Exposé pour la première fois en 1994 par Hélène Trintignan à Montpellier, Robert Combas a depuis largement conquis la scène artistique française et internationale : d’abord figure majeure de la Figuration Libre, il est finalement reconnu pour la qualité d’une œuvre autonome et autodidacte, même dans les heures incertaines de la figuration. Aujourd’hui, 20 ans plus tard, c’est Numa Hambursin, le fils de Mme Trintignan, qui remet l’œuvre de l’artiste en lumière, dans une double exposition unique et monumentale.
"Kijno-Combas, le chemin de Croix", travail à quatre mains peint entre 2003 et 2005, présente les 14 stations du Christ, illustrées par Ladislas Kijno et Robert Combas. Kijno, figure tutélaire de l’abstraction d’Après-Guerre, est un iconoclaste, un artiste qui invite à piétiner ses toiles, quand il ne les brûle pas lui-même. Combas l’admire. Et leur collaboration que nous trouvons si surprenante aboutit finalement à un duo qui se complète et s’engage dans une même voie. L’image est salie, le Christ en route vers sa Croix affiche déjà un visage froissé et déconstruit.
Dans un style naïf, coloré et matiéré, Kijno puis Combas conçoivent des formes cernées dans leur déséquilibre, et qui semblent s’étendre bien au-delà du cadre de la toile, souillée de giclures colorées. Créateurs polymorphes, mais créateurs d’images surtout, les deux artistes ont vu dans ce chemin de Croix une occasion d’unir des oeuvres que certains considèrent comme contradictoires. Kijno élabore sa forme sombre et l’appose sur la toile. Dans les réserves laissées, et à partir de ces premières images, Combas dépose un Christ et des personnages. Sans idée préconçue, le travail relève de l’appropriation. La prise de risque produit un résultat percutant. Une oeuvre et une démarche à la hauteur de l’efficacité visuelle de cette monumentale fresque.
Kjino/Combas, XIVe Station
"Robert Combas, la Mélancolie à ressorts" relève elle d’un défi lancé à Combas cette année : occuper le lieu d’exposition du Carré Saint-Anne, ancienne église "reconvertie" et consacrée à la promotion de l’art contemporain. L’espace est haut, long, large, monumental : difficile à occuper, sachant la charge sacrée dont est porteur un ancien lieu de culte, vidé et pourtant conservé avec fidélité. Mais Combas, fort de son expérience de peintre du sacré désacralisé, s’est approprié sa mission avec brio. Aux murs, des toiles, tendues sur châssis ou simplement suspendues. Dessus, des impressions numériques de dessins magnifiés pour être retravaillés, cernés à nouveau de cette ligne noire si évocatrice de l’art du vitrail chez Combas.
Il a cependant renoncé à la couleur à cette occasion, pour un travail d’autant plus graphique qu’il juxtapose travail nuancé en valeurs et travail au trait spontané. Des accidents colorés – taches, coups de pinceaux, cernés comme toujours – salissent ces images. Les couches de superposent, quelle image doit-on regarder ? La reproduction ? La ligne peinte avec assurance ? Le tout, taché et sali de façon assumée ? La lecture de l’image est plus complexe qu’elle n’y parait, mais produit un effet visuel impactant, fort, et à su – pour ma part – complètement me séduire. Au mur, un papier peint conçu par Combas pour l’occasion, sur lequel se multiplient des photographies de pinceaux crucifiés, dont les originaux ornent un mur tout entier.
Au centre de la pièce, un sculpture gigantesque, griffonnée de pieds en tête, porte un bateau sur la tête, et observe l’attitude béate des spectateurs, déambulant dans une attitude monacale. Des textes de l’auteur, des propositions absurdes à la manière de cadavres exquis, désorientent la lecture des oeuvres, et par leur caractère irrationnel, ne nous permettent en rien de déceler les secret de la création de cet artiste que beaucoup aime à penser comme "magique". Peintre avant tout, Combas n’a surtout rien laissé au hasard et a su prendre en compte l’espace d’exposition pour une proposition véritablement in situ, épurée de tout concept complexe. Son œuvre et sa démarche préservent toute leur cohérence. Le moment est fort, et l’œuvre, riche.
Chemin de croix Combas/Kijno – station XIII Jésus est déposé de la croix et remis à sa mère – 195×130 2003-2005
Cet évènement, s’il met en lumière le caractère très original et personnel de l’œuvre de Combas, permet avant tout de renouer avec sa volonté première : une création plus simple, plus directe, pour tous.
Graphique avant tout, figuratif à plein temps, spontané en tous les cas, Robert Combas sait, à coup sûr, atteindre son public : formats ambitieux, couleurs saturées, traits affirmés dans leur maladresse ou leur géométrie. Thèmes contemporains ou classiques, propos mystique ou terre-à-terre, le "rock’n’roll" dicte ses règles au peintre, pour faire de ses images des icônes ambigües, sacrées et iconoclastes. L’histoire de l’image, aussi longue et lourde soit-elle, ne fait pas peur à cet homme perçu parfois comme un provocateur, parfois comme un chamane.
Robert Combas, la Mélancolie à ressorts
Jusqu’au 21 septembre 2014Le Carré Sainte-Anne 2, Rue Philippy 34000 Montpellier Téléphone : 04 67 60 82 11 (accueil) – 04 67 34 88 80 (admin.) E-mail : [email protected]
Kjino/Combas, le Chemin de Croix
Jusqu’au 7 septembre, Espace Dominique Bagouet
Classé dans:Expos, Sorties Tagged: carré sainte anne, chemin de croix, combas, kjino, la mélancolie à ressorts, montpellier, robert combas