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Il y a 70 ans… la libération de Paris !

Publié le 28 août 2014 par Vindex @BloggActualite

Il y a 70 ans… la libération de Paris !-De Gaulle défile sur les Champs Elysées le 26 août 1944-
« Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! ». Qui d’entre nous n’a jamais entendu, au moins une fois dans sa vie, ces quelques mots prononcés par Charles de Gaulle, lors de la libération de la capitale française du joug de l’occupant allemand ? Entre le 24 août et le 26 août 1944, Paris et les Parisiens voient enfin le terme de quatre années d’Occupation. Paris est enfin libre, c’est tout un symbole, et De Gaulle le sait pertinemment ! Lui aussi est dans la place, bien décidé à s’y maintenir pour tenter une restauration de l’Etat. Mais revenons à présent sur les quelques jours qui ont précédé la libération de Paris : que s’est-il passé ? De plus, il convient de s’interroger sur la façon dont les Alliés sont parvenus à libérer, si rapidement et sans trop de difficultés, un symbole si important tenu depuis le début de la guerre par les Allemands. Que s’est-il réellement passé durant les grandes journées décisives des 24, 25 et 26 août 1944 ? L’actualité nous invite plus que jamais à faire mémoire de ces heures, à la fois glorieuses et sombres, de notre Histoire de France. Visitons-les à nouveau, et tentons de comprendre…  
ETE 1944 : UN VENT DE LIBERATION SOUFFLE SUR LA FRANCEA partir du printemps 1944, le territoire français redevient un champ d’affrontements. Les Alliés intensifient les bombardements des cibles stratégiques afin de préparer au mieux l’opération Overlord[1], décidée par Roosevelt et Churchill depuis mai 1943. Centres industriels, gares, ponts, terrains d’aviation, routes, etc. font l’objet d’un pilonnage systématique, des Flandres à la Bretagne, le lieu de débarquement étant tenu secret par les forces alliées. Le 6 juin 1944, le « Jour J », une armada de 4 200 bateaux de transport, appuyés par 720 navires de guerre, débarque 5 divisions alliées sur un front de côte de 90 km, entre Caen et le Cotentin. La résistance immédiate des Allemands est d’autant plus limitée que ces derniers ne s’attendaient pas du tout à ce que les Alliés débarquent en Normandie. Malgré des pertes énormes, les troupes alliées parviennent donc à s’imposer et, au début du mois de juillet 1944, c’est plus d’un million d’hommes qui ont débarqué sur le sol français. Les Allemands continuent la lutte de manière vigoureuse et, si certaines villes françaises sont rapidement libérées (Bayeux ou Cherbourg par exemple), d’autres, comme Caen, doivent attendre la mi-juillet pour se voir débarrassées du joug de l’Occupant. L’opération Overlord a réussi et, l’avancée des Alliés est d’autant plus rapide qu’ils sont soutenus par une aviation performante et efficace. Du 25 au 30 juillet, les Américains parviennent à percer le front vers Avranches. Le front gauche allemand est enfoncé, ouvert de Saint-Lô à la baie du Mont-Saint-Michel. Cette rupture de front profite aux Alliés qui vont s’y engouffrer afin d’investir la Bretagne et l’Ouest de la France jusqu’à la Seine et la Loire. Patton se fait d’ailleurs remarquer par sa fougue. Depuis avril 1944, la célèbre 2èmeDB du général Leclerc attendait en Grande-Bretagne. Leclerc trépigne d’impatience, car De Gaulle l’a chargé d’une mission : des Français, en l’occurrence les siens, doivent par eux-mêmes libérer Paris. Soulagement pour Leclerc, car le 16 juillet, sa division est déclarée « en partance ». Le 31 juillet, la 2ème DB embarque et le 1er août, au matin, la terre de France est en vue. Leclerc est à la tête de 16 000 hommes et de 5 000 véhicules destinés à s’intégrer à la IIIème armée américaine, celle de Patton. Regrouper une telle masse d’hommes nécessite plusieurs jours. Le 6 août, la division gagne Avranches, où les Allemands lancent une contre-offensive sur l’axe Avranches-Mortain, avant de se replier une semaine plus tard : la plus grande partie de la VIIème armée allemande est alors encerclée et détruite, sauf quelques unités qui parviennent à gagner la Seine. Durant cette contre-offensive allemande, la 2ème DB de Leclerc a été affectée plus au Nord de la zone de combats, afin de fermer la poche de Falaise où s’agglutinaient les Vème