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La belle image, Arnaud Rykner

Par Laurielit @bloglaurielit

La belle image, Arnaud RyknerCe livre repose sur un échange de lettres entre l'auteur et un homme sortant tout juste de prison. Cet échange est arrivé un peu par hasard et réveille chez l'auteur ses plus profondes peurs et ses propres considérations sur sa liberté. On alterne donc entre des chapitres écrits (et très bien d'ailleurs) par l'ancien prisonnier, l'auteur lui répondant, et des chapitres avec les questionnements de l'auteur suite à ces lettres. Car il s'agit bien d'une histoire vraie. Ainsi le lecteur découvre l'univers carcéral mais surtout la difficile réinsertion dans la société de ces prisonniers, qui ont été privés de tout, privés même de la notion d'"être" et qui sont "redonnés" à la société. Mais comment se reconstruit-on une vie sociale quand on revient dans son village et que tout le monde sait que vous êtes "un ex prisonnier". A t-on vraiment purgé sa peine et le crime fait-il vraiment partie du passé? Il y a une sorte de double peine, triple peine, quadruple pleine pour cet ex prisonnier qui nous raconte son difficile (impossible?) retour à ce qu'on appelle "la vraie vie".

"Je vous parle de tout cela pour tenter de vous faire toucher chaque fois d'un peu plus près l'impasse où l'on m'a jeté. On m'a ouvert la porte de la prison, mais du mauvais côté, dans une rue sans issue, et avec une pancarte au cou, à défaut d'une marque sur le front. Et cette pancarte m'interdit de vivre aussi sûrement qu'une cellule"

J'ai été touchée par les écrits de cet ex prisonnier et son rapport à sa nouvelle vie. J'ai découvert à quel point le retour à la vraie vie était impossible, malgré la lutte, malgré les croyances, malgré la peine purgée. Notre société ne veut pas de ces gens, même s'ils ont "payé". Notre société veut comprendre, mettre dans des cases. Cet homme raconte son crime, un crime d'amour qu'il ne s'explique pas. Mais il raconte surtout son procès et comment, quand on est honnête, qu'on ne plaide pas la folie, qu'on avoue ne pas savoir pourquoi on a agi comme cela, et bien notre société ne supporte pas. Il est tout à fait conscient qu'il a mal agi, tout à fait conscient qu'il doit être puni et c'est finalement sa propre lucidité qui va le détruire moralement. Il éclaire également avec précision la deuxième peine, celle ne pas être réadmis dans son travail et de devoir, de nouveau, faire face à un jugement quand on est fonctionnaire de l'état (et même si son "crime" n'a rien à voir avec sa profession).

"Je voudrais juste vous faire comprendre, maladroitement, comme tout cela manque de sens, cette histoire de nous enfermer, de m'avoir enfermé moi, pour en faire quoi? Pour me punir? Oui, bien-sûr; mais j'étais puni déjà bien avant. Comment ne l'aurais-je pas été?"

"Mais ce que je dirai, ce que je ne peux pas ne pas dire, c'est qu'au-delà de la privation de liberté, c'est la privation de la vie même qui m'a été imposée, à moi comme à tous ceux dont j'ai partagé le sort. On peut m'enlever le droit de bouger à ma guise, d'aller et venir, de voyager, de disparaître au milieu de la foule. Peut-être est-ce juste, peut-être est-ce normal. Mais comment a-t-on pu me forcer à rester là, visible au milieu de tous, sans me donner de quoi justifier ma présence?"

Mon bémol sur ce livre va sur les chapitres de l'auteur. Ses réponses sont touchantes, vraies, sans excessive empathie et on ne peut qu'admirer l'aide qu'il a pu, à son niveau, apporter à cet ex-prisonnier. En revanche ses propres considérations sur sa vie m'ont paru déplacées dans ce contexte et je n'ai pas apprécié la tournure un peu excessive et provocante de la fin du livre.

Un beau livre sur l'univers carcéral, un livre qui questionne la justice et notre société...à méditer en tout état de cause.

Un livre découvert chez Le petit carré jaune (merci!), sa chronique ici et l'avis de Clara également


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