Molesini Andrea
288 pages
Éditions Calmann-Levy (2014)
Collection Littérature étrangère
Pietro a dix ans. Orphelin rêveur et débrouillard, il possède son univers et son langage à lui, à la fois cocasses et surréalistes. Ainsi quand il quitte précipitamment, au printemps 1945, le couvent de Saint-François-du-Désert, c’est pour fuir les « hommes d’A-H », autrement dit les Allemands. Avec lui, un petit groupe hétéroclite : Dario, son meilleur ami taiseux mais fort en maths, qui s’il a les oreilles décollées n’a pas pour autant tué Jésus ; deux vieilles dames juives, les soeurs Maurizia et Ada Jesi ; et puis Elvira, une jeune religieuse, aussi suspecte que belle, qui tient un journal et dont le récit alterne avec celui de Pietro.Extrait :
Traqués par les nazis, ils reçoivent l’aide d’un pêcheur « qui vit comme une mouette » et d’un frère énergique « aux silences qu’on écoute ». Ils sont rejoints par un déserteur allemand, dont le secret affectera de manière tragique le destin collectif.
Sous des lunes immenses, au cœur de forêts noires et de fermes en ruines, leur folle équipée les conduira au-devant de partisans et fascistes désorientés, alors que la guerre touche à sa fin : si les hommes et les lieux sont chargés de défiance et de terreur, une lueur de bonté réussit, de temps en temps, à percer les ténèbres.
« Je sais que la mort est faite de fruits froids entre les murs des maisons quand il pleut de la pluie. Des fruits froids comme des yeux de chat. Des fruits dans les buissons noirs aux feuilles brillantes de pluie, même quand la lune repart en emportant son bruit. »
« Je m'en fiche,moi, que Toto achète dix œufs avec l'argent de sa mémé, qu'il en fait tomber un par terre, que le loup en mange un autre, que trois atterrissent on se demande comment dans le ventre du Petit Chaperon rouge, qui est franchement cruche de pas comprendre que le loup qui vient de dévorer sa grand-mère veut la manger elle aussi. D'ailleurs pourquoi on s'occupe du nombre d’œufs intacts que Toto réussit à rapporter chez lui si le loup le boulotte avant. »
Mon avis :
La fin de la guerre approche. Courant 1945 se cachent au sein d'une église deux enfants et des femmes juives. Dénoncés, ils vont être obligés de fuir par la mer pour ne pas de faire tuer par les Allemands. Commence pour le petit groupe un long périple en bateau puis sur la terre ferme entre l'inquiétude d'être découvert et des interrogations sur les causes de cette guerre. On découvre le récit de Pietro, un jeune garçon d'une dizaine d'années dont l'esprit s'émerveille de petites choses, qui tente de comprendre la nature humaine mais surtout ce qui pousse les adultes à agir de telle ou telle façon avec son regard d'enfant. Quelques lettres d'une jeune femme viennent étayer sa narration : Elvira se cache sous les habits d'une religieuse pour ne pas être découverte. Alors que des Allemands tentent de la violer, elle se défend et les tue. C'est dans la paroisse qu'elle décide de se cacher pour ne pas subir le même sort. Le récit alterne les deux points de vue. Mais celui de Pietro est plus poétique : il perçoit les choses de façon imagée et laisse son esprit vagabonder jusqu'à donner l'impression de se trouver dans un univers irréel, presque fantastique. Pour faire face à ce qu'il voit pendant son périple, il va jusqu'à s'inventer un animal imaginaire, son protecteur, qui va l'aider plus d'une fois à surmonter ses peurs. A côté, les lettres d'Elvira permettent de revenir à la réalité de ce que vit le groupe d'échappés ; elle harponne le récit dans le présent. Un joli texte sensible sur une époque noire de l'histoire.
Le Printemps du loup