et VIIème armées allemandes. Pour une cavalerie blindée comme celle de la 2ème DB, les obstacles naturels sont alors redoutables : haies et talus de bocage obligent Leclerc à fondre sur la résistance ennemie et à la culbuter. C’est ainsi que les soldats de la 2ème DB entrent dans Alençon, débordent la forêt d’Ecouves par Sées et Carouges avant d’être stoppés, sur ordre, devant Argentan. Leclerc et ces hommes piétinent. Pendant ce temps, la IIIème armée de Patton se dirige vers la Seine et, très vite, Paris est débordé en amont et en aval du fleuve. Eisenhower, commandant en chef des troupes alliées, n’a pas pour projet immédiat de libérer la capitale française : il craint une coûteuse bataille de rues comme à Stalingrad ou à Varsovie ; il mesure la charge en ravitaillement d’une ville si grande (environ 4 000 tonnes par jour) ; il ne souhaite pas s’immiscer dans les affaires politiques françaises et notamment, donner l’impression de cautionner De Gaulle, ce qui arriverait forcément si Paris, tout un symbole, était libéré. Eisenhower a donc pour objectif de contourner la capitale et de l’envelopper largement, obligeant ainsi la ville à tomber par elle-même.Or les Français, à commencer par De Gaulle lui-même et les Parisiens, vont contrarier les plans du chef américain. De Gaulle est inquiet : son gouvernement n’est pas encore reconnu officiellement par les Alliés et, il craint des manœuvres dilatoires pour l’écarter au profit d’une solution « intermédiaire ». Surtout, le général redoute une grande percée communiste, les communistes ayant joués un grand rôle dans la Résistance. De Gaulle est donc convaincu qu’il faut libérer Paris le plus tôt possible, afin qu’il puisse y entrer personnellement et établir officiellement son gouvernement, le GPRF (Gouvernement Provisoire de la République Française). Mais, il ne souhaite pas apparaître dans une capitale libérée par des étrangers, tels les Bourbons lors de la Restauration au début du XIXème siècle, mais par des Français, d’où la mission qu’il a confié à Leclerc et à ses hommes. Quant aux Parisiens, ils savent que les armées alliées se rapprochent au fil des jours : l’heure de la libération va bientôt sonner ! La tension monte de plus en plus, amplifiée par le spectacle de la Wehrmacht qui s’agite de façon inhabituelle. Paris bouillonne… mais les Parisiens vivent dans des conditions peu confortables : plusieurs heures par jour, la capitale est privée d’eau, de gaz, d’électricité. Tous les grands services publics (chemins de fer, poste, transports urbains) se mettent en grève entre le 10 et le 15 août. Même les gardiens de la paix suivent le mouvement d’agitation populaire et, le 15 août, ils sont aussi en grève générale. Les Allemands ont bien conscience du danger imminent que représentent l’avance alliée et l’agitation parisienne. En toute hâte, ils se préparent à faire face : le général Dietrich von Choltitz, commandant du Gross Paris, organise notamment un grand défilé militaire, véritable démonstration de force, dans l’espoir d’impressionner les Parisiens. Afin de contrer la menace extérieure, il constitue avec 10 000 hommes une ligne de défense qui, à l’Ouest de la capitale, relie, sur une centaine de kilomètres la Seine à la Marne par Poissy, Saint-Germain, Versailles, etc. En outre, von Choltitz transforme l’intérieur de la ville en véritable camp retranché. Toutes ces mesures s’inscrivent dans le cadre des directives données par Hitler lui-même au patron du Gross Paris : « Vous écraserez toutes tentatives de révolte de la population civile, vous réprimerez sans pitié tout acte de terrorisme, tout sabotage contre les forces armées. ». Mais jusqu’où von Choltitz est-il décidé à appliquer ces ordres ? Soldat courageux, militaire de tradition, il sert fidèlement le IIIème Reich bien qu’étant non-nazi. Or, ces derniers temps, il semble que l’Allemagne qu’il aime lui est brutalement apparue dans un piteux état, entre les mains d’un « démiurge paranoïaque et forcené ». De plus, cet ancien commandant d’un corps d’armée en Normandie se rend bien compte que la victoire finale n’est plus au rendez-vous, et que son pays va sans doute bientôt perdre la guerre. Toutes ces interrogations vont peut-être constituer la base du comportement prochain du commandant du Gross Paris.
