Hubert Nyssen est un auteur que j'affectionne depuis ma lecture de Quand tu seras à Proust, la guerre sera finie. Je le retrouve en proie à ses questions sur la littérature avec pour thème dans cet opus la place de la vie dans les écrits de l'auteur. Un thème qui peut paraître banal mais qui est ici finement traité.
Le narrateur, Archie, vient de perdre sa mère. Il écrit dans cet ouvrage ce qu'il dit (ou pourrait dire) à son psy. Enfant d'une romancière à succès, Éléonore Korab, il a été abandonné enfant à ses grands-parents. Lorsqu'il retrouve sa mère vingt ans après son départ, il tente de la comprendre à travers ses livres, suivant des pistes, s'égarant dans des sous-bois, sans jamais vraiment obtenir la vérité. Notre cartographe, qui s’émerveille que la carte ne soit pas le paysage, part à la chasse aux souvenirs dans le jardin de sa mémoire et de son esprit, souhaitant donner de la matière au "paysagiste de l'âme" qu'est son psy. Mais s'il est un territoire qui l'obsède et se dérobe sans cesse, c'est bien sa mère.
Éléonore est le personnage principal de ce livre. Belle et envoûtante dans sa jeunesse, elle vit de signes, d'anniversaires et d'espérances. Plus âgée, elle gagne en mystère. Qui peut réellement savoir ce qu'elle a vécu en Allemagne ? Qu'est-ce que cette fascination pour l'Albanie ? Qu'y a-t-il de l'auteur dans ses romans ?
Étrange fascination de cet homme pour sa mère, tour à tour amoureux et jaloux, trop possessif pour être honnête. Un pouvoir qu'elle exerce sur les hommes en général mais aussi sur les femmes : Colette, la compagne d'Archie, devient l'amie la plus proche d’Éléonore.
Un roman que l'on a plaisir à lire calmement, en s'amusant des jeux d’Éléonore, mais sans vraiment vouloir la percer à jour. La métaphore de la carte et du paysage, omniprésente, est bien traitée, sans lourdeur. On pense à Voltaire évidemment, sans que jamais son nom n’apparaisse. Enfin, la langue est agréable et j'ai eu plaisir à cocher quelques passages.