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André Balthazar, l'esprit Bul ne meurt jamais

Par Pmalgachie @pmalgachie
Cher André, André Balthazar, l'esprit Bul ne meurt jamais Tu viens de nous faire ta plus mauvaise blague, toi qui aimais rire et avec qui j'ai aimé rire souvent. J'ai le souvenir très précis d'une sortie de restaurant, après une soirée littéraire montoise, où nos vessies trop pleines nous avaient donné l'idée saugrenue, à moins qu'elle ait été engendrée par les boissons alcoolisées, d'une activité de gamins. Dans une rue en forte pente, ce n'était peut-être pas une initiative du meilleur goût. Mais tu étais un gamin, à ta manière sérieuse, puisque les gamins jouent comme si c'était la chose la plus importante du monde. Et il n'y avait rien d'aussi fondamental, dans le paysage littéraire de Belgique et au-delà, que l'esprit qui soufflait dans tes textes ou dans les publications du Daily-Bul. Dignes successeurs des surréalistes du Hainaut, vous aviez (oui, vous, parce qu'il y avait aussi quelque chose de collectif au Daily-Bul, et je n'oublie pas Jacqueline, bien sûr) l'esprit frondeur - il restera, ne serait-ce que par le nom de la rue, rebaptisée d'après celui de la maison d'édition. Puisque tu es mort hier, à 80 ans (pourquoi n'as-tu pas attendu 90? 100?), je veux ici dire à ceux qui sont encore vivants combien je t'appréciais, à quel point je t'aimais. Et reprendre, pour l'occasion (oui, il ne faut jamais en manquer une), un article d'il y a presque vingt ans. André Balthazar, l'esprit Bul ne meurt jamais Quarante ans [lire, donc: soixante ans] après la naissance des éditions de Montbliart, qui furent à l'origine, un peu plus tard, de celles du Daily-Bul, la maison se porte bien, toujours secouée à intervalles irréguliers par des coups de folie et de grands éclats de rire, sous la houlette bienveillante d'André Balthazar et de Pol Bury. Les idées s'y concrétisent sous forme de livres, et l'aventure continue son petit bonhomme de chemin, accompagnée de lecteurs fidèles et de créateurs qui ne le sont pas moins. Six cents auteurs et plasticiens apparaissent dans un catalogue riche de trois cent cinquante volumes dont, rançon du succès, certains sont épuisés - et il arrive même de réimprimer, comme c'est le cas pour La courte échelle et autres scénarios, d'Henri Storck. Une collection encore jeune, «Babil», retient l'attention. Cinq titres, pour l'instant, dont trois sont sortis récemment de presse: Cantiques polychromes, de Marcel Piqueray, illustré par Pierre Alechinsky, Supplément à l'histoire naturelle de Monsieur de Buffon, de Jean Cortot, «orné de vingt portraits de plantes, d'animaux et d'humains» par Jean Clerté, et Elle, d'André Balthazar, illustré par Antonio Segui (faisant pendant à Il, du même auteur, paru plus tôt). André Balthazar rêve de retrouver une forme d'édition proche de celle des «Poquettes volantes», cette collection désormais historique dans laquelle de tout petits livres permettaient aux auteurs de s'ébattre très librement. Il se souvient, mais sans nostalgie, «du temps où la pauvreté des moyens dont nous disposions nous obligeait à inventer. Nous avons utilisé du papier de rebut, nous avons fait des livres à la main... À l'époque, la photocopieuse n'existait pas, et c'était une chance!» Si la nostalgie n'est pas de mise, c'est que l'amitié est toujours vive entre ceux qui ont créé et tenu, à bout de bras (avec aussi l'aide très active de Jacqueline Balthazar, qui n'aime pas les projecteurs mais abat un travail d'une incroyable efficacité), cette petite maison d'édition dans laquelle tout fonctionne grâce à des rencontres, des contacts. Ce qu'on appellerait un réseau de relations si l'on ne craignait la connotation péjorative de l'expression, réseau qui, de toute manière, ne se limite pas aux plus proches mais s'étend sur la planète entière. Ainsi, dans le catalogue, tous les continents sont représentés - «sauf l'Océanie», précise avec modestie André Balthazar, qui ajoute cependant: «Mais Paul-Émile Victor nous écrivait pour avoir des nouvelles de la maison.» Une seule crainte habite André Balthazar: «Ce qu'il faut surveiller, dit-il, c'est l'esprit de sérieux. » Le risque paraît bien mince...

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