LA CAPITALE S’INSURGE, PRELUDE D’UNE LIBERATION A VENIR…Le 15 août 1944, Hitler donne l’autorisation d’évacuer les états-majors, les services non combattants, y compris ceux de la Gestapo. Les Allemands entreprennent alors de brûler toutes leurs archives : de la kommandantur aux bâtiments occupés, partout dans Paris, on voit monter au ciel de voluptueuses fumées noires. Quant aux hommes de Vichy qui collaborent avec les nazis, ils se font rares. Dans la capitale, la Résistance commence à distribuer des armes aux Parisiens, et très vite, elle se divise en différents groupes qui discutent sur l’attitude à adopter dans les prochains jours. Les communistes veulent agir vite, tandis que les non-communistes sont plus modérés. La Résistance gaulliste, elle, est également plus modérée. Elle connaît très bien le rapport de forces : côté français, 25 000 hommes assez mal armés (pistolets et quelques fusils) pouvant compter sur le soutien de 7 000  gendarmes et 2 400 gardes républicains, eux-mêmes armés légèrement ; côté allemand, on trouve des troupes régulières avec des chars. De plus, De Gaulle lui-même a donné des consignes : il ne faut déclencher d’insurrection dans la capitale que 24 heures avant l’arrivée des Alliés, « afin de donner à la population le sentiment de participer à sa propre libération ».Un homme, peu connu, vit intensément ces heures pour la France. Il s’agit de Raoul Nordling, consul de Suède, officiellement neutre. En réalité, il penche résolument pour la patrie des Droits de l’homme. Nordling s’inquiète en particulier du sort des prisonniers, qui s’accumulent dans les prisons et centres de détention de Paris et de sa région. Influant, il parvient à obtenir de von Choltitz d’apporter une solution heureuse à la question des prisonniers. Se laissant forcer la main, le commandant du Gross Paris couvre ce qui est signé le 17 août à l’hôtel Majestic : Nordling, aidé par la Croix-Rouge française, prend « la direction, la surveillance et la responsabilité » des prisonniers des prisons de Fresnes, du Cherche-Midi, de la Santé, de Villeneuve-Saint-Georges, de Saint-Denis, des hôpitaux de la Pitié, du Val-de-Grâce et de Saint-Denis, des camps de Compiègne, de Drancy et de Romainville, ainsi que « tous autres lieux de détention et tous les trains d’évacuation sans exception faisant route à l’heure actuelle vers toutes destinations ». Le consul de Suède sauve ainsi près de 4 000 personnes. De ce fait, quantité de libérés vont pouvoir participer aux combats de la libération. Pourquoi von Choltitz a-t-il accepté ces libérations ? Cela ne correspond en rien aux dernières instructions qu’il a reçues d’Hitler ou de son supérieur hiérarchique direct, le maréchal Model. Cela ne correspond pas non plus avec ce que von Choltitz avait lui-même déclaré à Pierre Taittinger, président du Conseil municipal de Paris : « Qu’un coup de feu soit tiré d’un immeuble sur l’un de mes soldats, je ferai brûler les immeubles de ce bloc et fusiller leurs habitants. ».L’impatience gagne les résistants et, le 18 août, les communistes sont décidés à déclencher l’insurrection générale dans la capitale. Les résistants gaullistes n’ignorent pas qu’une telle action pourrait avoir deux graves conséquences : plonger Paris et les Parisiens dans un véritable bain de sang ; Paris risque de se retrouver aux mains des communistes. Ainsi, le seul moyen d’enrayer cette possibilité est de contrer le déclenchement de l’insurrection en en prenant la direction. Dans les faits, les ordres vont se doubler. Le 18 août, le commandant des FFI de Paris (sous obédience communiste) lance un ordre de mobilisation et prescrit d’attaquer l’ennemi partout où il se trouve. Le feu est mis aux poudres à l’extrême-gauche. Il l’est également à l’autre bord : au