A la confrérie des cinéastes contemporains les plus talentueux, le turc Nuri Bilge Ceylan mérite sa place haut la main. Plusieurs fois récompensé à Cannes, ce génie de l’image sortait ce 6 août sa dernière toile, Winter Sleep, justement palmé d’or en mai dernier, sur la Croisette. Avant de vous proposer une critique détaillée de cette oeuvre, jetons un coup d’œil dans le rétroviseur, et arrêtons-nous sur son quatrième long, Les climats.
Lorsque le film sort en 2007, Nuri Bilge Ceylan s’était déjà imposé grâce à ses précédents films, notamment Uzak, lui aussi récompensé à Cannes par un grand prix du jury. Les climats, son quatrième long métrage, se présente comme une œuvre plus personnelle, mais aussi peut être plus accessible. Tandis qu’Uzak poussait l’épure à l’extrême, rendant le film particulièrement austère bien que non sans charme, Les climats, bien qu’étant également "un film d’auteur" avec tout ce que cela peut induire (lenteur, rythme contemplatif, travail d’interprétation du spectateur) semble déjà chercher un public plus large. Loin de nous appesantir dans d’hasardeuses références, l’oeuvre se rapproche un peu du cinéma d’Antonioni, même si Ceylan sait s’en distancier de façon singulière.
Les climats pénètre au plus profond des bouleversements émotionnels et identitaires liés à une rupture amoureuse. Il en propose une autopsie minutieuse et sensible, en disséquant les différents climats d’une crise conjugale. Les deux acteurs principaux (le réalisateur lui-même, et sa propre femme) se quittent, se retrouvent, et se perdent dans leur cyclone sentimental. Et c’est avec un sens du récit et du rythme tout à fait virtuose, Ceylan induit en nous une totale empathie pour chacun des deux personnages.
Les climats ne prend une dimension merveilleuse qu’à condition de bien vouloir se laisser bercer par la mise en scène prodigieuse du cinéaste turc , et d’accepter de chercher les clés, les réponses aux interrogations soulevées par l’oeuvre, parfois brute. Le travail de direction d’acteur est ici fascinant, d’autant que presque tous les comédiens ne sont pas professionnels, et Ceylan, anciennement photographe, se sert de son "expérience picturale", son sens du cadre, de la lumière et de la composition, pour mettre en valeur ses protagonistes, ce qui fait de lui un des plus grands faiseurs d’images du cinéma actuel.