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Le grand bousillage

Publié le 08 août 2014 par Lecteur34000

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« Le grand bousillage »

BRAUN Volker

(Métailié)

Volker Braun est une (très) vieille fréquentation du Lecteur. En des temps où il existait encore deux Allemagne. Volker Braun vivait alors du mauvais côté. A l’Est. En 1978, les Editeurs Français Réunis avaient publié « La vie sans contrainte de Kast », un ensemble de quatre récits et d’une histoire inachevée qui avait réjoui le jeune Lecteur d’alors. Depuis, le Lecteur qui vieillit était resté sans nouvelle(s) de l’écrivain allemand. Un écrivain qui vit donc désormais et écrit toujours dans l’Allemagne réunifiée et placée sous la maternelle tutelle de sœur Angela. Les retrouvailles ne l’ont pas déçu. Elles lui ont même donné le sentiment que Volker Braun n’avait pas tellement vieilli, qu’il était resté à la ressemblance de l’auteur de « La vie sans contrainte de Kast ».

Flick, le personnage de ce nouveau roman, est un retraité plus ou moins largué lorsque la partie Est de l’Allemagne s’est convertie, sous la houlette du chancelier Kohl, au capitalisme. Flick avait été un ouvrier modèle, au bon du socialisme et de la dictature du prolétariat. Le voilà réduit au rôle peu reluisant d’homme à tout faire. Mais comme il faut bien survivre, Flick se débrouille. Plutôt bien. Même s’il est dans l’obligation de pointer chez le Paul Emploi teuton. Même s’il s’embarrasse lors de ses multiples aventures de son petit-fils, un adolescent même pas intégrable dans la nouvelle et exemplaire société. Il y a du Don Quichotte, chez Flick, une formidable capacité à combattre les moulins, à ne jamais abdiquer dans la quête de l’impossible rêve. Voilà un roman picaresque qui détonne et surprendra ceux qui, comme le Lecteur, sont familiers d’une littérature allemande roborative.

Et puis, Il serait indécent de ne pas adresser un coup de chapeau à Jean-Paul Barbe, le traducteur. De toute évidence, Volker Braun n’a pas fait usage d’un allemand très classique. Il a joué de cette langue avec un plaisir manifeste. Il l’a malaxée, l’a pliée à ses exigences. Le résultat est passionnant.

« A ses côtés, devant lui, les cas jamais sortis de l’ordinaire, ceux qu’on ne conseillait pas, qui étaient assis là pour des prunes. Il n’était pas en bonne compagnie, rien que des gens abattus, pas francs du collier, qui venaient hypocritement à l’église, sans croire du tout au Travail. On voulait être consolé et emporter chez soi la bénédiction de l’assistanat. Flick connaissait bien ses loulous (de Poméranie ou d’ailleurs), démerdeurs aménageurs de cabanons, travailleurs au noir et carreleurs au bleu, qui voulaient gagner le ciel à leur propre guise. L’arnaque, il la sentait à dix mètres ; mais les francs du collier, de leur côté, pas désireux de chômer, s’exerçaient pour tuer le temps à la patience. Tous diplômés, qualifiés, formés, qu’on ne pouvait utiliser que si la baraque tournait. Pauvre Allemagne, pensa-t-il, et il lança sa clef anglaise sur le carrelage, avec un bruit d’explosion. Lorsqu’il la ramassa avec précaution et vérifia si elle marchait toujours, il sentit sur lui l’attention des fidèles en ce lieu rassemblés. »


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