matin du 19 août, 3 000 agents de police, convoqués secrètement, occupent la Préfecture de police dans l’île de la Cité (la « PP » comme l’appellent les Parisiens). Des drapeaux tricolores commencent à surgir des fenêtres : la « PP » brave l’Occupant et donne le signal de la révolte. Dès lors, plusieurs journées d’insurrection commencent dans la capitale. Les bâtiments publics sont occupés, les heurts avec les troupes allemandes se multiplient. Au moment où Paris se dresse contre ses bourreaux, De Gaulle est en route pour la France. Parti d’Alger le 18 août, il atterrit près de Cherbourg le 20. C’est alors qu’il rencontre Eisenhower pour le presser d’intervenir : il lui demande d’envoyer la 2èmeDB de Leclerc libérer Paris. De Gaulle sait très bien que les combats y ont commencé. Leclerc, lui, se prépare. Dans Paris, Nordling est de plus en plus inquiet, et il imagine la capitale française à feu et à sang, la « PP » l’ayant informé que la situation devenait alarmante, voire désespérée, faute de munitions. Résolu, il décide alors de se rendre chez von Choltitz afin de proposer un cessez-le-feu temporaire, destiné à « ramasser les blessés et les morts ». A nouveau, le général allemand accède à la requête du consul de Suède. Mais pourquoi ne tente-t-il pas plutôt, avec ses chars, d’écraser la révolte ? Dans son livre La France dans la guerre de 39-45, Pierre Montagnon affirme : « Peut-être le commandant du Gross Paris trouve-t-il dans un relatif statu quo meilleure liberté de passage pour les unités en retraite qui transitent par Paris ? Peut-être ce cessez-le-feu lui épargne-t-il une guerre totale dans une ville où il ne se sent pas le plus fort ? Peut-être a-t-il compris que la cause du IIIème Reich était définitivement compromise et qu’il serait aussi criminel que dangereux de pratiquer la politique du pire ? ». Le dimanche 20 août est jour de trêve : les insurgés profitent d’une petite accalmie et évitent une attaque en force contre la Préfecture, mais cette journée jette aussi la discorde dans leurs rangs. En effet, alors que les non-communistes considèrent la trêve comme « salutaire », les communistes la récusent, n’hésitant pas à taxer les trêvistes de « lâches ». Rol-Tanguy, un des grands chefs de la résistance communiste s’écrie : « Paris vaut bien 200 000 Parisiens ». La trêve n’est que de courte durée et, très rapidement, les Parisiens reprennent la lutte contre les Allemands. La ville se couvre de barricades, comme en 1830, 1848 et 1871. Le peuple descend dans les rues pour en construire avec des pavés, des arbres abattus, des camions renversés, des sacs de terre, de vieux meubles, etc. En réalité, ces barricades sont bien peu de choses et, elles sont plus symboliques qu’efficaces ! Les chars allemands auraient tôt fait de les écraser. Or, les Allemands n’interviennent pas et restent retranchés dans leurs points stratégiques : hôtel Meurice et ses abords, Sénat, Ecole militaire, et bien d’autres bâtiments officiels… Les fusillades qui avaient diminué le 20, reprennent d’intensité le 22. Le presse, sous toutes ses facettes, soutient l’insurrection parisienne : à partir du 22, sur les murs parisiens, on peut voir des affiches communistes où il est écrit « Tous aux barricades ! ». Un slogan fait alors fureur : « A chacun son Boche ». Les Allemands se défendent, mais pas avec la puissance qu’on pourrait attendre d’eux. Le supérieur de von Choltitz, Model, ne cesse d’envoyer des ordres au patron du Gross Paris : « Rétablissez l’ordre dans la ville ! ». Encore plus surprenant, von Choltitz décide d’envoyer une petite délégation allemande afin de prendre contact avec les Alliés et négocier avec eux le sort de la capitale. Parallèlement, le 21 août, De Gaulle écrit à Eisenhower : « Mon cher général, (…), de