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Jersey Boys

Publié le 03 août 2014 par Olivier Walmacq

Années 50. Quatre artistes issus du New Jersey décident de monter un groupe et ce malgré le passé criminel de certains des membres. Ils deviennent des stars mais certaines connaissances et rancunes risquent de ruiner les Four Seasons...

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La critique musicalement 50's de Borat

Clint Eastwood et la musique c'est une vieille histoire d'amour. S'il a souvent signé la musique de ses films (lui ou son fils Scott), au cinéma cela ne commença qu'avec le flop retentissant de La kermesse de l'Ouest. Par la suite, les années 80 l'aideront davantage avec le remarquable biopic sur Charlie Parker (Bird) et surtout le sublime Honkytonk Man où l'accompagnait son fils sur les routes. Sans compter son documentaire sur le blues pour la série-documentaire produite par Martin Scorsese en 2003. En sachant qu'il a bien failli faire un remake d'Une étoile est née avant que Beyonce ne lui fasse faux bond, laissant le projet au point mort (et toujours pas ranimé). Pourtant, sur Jersey Boys, adapté d'une comédie musicale retraçant la vie du groupe Four Seasons, il n'était pas le premier choix (au même titre que pour American Sniper qu'il tourne actuellement, prévu pour Steven Spielberg initialement) puisque c'est un projet que voulait réaliser Jon Favreau. Vraisemblablement, il se serait désisté de lui-même pour réaliser Chef. Finalement, c'est peut être l'un ou le flop le plus retentissant du grand Clint. Probablement la saison pas propice à ce genre de "petit film" (il est vrai que le caser entre X Men et Transformers 4...) et surtout un sujet qui n'a pas l'air de passionner plus que cela le public, sans compter la promotion quasi-inexistante. Même en France, le film peine à s'en sortir et pour tout vous dire, j'étais le seul spectateur dans une salle d'art et d'essai, ce qui ne m'étais pas arrivé depuis Looking for Eric de Ken Loach (donc 2009), vu dans un multiplexe lui.

Jersey Boys : Photo John Lloyd Young, Renée Marino

Jersey Boys mérite-t-il donc un tel flop retentissant, le genre qui, pour un jeune cinéaste, lui aurait valu un anonymat pour longtemps? Certainement pas, surtout en comparaison des derniers crus mitigés (J Edgar comme Invictus) voire très mauvais (Hereafter dont je peine à me remettre) qui eux ont dépassé tranquillement le million d'entrées. Ce film, tout comme Bird, n'est pas une comédie-musicale (et pourtant il adapte un show musical) mais une évocation de la vie de ses protagonistes stars tout en laissant parler la musique qui sommeille en eux. Le film prend le point de vue de faire raconter à différents moments différents membres des Four Seasons, sauf Frankie Valli qui ne le fera que dans le dénouement. Un point de vue qui n'est pas sans rappeler les récits racontés façon Scorsese type Casino et surtout Les affranchis, d'autant qu'ironie du sort il se trouve que l'un des amis des membres du groupe n'est autre qu'un tout jeunôt Joe Pesci (ceci n'est pas une vanne, d'ailleurs l'acteur Joey Russo a bien ressorti les tics de l'acteur avec sourir grinçant et le "Ok, ok..." avec mouvements de bras significatifs). D'ailleurs, il n'est pas si étonnant de retrouver ces deux influences, montrant à la fois l'ascenssion (comme dans Goodfelas), le succès des paillettes (comme dans Casino), la mafia (comme dans les deux) et la dégringolade (idem).

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Jersey Boys comprend tous les éléments de la success story de ce qu'on peut appeler un boys band qui devient une catastrophe au fil que les égos augmentent au sein du groupe jusqu'à exploser dans des affaires financières. On aurait pu prendre un boys band des années 90 cela aurait été surement la même chose, la coke en plus présent. A la différence qu'au lieu de faire systématiquement dans le misérabilisme (quoique certains passages s'avèrent assez tragiques comme la mort de la fille d'un des chanteurs), Eastwood fait souvent dans l'humour. Ainsi les passages en prison des protagonistes prêtes à rire, le premier rendez-vous de Frankie Vally est à se bidonner ("Appelle ta mère, dis lui que tu rentreras plus tard!") ou les différents passages avec Christopher Walken. Ce dernier, toujours aussi impeccable, incarne un mafieux aidant depuis leurs débuts les jeunes musiciens et il a toujours le chic pour la bonne boutade au bon moment. Par exemple alors que le groupe est sur le point de se séparer, il prend un segment minime de la conversation tout en essayant de garder un des membres: "c'est vrai que les savons sont minuscules". Dit comme cela c'est terriblement anecdotique, mais en plein élan dramatique, il parvient à faire de l'humour. Eastwood signe également de beaux numéros musicaux, le meilleur étant bien évidemment celui du générique de fin prouvant par A+B que Claude François n'a vraiment rien inventé.

Jersey Boys : Photo Christopher Walken, Vincent Piazza

Un film injustement boudé à cause de son sujet trop abstrait pour beaucoup et le meilleur film de Clint Eastwood depuis Gran Torino.

Note: 17/20


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