Présenté lors du dernier Festival de Cannes en sélection officielle, mais hors compétition, le dernier film d'André Téchiné, "L'homme que l'on aimait trop" , sorti sur nos écrans il y a tout juste un mois, a été, à ma grande surprise, très tièdement acceuilli par la critique; certains festivaliers et surtout journalistes de presse spécialisé n'hésitant pas à comparer ce long métrage à un simple téléfilm sans le moindre intérêt ni point de vue cinématographique.
Cet accueil pour le moins tiède est d'autant plus surprenant que Téchiné a toujours eu la carte avec la critique : toutes ses oeuvres, des plus anciennes ( "Hotel des amériques", "les soeurs Bronte", "Rendez vous", "Ma saison préférée") aux plus récentes ( "Les témoins", "la fille du RER") étaient toujours reçues avec plein d'éloges, à ma plus grande joie, vu que, personnellement, j'ai toujours énormément aimé le cinéma de Téchiné, ce cinéma plein de romanesque, voire de lyrisme sur des sujets au départ plus terre à terre, du quotidien parfois cruel, voire morbide.
C'est le cas de cet "homme qu'on aimait trop", qui, vous le savez déjà je pense, s'inspire des mémoires de la mère d'Agnès Le Roux, et relate la fameuse affaire Agnès Le Roux , fait divers qui n'en finit pas de défrayer la chronique encore récemment avec un nouveau procès en début d'année, dans lesquels la famille, l'amour et l'argent s'y entremêlent de façon vertigineuse, des thèmes qui correspondent parfaitement à l'univers d'André Téchiné,
L'intrigue nous entraine ainsi dans la guerre des casinos des années 70, Renée Le Roux (C. Deneuve) trônant impérialement en son Palais de Nice, Agnès Le Roux (A. Haenel) revenant d'Afrique après l'échec de son mariage, et Maurice Agnelet (G. Canet), d'abord complice de la mère, puis se retournant contre elle et s'acoquinant avec la mafia pour la faire tomber.
Nous avons vu le film, mon comparse Michel et moi, et s'il est sans doute plus enthousiaste que moi, aimant le film sans réserves (vous me connaissez, j'en ai souvent, des réserves, moi), il faut objectivement reconnaitre que le dernier Téchiné ne méritait pas une telle frilosité dans son acceuil : scénario intelligent et particulièrement soigné, mise en scène élégante, acteurs sont bien utilisé et convaincants, avec même un souvent inégal Guillaume Canet qui joue ici très bien - presque tout le temps, nous y reviendrons à la fin de l'article- la froide séduction ,la distance , et très réaliste dans un rôle plutôt ingrat sur le papier.
En effet, contrairement à ce que je pensais en lisant les comptes rendus de journaux du fait divers, on s'aperçoit en voyant le film ,que Maurice Agnelet n’avait pas forcément un grand charisme, et c'est cela qui peut un peu dérouter, mais c’était un séducteur pathologique qui s’est fait prendre au piège de la personnalité border-line d’Agnès Leroux, interprétée par une maestria confondante par la décidément géniale Adèle Haennel (dont je vous reparle très vite dans ma prochaine chronique des "Combattants", vous savez ce film génial dont je fais actuellement gagner des places).
C'est vraiment ce qui intéresse le plus Téchiné dans cette intrigue, à savoir comment Agnelet va réussir à séduire insidieusement Agnès Le Roux au point de la détenir comme une proie qui lui permettra de mieux vaincre la mère, du coup, le reste du fait divers et notamment cette histoire de guerre des casinos et de mafieux corses étant traitée plus superficiellement et captive bien moins.
C'est évidemment le trio angulaire de cette relation qui intéresse Téchiné : Agnès/Renée/Agnès/Maurice., et.grâce aux prouesses conjuguées de Guillaume Canet, de Catherine Deneuve et d'Adèle Haenel., Téchiné a le mérite de donner un autre éclairage sur cette affaire, qu'on ne ressentait pas dans les journaux et, sans juger moralement ses personnages, parvient à rendre palpable le mystère d'une passion qui se sait voué à l'échec mais dont il s'avère finalement impossible de s'en défaire.
Téchiné opte pour une caméra qui insiste souvent sur les expressions du visage, et , tandis que celui de Maurice- "Guillaume" Agnelet reste opaque et sybillin, on voit l'ambivalence dans celui d'Agnès- "Adèle"- Le Roux tantôt plein de passion tant plein d'angoisse et de névrose.
Le seul gros point faible de ce film est, même si tout le monde l'a déjà dit dit ( les détracteurs du film s'acharnant encore plus sur cette partie là et même Michel le reconnait à mots couverts) est incontestablement la dernière demi heure. On y voit en effet les protagonistes, trente ans après la disparition d'Agnès Le Roux, convoqués au tribunal pour le jugement de l'affaire. J'avoue ne pas trop comprendre comment Téchiné a pu tomber dans cette manie récurrente du cinéma français de faire vieillir les acteurs en s'aidant d'un maquillage outrancier et, en l'occurence, Guillaume Canet, dont j'ai chanté les louanges au début car il est effectivement convaincant dans les 3/4 du film, semble tout figé dans cet acoutrement ridicule qui le fait ressembler à un Christophe Lambert apte à figurer au Musée Grévin!!
Et si toutes ces scènes sont inutiles et bâclées et n'ajoutent absolument rien d'intéressant au film, celui ci, malgré ce petit point noir, mérite largement, vous l'aurez compris, notre réhabilitation (et même si jamais j'aurais l'outrecuidance de penser le contraire, j'aurais Michel qui la voudrait largement pour deux, cette fameuse réhabilitation)!!
'L'homme qu'on aimait trop' avec Guillaume Canet