graves troubles sont à prévoir dans la capitale avant très peu de temps. Je crois qu’il est vraiment nécessaire de faire occuper Paris au plus tôt (…) même s’il devait se produire quelques combats et quelques dégâts à l’intérieur de la ville. S’il se créait maintenant dans Paris une situation de désordre, il serait ensuite difficile de s’en rendre maître sans incidents sérieux, et cela pourrait même gêner les opérations militaires… ». Le commandant en chef des troupes alliées se trouve alors dans une position délicate, puisqu’il ne veut pas se porter sur Paris, mais qu’en même temps, il ne souhaite pas non plus que l’armée américaine se comporte comme l’Armée rouge devant Varsovie[2]. De plus, l’argument du désordre dans Paris, invoqué par de Gaulle, fait peur à Eisenhower. Finalement, ce dernier décide de tenir sa promesse, et de laisser les Français entrer les premiers dans leur capitale. Leclerc est autorisé à filer droit sur Paris.
« PARIS BRISE… MAIS PARIS LIBERE »L’origine de la libération de Paris n’est pas à chercher ailleurs que dans le serment de Koufra, prononcé par Leclerc et ses hommes au soir du 2 mars 1941, à la suite de la bataille de Koufra : « Jurez de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs (le drapeau tricolore), nos belles couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg ». Et pour arriver à Strasbourg, il fallait bien évidemment passer par Paris… Dimanche 24 août 2014, le cardinal-archevêque de Paris, Monseigneur André Vingt-Trois, célébrait une messe solennelle en la cathédrale Notre-Dame, en mémoire du 70ème anniversaire de la libération de Paris, ainsi que de toutes les victimes de la Seconde Guerre Mondiale. Dans sa monition d’accueil, évoquant De Gaulle et Leclerc, le cardinal déclarait notamment : « La détermination, la persévérance, l’espérance entretenues au long de ces quatre années étaient animées par une conception de l’homme, de sa dignité, de sa liberté, qui ne pouvait pas s’accommoder de la guerre et du projet destructeur du nazisme. ». Et l’ecclésiastique parisien de rappeler que cette conception trouvait son origine dans leur conviction, partagée par quantité de nos contemporains, que « chaque être humain dépasse de beaucoup sa propre personne, conviction qui s’enracinait dans leur foi chrétienne. C’est pourquoi très naturellement le terme de ce long chemin s’est achevé dans cette cathédrale (Notre-Dame de Paris) qui symbolisait non seulement l’expression de la foi chrétienne, mais encore une vision que l’on peut rattacher à ce que De Gaulle appelait « une certaine idée de la France ». ». En effet, au terme de la journée historique du 26 août 1944, après avoir descendu glorieusement la plus belle avenue du monde, le général De Gaulle, comme le général Leclerc, se rendent, en compagnie d’une foule nombreuse, à Notre-Dame de Paris, pour y chanter le Magnificat[3] : Dieu est remercié, Paris est désormais bel et bien libre ! Au soir du 24 août, le 2ème DB est dans la banlieue parisienne et, les Parisiens sont prévenus de l’arrivée des libérateurs. Un message est lancé par avion au-dessus de la « PP » : «Tenez bon, nous arrivons ». Mais dans Paris, les munitions manquent, et des rumeurs sur l’arrivée de renforts allemands commencent à se répandre. Leclerc est furieux d’être ainsi stoppé dans sa marche sur Paris, mais il doit remplir les réservoirs de ses blindés. Il demande alors à un de ses plus fidèles compagnons depuis l’Afrique, le capitaine Dronne, commandant de la 9èmecompagnie (la nueve à cause de ses volontaires espagnols, anciens de la guerre civile), de filer droit sur la capitale : « Passez par où vous voudrez. Dites aux Parisiens et à la Résistance de ne pas perdre courage, que demain matin la division tout entière sera dans