
Adrià commence ainsi son récit : enfant unique et mal aimé de parents qui projettent en lui leurs rêves d'excellence, il parle plusieurs langues et joue du violon. Il a pour amis le shérif Cardon et l'arapaho Aigle-Noir. Puis Bernat, violoniste comme lui. Adrià grandit au milieu d'objets anciens voire antiques (manuscrits, mobiliers, instruments de musique) que son père vend. Solitaire et érudit, ce jeune garçon développe un amour fou pour les livres, les langues et la musique.
Cette histoire, Jaume Cabré nous la conte avec virtuosité et sinuosités. Tout sauf linéaire, ce roman est une merveille de narration. Jouant sur les personnages et les lieux, le narrateur passe d'une époque à l'autre dans le même paragraphe, voire dans la même phrase. Il oscille entre un regard autobiographique sur sa vie et un regard plus distant. Est-il personnage ou auteur ? Cela dépendra de la phrase. Et les strates de la mémoire, les associations d'idées, se lisent comme un bouillonnement ininterrompu de moments vécus, imaginés, souhaités. Le labyrinthe de la pensée et de la vie reflété par l'écriture... Borges n'est pas loin ! Par ailleurs, Adrià interroge son lecteur tout au long de sa lecture sur deux thèmes passionnants : le mal et l'art. Le mal fait par l'homme, qui précède la confession. Le mal qui est parfois si atroce qu'il ne peut être pardonné. Le mal des camps d'extermination, le mal des dictatures, le mal des dénonciateurs, des complices, des menteurs... C'est le thème qui habite et imbibe tout le roman, qui se confond avec lui. Ce n'est pas innocent que les mémoires d'Adrià soient écrites au dos des réflexions pour un ouvrage sur le problème du mal. Il est aussi question de l'art sous toutes ses formes. La littérature dont Confiteor est un magnifique exemple, mais aussi la musique, le dessin et la peinture. Cet art comme une réponse au mal, une forme de salvation, qui ennoblit l'homme. Un livre dense et puissant, que j'ai déjà envie de relire à peine la dernière page tournée. Retrouvez ici l'avis de Noukette !