d'études furent destinés à la France. Jusqu'à nos jours l'ensemble a été conservé au musée dans les boites de récupération d'origine : la pratique de ces conditionnements de fortune était d'un usage fréquent à cette époque pour le matériel archéologique ne présentant qu'un intérêt documentaire.
Ces fouilles ont amené quantité d'informations sur les pratiques funéraires de l'élite, qu'elle soit locale ou chinoise, durant les premiers siècles de notre ère. Les fouilles de tombes en briques, financées par la France et l'université de Harvard, révélèrent un important mobilier partagé entre Paris, les Etats-Unis et le Vietnam qui en conserve les chefs d'oeuvre.




C’est à partir de l’indépendance retrouvée (10e siècle) que le Vietnam décline précisément l’image du dragon sous les formes les plus variées. Des éléments de décor architectural, des chefs-d’œuvre de céramique, divers objets somptuaires de bronze (11e-18e siècle) témoignent de la puissance inventive d’un pays imprégné de culture chinoise et faisant pourtant preuve d’une profonde originalité.


Serpentiforme, le dragon participe du monde des eaux dont il est le gardien et le pourvoyeur. Détenteur des clés de la sécheresse ou de l’inondation, évoluant dans les mondes souterrains et les milieux aquatiques avec la même aisance que dans les nuées célestes, il est par essence versatile et capricieux.

Ce sont les Français en poste en Indochine, et plus particulièrement au Tonkin, en Annam et en Cochinchine, qui ont désigné sous le nom de bleu de Hué les porcelaines chinoises à décor de bleu de cobalt sous couverte que le Vietnam commandait à la Chine, aux fours de Jingdezhen, depuis le 18° siècle. Les pièces réunies ici participent de l'esthétique officielle et relativement stéréotypée du palais selon laquelle dragons et phénix se disputent le précieux joyau dans une danse céleste au milieu des nuages.
On pénètre ensuite dans une autre salle en contournant Bodhisattva Avalokitesvara à mille bras ou Quan Thê Âm, bois laqué et doré, époque Lẽ / Nguyễn, fin 18°-début 19° siècle


L’exposition se poursuit par l’évocation d’un sanctuaire bouddhique dont les riches iconographies dans lesquelles l’image du dragon prend parfois place, forment un ensemble en harmonie avec les éléments de mobilier rituel et d’objets d’art religieux réunis de manière suggestive.
Le Vietnam, pays de montagnes, pays maritime et fluvial, terre de cultures irriguées – dont la cruciale riziculture - ne pouvait que faire une place centrale au dragon. Maître des nuées, maître des eaux, il préside aux destinées d’une économie agricole et est fondamental à l’équilibre des choses du monde, ce qui l’associe tout naturellement au bon exercice de la royauté. Ainsi les souverains vietnamiens porteront-ils sur la cuisse un tatouage totémique figurant un dragon. Cette pratique du marquage apotropaïque du corps ne se limite d’ailleurs pas à la seule personne du souverain : l’image de l’animal protège des morsures de serpent celui qui la porte.

Dès après sa venue au monde, le Bouddha historique, qui a vécu en Inde, aurait effectué sept pas en direction du nord, puis fixé successivement les quatre directions avant de recevoir un bain d'eau chaude et d'eau froide qui lui fut donné par des serpents ("nãga"), ces gardiens des richesses souterraines.
Une analogie entre "nãga" et dragons s'est peu à peu opérée dans le monde sino-tibétai. Les serpents se sont transformés en dragons, au nombre de neuf -symbole céleste-,qui crachent l'eau pour nettoyer l'enfant, debout sur un lotus émergeant des flots.
On remarque derrière lui le ventripotent rigolard, moine qui se trouve être la réincarnation du bouddha du futur, réputé pour protéger les enfants.




La dernière partie de l'exposition révèle un riche ensemble de pièces d’orfèvrerie du trésor des Nguyên (1802-1945), récemment sorti des coffres où il était conservé au Vietnam depuis 1945, ce qui témoigne de la confiance qui est accordée à la France.
Ces régalia d’or, d’argent et de jade (sceaux impériaux, sabre royal), les plus précieux de l’empire d’Annam, ces éléments de prestige (supports d’offrandes, décrets impériaux d’or dans leurs coffrets d’argent ciselé) et ces objets de cour, témoignent des fastes de l’empire d’Annam dont la forme toute entière est alors comparée à celle du dragon auspicieux. Ils illustrent le faste de cette dynastie à Huê, depuis sa fondation, à l’avènement des Nguyên, en 1802, jusqu'à l’abdication du dernier empereur, Bao Dai, le 25 août 1945.
L’empereur Gia long, fondateur de la dynastie, assoit dès 1802 le prestige de la nouvelle dynastie sur le modèle de la Chine des Qing (1644-1911). C’est dans cet esprit qu’est en grande partie conçue la nouvelle capitale, la citadelle impériale Hué, selon le modèle de la Cité interdite de Pékin, où se concentrent les palais royaux publics et privés dans lesquels régalia et objets de cour contribuent à la pompe des souverains qui y règnent.
La décolonisation est passée par la démocratisation et le dernier empereur dut abdiquer. le trésor est resté en quelque sorte secret et personne n'avait jeté un oeil sur ces pièces entre 1945 et 2007. Il est remarquable qu'un gouvernement communiste les ait conservées intactes.






Mais le plus étonnant est sans doute une des quatre couronnes récemment restaurées, remontées et recousues sur une structure moderne tandis que tout le reste demeure d'origine.


On y retrouve naturellement le thème du dragon jouant avec la perle. Le dragon est le maître de l'eau, des étangs, de la mer, des nuages. Il est capable de provoquer un tsunami. La dualité yin et yang est perceptible avec la perle.



Autour de l’exposition, tarifs, informations pratiques et horaires : www.guimet.frDu 9 juillet au 15 septembre
L'affiche reprend un Dragon bondissant dans les nuéesor et bois, 2e année thieu tri, 1842 musée d’Histoiredu Vietnam, Hanoi, © D.r./thierry ollivier
L'année France - Vietnam représente pour la France plus de 150 événements de janvier à septembre 2014, témoignant de la créativité et le dynamisme de la culture du Vietnam. Toute la programmation sur : www.anneefrancevietnam.com

