Magazine Beaux Arts

Muriel Bordier : Silence musée !

Publié le 03 août 2014 par Pantalaskas @chapeau_noir

Sommes-nous dans "Métropolis" ?  S’agit-il d’un de ces décors démesurés issus d’un film de Fritz Lang des années trente où l’homme disparait, écrasé par une force qui le domine ? L’ambiance pourtant semble davantage feutrée, calme, paisible.  A l'évidence  le silence s'impose dans un recueillement digne d'une cathédrale. Les personnages, eux, apparaissent cependant submergés par l'extravagance de ce lieu que l’on identifie comme un espace d’art. Les œuvres ne sont pas accrochées au mur, elles sont le mur, imposant leur puissance abusive à la frêle silhouette qui tente de poser un regard sur ce gigantisme architectural. Est-ce alors la manifestation mégalomaniaque d’un artiste en quête d’affirmation ? Ou bien le rêve délirant d’un commissaire d’exposition saisi par la folie des grandeurs ?

Muriel Bordier

"La colonne" (série Espaces Muséaux 2010) Muriel Bordier

Adossé à la colonne hors de proportion qui impose inutilement son volume, le personnage serait donc un visiteur, amateur d’art. Plus question de se poser en regardeur critique ou non d’un tableau, d'une sculpture, d'une vidéo. C’est davantage l’œuvre conquérante qui semble tenir en respect l’intrus. Le spectateur n’a qu’à bien se tenir s’il veut sortir indemne de cette mise en joue par l’artiste. Assurément, il n’est pas question de se mesurer à l’artiste et son expression. Dans ce face à face déséquilibré le visiteur ne fait pas pas le poids .

« Espaces muséaux »

Photographe, plasticienne et vidéaste Muriel Bordier, avec cette série « Espaces muséaux » joue malicieusement avec la mise en scène de l’art, notamment l’art contemporain. Dans des tirages grand format, elle opère une dérive de la réalité pour nous entraîner dans un monde presque réel. La scénographie récente de l’exposition Bill Viola à Paris ne semblait pas éloignée de celle, espiègle et fictive, des œuvres de Muriel Bordier. Au-delà de la première lecture immédiate de ce regard  porté par la photographe sur la scène artistique, on ne peut évacuer la question de cette relation entre la façon de montrer et celle de recevoir l’œuvre des artistes contemporains. La tendance hégémonique, avec l’avancée inexorable d’installations hors normes, confirme, me semble-t-il, que le spectateur n’ apparaît plus comme l'interlocuteur privilégié de cette création.

La condition de visiteur

Le visiteur/spectateur voit son destin lié à l’œuvre, impliqué, à son corps défendant, comme un des éléments de la création. L’œuvre et l’espace muséal répondent à leur propre logique dans une scénographie pensée comme relation œuvre/musée. Que le visiteur ne vienne pas s’immiscer dans ce dialogue interne. Il ne contrôle plus la situation depuis longtemps. A lui de s’adapter, si possible discrètement, à cette nouvelle donne. A lui de s’insérer dans ce protocole où il n’a mot à dire.

Muriel Bordier

"Espaces muséeaux" 2010 Muriel Bordier

Qu'il s'estime encore heureux d'être  toléré dans ce lieu emprunt d'une  monumentalité dédiée aux artistes et ses commanditaires.
Métropolis n’est finalement plus si loin et la fiction de Muriel Bordier, avec certes malice et poésie, porte un éclairage lucide sur cette façon dont le monde de l’art semble tomber du côté où il penche.

Photographies: Muriel Bordier

" Éclectique "

Oeuvres de :  Israel Ariño Torres, Mindaugas Ažušilis, Mathieu Bernard-Reymond, Didier Ben Loulou, Muriel BordierDaniel Challe, Luc Choquer, Bernard Descamps, Bertrand Desprez, Tom Drahos, Jean-Pierre Favreau, Thierry Girard, Christophe Goussard, Sébastien Grenier, Hiromi Horikoshi, Arja Hyytiäinen, Michael Kenna, Rita Leistner, Daniel Maigné, Tina Mérandon, Laurent Millet, Pascal Mirande, Sarah Moon, Igor Moukhin, Miki Nitadori, Daniel Nouraud, Koji Onaka, Alexandra Pouzet, Sylvie Tubiana.

15 Juillet- 21 Septembre 2014

Fonds d'œuvres
photographiques
du Carré Amelot
La Rochelle


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Pantalaskas 3071 partages Voir son profil
Voir son blog