Beauté, mon beau souci, de qui l'âme incertaineA, comme l'océan, son flux et son reflux,Pensez de vous résoudre à soulager ma peine,Ou je me vais résoudre à ne la souffrir plus. Vos yeux ont des appas que j'aime et que je prise.Et qui peuvent beaucoup dessus ma liberté:Mais pour me retenir, s'ils font cas de ma prise,Il leur faut de l'amour autant que de beauté. Quand je pense être au point que cela s'accomplisseQuelque excuse toujours en empêche l'effet;C'est la toile sans fin de la femme d'Ulysse,Dont l'ouvrage du soir au matin se défait. Madame, avisez-y, vous perdez votre gloireDe me l'avoir promis et vous rire de moi.S'il ne vous en souvient, vous manquez de mémoireEt s'il vous en souvient, vous n'avez point de foi. J'avais toujours fait compte, aimant chose si haute,De ne m'en séparer qu'avec le trépasS'il arrive autrement ce sera votre faute,De faire des serments et ne les tenir pas.
François de Malherbe, Poésies (coll. Poésie/Gallimard, 1997)
image: Giovanni Antonio Pellegrini, Vénus et Cupidon (educar.wordpress.com)