Paris. ». Dronne exécute les ordres et, avec ses hommes espagnols, il aura ainsi l’honneur de pénétrer le premier dans la capitale. Il franchit la porte d’Italie à 20h45. Les Parisiens, d’abord inquiets, s’écrient vite : « Les Français, ce sont les Français ! ». Vers 21h30, Dronne et ses hommes sont à l’Hôtel de Ville, où siège le CNR (Conseil National de la Résistance) avec ses chefs. La foule est en délire. La Marseillaise retentit. La radio lance alors un appel très significatif à tous les curés de la ville : « Messieurs les curés, faites sonner vos cloches ! ». Quelques minutes plus tard, le gros bourdon de Notre-Dame, qui a salué nombre des heures glorieuses de notre Histoire nationale, retentit dans le ciel de Paris, bientôt suivi par toutes les cloches de la capitale qui sonnent à la volée : la victoire est proclamée ! Après 1931 jours d’occupation allemande, les Parisiens saluent ceux qui leur apportent la liberté. Mais les Allemands sont toujours dans Paris. Autour de la capitale, de vrais soldats se battent contre ceux de la 2èmeDB : ces combats seront les plus durs de la libération de Paris. Or, à l’intérieur de la ville, il y a davantage d’administratifs allemands que de réels guerriers : la lutte sera ainsi plus aisée, même si ces « administratifs » vont se montrer courageux et résolus.Le 25 août 1944, tôt le matin, les hommes de Leclerc entrent dans Paris. Les Allemands restent retranchés dans leurs points stratégiques : c’est là qu’ils sont décidés à se battre et, c’est là que vont se produire les combats les plus acharnés. Une véritable « bataille de rues » s’engage pour la journée. En début d’après-midi, von Choltitz est fait prisonnier : il est aussitôt emmené à la « PP » où se trouve Leclerc. Sur une table installée à la hâte, le commandant du Gross Paris signe l’acte de capitulation. La nouvelle se répand vite dans la capitale : la foule crie sa joie, acclame les libérateurs, harangue les vaincus. Tandis que les Allemands passent du statut de vainqueur à celui de vaincu, Hitler bouillonne de rage : il avait ordonné que la capitale française parte en fumée si la nécessité s’en faisait ressentir, il n’en est rien. Le général von Choltitz n’a pas souhaité réduire Paris à l’état de cendres, il n’a pas fait allumer les mèches des charges explosives. Il a même empêché la Luftwaffe de venir bombarder Paris, sous prétexte qu’elle risquait de frapper ses propres soldats. Indirectement, on peut dire que le commandant du Gross Paris a participé, à sa manière, à la libération de la capitale française : il en a facilité la prise par les Alliés. Vers 16h, De Gaulle arrive à la gare Montparnasse. En tant que chef du GPRF, il veut tout de suite imposer son autorité. C’est en partie pour cela qu’il s’est empressé de venir à Paris. Afin de légitimer sa position, il se rend en premier lieu dans son ancien fief, le ministère de la Guerre, qu’il avait quitté le 10 juin 1940. Dans les lieux, rien n’a changé et, un peloton de gardes républicains lui rend les honneurs comme jadis. Puis, on palabre beaucoup sur le lieu suivant que le général doit visiter : certains souhaitent qu’il se rende à l’Hôtel de Ville, où l’attendent les résistants. Or, De Gaulle refuse, il représente l’Etat et non la municipalité. Après moult tractations, il cède : il ira à l’Hôtel de Ville, mais avant, il souhaite visiter la « PP », bastion originel de l’insurrection parisienne. A la Préfecture, on entonne la Marseillaise et la Marche lorraine, puis De Gaulle se rend à pied jusqu’à l’Hôtel de Ville, au milieu d’une foule qui l’ovationne. Pour la première fois, les Français découvrent la figure de l’ « homme du 18 juin », dont ils ne connaissaient jusqu’à présent que la voix. A la mairie, les résistants communistes et gaullistes saluent le