Titre original : Du zhan
Note:
Origine : Chine/Hong Kong
Réalisateur : Johnnie To
Distribution : Louis Koo, Honglei Sun, Huang Yi, Wallace Chung…
Genre : Action/Policier
Date de sortie : 18 juin 2014 (DTV)
Le Pitch :
Timmy Choi, dealer spécialiste dans la production de métamphétamine, voit son existence bouleversée le jour où un accident de labo coûte la vie à toute sa famille et mène à son arrestation. Menacé de peine de mort, Choi se voit contraint de travailler pour le Capitaine Zhang et son équipe en tant qu’informateur. Pendant trois prochains jours, le flic dur-à-cuire n’hésitera pas à pousser son témoin à bout afin de démanteler le réseau de trafiquants qui l’ont aidé à vendre sa came, à savoir les ouvriers infirmes qui l’ont produite, les gangsters qui l’ont distribuée, et les parrains de la pègre qui vont en tirer profit…
La Critique :
Drug War s’ouvre avec un plan sur un brouillard de pollution au-dessus de la Chine. De là, difficile de trouver une meilleure démonstration de pur cinéma comprimé en cent minutes aussi économes que le nouveau film de Johnnie To, qui s’avère être un exercice redoutablement efficace de maîtrise et de savoir-faire. To est un fou furieux incroyablement prolifique venu de Hong Kong qui récemment s’est fait un nom dans le domaine des cinéastes cultes, grâce à ses shoot-em-ups old-school à la sauce John Woo, où les flics et les gangsters assument une grandeur parfois mythique.
Son premier film produit sur le continent chinois, Drug War semble initialement vouloir répéter le même schéma sans innover grand chose, sauf que cette fois, c’est légèrement différent. Les restrictions de la censure gouvernementale interdisent tout ce qui pourrait glorifier un comportement criminel, obligeant le réalisateur à refocaliser ses énergies sur les détails et les rouages de la procédure policière. Y’a pas à dire, c’est captivant.
Sans un brin d’exposition, le film se jette pieds-joints dans l’histoire compliquée de Louis Koo dans le rôle d’un trafiquant de haut rang qui perd sa femme et sa famille dans l’explosion d’un labo de métamphétamine et qui ensuite, risque la peine de mort après s’être fait chopé. Le hargneux capitaine Zhang (Honglei Sun) fait de lui un informateur pour faciliter une opération clandestine policière remplie de double-sens et de coups montés, que le film étale avec une précision saccadée qui, pour changer, assure que le spectateur pourra suivre sans qu’on lui tienne la main.
Il n’y a pas de copines, de partenaires ou d’intrigues secondaires dans Drug War. Ici, les personnages sont définis par leurs actions. Le film est comme un instrument brut et contondant ; il semble être aussi allergique aux emmerdes que son capitaine, qui mène impassiblement la charge à travers chacune des séquences d’action et de suspense du film sans broncher ni chercher à s’attirer les affections du spectateur. Ne vous attendez pas à apprendre des choses sur la vie personnelle de cet inspecteur : il a un boulot à faire, bordel. Récemment veuf, le renégat joué par Koo n’a même pas le temps de pleurer sa femme avant au moins une demi-heure de film. Ce truc va tellement vite qu’il n’a pas le temps pour de la matière grasse au menu. En termes de récit et de narration, c’est que du muscle.
Toutes les prestations sont réservées, refusant de trahir les émotions internes des personnages. Pourtant, il y a néanmoins des indices de taquinerie derrière Zhang et sa virilité professionnelle. À différentes intervalles, il doit imiter deux chefs de la pègre radicalement différents, et Sun se défoule à mort, copiant leurs gestes de manière clownesque et exagérée. Mais To n’arrête pas de resserrer l’étau dans chaque scène, avec un placement stratégique de micros cachés et de caméras de surveillance qui étouffent notre point de vue et font monter le suspense à des niveaux presque insoutenables.
Tout explose enfin dans l’acte final, avec un gunfight qui fait parler le feu et la poudre et devrait constituer un visionnage obligatoire pour ceux parmi les réalisateurs d’action américains qui n’ont toujours pas en main les principes basiques d’espace et de géographie devant et derrière la caméra. To ne moralise pas, et il n’a pas besoin de le faire. Les conséquences choquantes du carnage et l’empilement des cadavres de victimes flinguées devant une cour d’école nous disent tout ce qu’on a besoin de savoir sur ce commerce sans issue. Ouais, les méchants auront ce qu’ils méritent à la fin, ça va sans dire. Mais ce brouillard n’est pas prêt de s’en aller.
@ Daniel Rawnsley
Crédits photos : Metropolitan FilmExport