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Sophie Divry : La condition pavillonnaire

Par Stephanie Tranchant @plaisir_de_lire

La condition pavillonnaire  de Sophie Divry  3,5/5 (19-08-2014)

La condition pavillonnaire (272 pages) est paru le 21 août 2014 aux Editions Noir Sur Blanc dans la collection Notabilia.

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L’histoire (éditeur) :

La condition pavillonnaire nous plonge dans la vie parfaite de M.-A., avec son mari et ses enfants, sa petite maison. Tout va bien et, cependant, il lui manque quelque chose. L’insatisfaction la ronge, la pousse à multiplier les exutoires : l’adultère, l’humanitaire, le yoga, ou quelques autres loisirs proposés par notre société, tous vite abandonnés. Le temps passe, rien ne change dans le ciel bleu du confort. L’héroïne est une velléitaire, une inassouvie, une Bovary… Mais pouvons-nous trouver jamais ce qui nous comble ? Un romand profond, moderne, sensible et ironique sur la condition féminine, la condition humaine.

Mon avis :

Déjà nominé pour la 13ème année du prix du Roman Fnac (Julie Bonnie avec son Chambre 2 était la lauréate su prix en 2013), et pour la 2ème édition du Prix littéraire du "Monde",  La Condition pavillonnaire est le troisième roman de Sophie Divry. Dans ce dernier roman, elle choisit de nous raconter l’histoire de M.A., une Emma Bovary des temps modernes, de sa toute jeune enfance dans le village de Terneyre jusqu’à sa mort, bien plus tard. M.A. a bien vécu. Des études en ville, une collocation avec sa grande amie Chloé, la rencontre de François en 1974, un diplôme, un travail, leur premier appartement, un mariage, l’acquisition d’un pavillon, des enfants...Une vie réussie en somme. Une vie presque parfaite aux yeux de nombreuses personnes, mais une vie faite de lassitude et  d’engourdissement pour M.A. qui a beau avoir tout ce qu’elle  souhaite (nouveau téléviseur, automobile, travail, un, deux, trois enfants beaux et en bonne santé, un mari peu surprenant mais aimant…bref, le confort des classes moyenne et le bonheur d’une vie de famille comblée), elle n’est jamais satisfaite sur la durée et une tristesse tenace revient sans cesse, tout comme l’étouffement permanant qui la prenait alors adolescente, nourrissant des fantasmes de liberté et un grand besoin de fuir.

Elle trouvera des échappatoires (qui se présenteront à elle). D’abord avec Philippe, un collègue de travail avec qui elle vivra une relation torride, voire ultra excitante. Puis, l’échec venu, ça sera l’humanitaire, l’acuponcture, la thérapie (sensée soigner sa dépression chronique), la retraite, la poésie…

La condition pavillonnaire est une suite de détails du quotidien, plutôt ordinaire, de cette M.A. Ecrit à la deuxième personne, le TU mène la danse et entraîne le lecteur dans cette vie qui ne présente pas grand-chose de passionnant, mais qui ressemble pourtant à la vie dont beaucoup s’accommodent et estiment même. Une vie simple et à la hauteur de beaucoup d’attentes. Sauf que l’identification ne marche pas totalement, car M.A.  est perpétuellement insatisfaite. Alors  oui, on s’y retrouve mais moins dans ce désir de perfection, d’idéal, de grands aventures et sentiments qui habitent l’héroïne.

Sophie Divry réussit un roman impressionnant. Elle dissèque minutieusement une vie banale sans faire tomber dans l’ennui (contrairement à M.A.). Certains passages se révèlent même intense. La relation avec Philippe casse la routine, cette routine faites de tâches ménagères répétitives et suffisamment nombreuses pour palier l’abattement et tromper la mélancolie (seulement pour un temps). Cette relation va même rompre le rythme de lecture devenant un peu monotone.

L’auteure arrive donc implacablement à transporter la monotonie qui gagne perpétuellement M.A.. Entre liberté et confort, faut-il choisir ? M. A. a besoin des deux pour être comblée et trouvera quelques exutoires pour arriver à satisfaire cela. Trouvera-t-elle alors la paix intérieure et l’épanouissement tant recherchés ?

« Tu étais donc condamnée à cela, toi, à tout jamais leur mère. Alors tu compris que les profondes plaques où s’appuyait ton existence, celles qui s’étaient mises en mouvement après tes dix-sept ans, s’étaient arrêtées à une certaine place pour te laisser ici, dans cette maison d’Empan-sur-Nivre, avec un  mari et deux enfants ; et qu’il serait à l’avenir beaucoup plus difficile de bouleverser cet ordre.  Plus jamais sans toute une logistique, il n’y aurait ces matinée égoïstes et calmes, quand tu pouvais juste prendre un café et rêver à ton samedi soir, à ce que tu allais t’acheter avec ta dernière paie, plus jamais, à cause de ces enfants sortis de tes entrailles pour suçoter du lait sur cette table, tu ne pourrais ne penser qu’à toi.

Alors les attentes indéterminées de l’enfance te reprirent.

Dès le mois de janvier tu réservais l’appartement à Cassis ou à La Ciotat, tu te demandais si tu n’allais pas faire un stage de jardinage ou repeindre le couloir dans les tons plus foncés. Tu te cherchais un but, même petit, même stupide, quelque chose qui serait comme une balise pour animer ce calendrier, un mot au feutre noir, qui marquerait un avant et un après. Ta soif se nourrissait même de petits accidents. On t’appelait de la crèche, Nathalie était tombée ; la visite chez le médecin ; ton cœur battant plus fort, le diagnostic rendu, « Rien de grave madame ». Tu rentrais à la maison, sa petite face pâle, tu allais te coucher, au repas du soir tu racontais l’évènement à François. Il t’écoutait les yeux vifs. Cette semaine se surélèverait, ce serait la semaine où Nathalie était tombée à la crèche. Même les choses désagréables sont bonnes à prendre pour éloigner le vide. » Page 122-123

Même si l’identification n’était pas spécialement facile (pour ma part en tout cas, car d’autres s’y retrouveront sans doute plus aisément), La condition pavillonnaire reste très parlant. J’avais également trouvé le roman de Gustave Flaubert fascinant, bien que parfois un peu chiant (passionnant n’est du coup pas le terme adéquat). Ici, moins de 300 pages pour une vie, c’est peu et c’est aussi ce qui permet de ne pas se lasser. Tout autant que le style de l'auteure avec l’utilisation du Tu (surprenant au début mais très bien utilisé), et par quelques coupures dans le récit pour de longues descriptions d’une avancée telle que l’auto, le centre commercial, la machine à laver ou du petit café Nespresso, des démonstrations d’une grande précision, proches de la réalité et un poil cynique, étonnantes peintures du progrès et de la réussite (au même titre que le pavillon). 

En bref : un roman qui ne m’emballait que moyennement aux premières pages mais qui a su me charmer et même me séduire.  

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