chef du GPRF. En réponse, celui-ci prononcera notamment la célèbre phrase que nous avons évoquée en introduction de cet article. Surtout, il appelle à l’unité et à la discipline pour poursuivre la guerre. Pendant ce temps, Leclerc et ses soldats finissent de « nettoyer » Paris. Malgré la capitulation allemande en effet, quelques tireurs se manifestent encore sur les toits. Les Américains quant à eux entrent à leur tour dans la capitale par la porte d’Italie. Les Français les accueillent comme il se doit, en libérateurs. Au soir du 25 août, toute résistance significative a cessé, la nuit à est l’allégresse pour les vainqueurs.  Le 26 août 1944 est la journée symbolique par excellence de la libération de Paris : c’est notamment la journée de « ratification du contrat entre De Gaulle et le peuple de France »[4]. Différents « temps forts » sont prévus durant la journée, afin de marquer les esprits, et surtout, de manifester concrètement aux yeux des Parisiens que la victoire est assurée. De plus, ces cérémonies vont être l’occasion pour De Gaulle de se poser en « rassembleur » de tous les Français, et en homme disposant de l’autorité légitime. Le chef du GPRF a lui-même prévu trois cérémonies successives : une à l’Arc de Triomphe ; un défilé de la victoire sur les Champs-Elysées ; un Te Deum à Notre-Dame. Leclerc est chargé de veiller sur la sécurité du général et des Parisiens. A 15h, la haute silhouette de De Gaulle se trouve sous l’Arc de Triomphe pour une cérémonie militaire. Après la minute de silence, celui qui avait appelé à la résistance le 18 juin 1940 entame l’historique descente des Champs-Elysées. Dans cette marche vers Notre-Dame, De Gaulle est accompagné par les chefs de la Résistance : tous sont acclamés par une foule en liesse. Lorsque le général arrive devant la cathédrale, des détonations éclatent. La foule, affolée, se plaque au sol. De Gaulle, imperturbable, gagne le chœur où l’attend un fauteuil. Finalement, on ne chante pas le Te Deum mais le Magnificat, associant ainsi la figure de la Vierge, protectrice spéciale de la France, à la glorieuse victoire qui est célébrée, et confiant également dans ses bras maternels tous ceux qui sont morts pour la France. Durant l’office, qui est assez court, des coups de feu retentissent à l’intérieur de Notre-Dame. Encore aujourd’hui, on ne sait pas vraiment qui a ouvert le feu. D’après Palewski, directeur de cabinet de De Gaulle, il s’agirait des communistes : « (…) ils voulaient donner l’illusion du désordre afin de conserver intactes leurs milices patriotiques. Pour moi, il n’y a aucun doute à cet égard, je suis prêt à l’affirmer : il s’agissait d’une mise en scène, d’un trouble voulu et fomenté… »[5]. De Gaulle aussi rejoint cette idée. Dans ses Mémoires, le général écrira quelques années plus tard : « En faisant tirer, à l’heure dite, quelques coups de fusil vers le ciel, sans prévoir peut-être les rafales qui en seraient les conséquences, on a cherché à créer l’impression que des menaces se tramaient dans l’ombre, que les organisations de la Résistance devaient rester armées et vigilantes (…) ».
Au soir du 26 août 1944, les combats dans Paris sont terminés et, la capitale française est enfin pleinement libérée du joug de l’occupant allemand. Une libération sans dommages irréversibles pour Paris, contrairement à d’autres capitales européennes, notamment grâce au courage héroïque de milliers de Parisiens, des soldats du général français Leclerc, à la compréhension d’Eisenhower, ou encore à la complaisance de von Choltitz, commandant du Gross Paris. Si le bilan humain fait état de plus de 1 450 Parisiens morts pour libérer leur ville ainsi que de 130 combattants de la 2ème DB de Leclerc, les pertes allemandes sont encore plus lourdes : 2 799 tués, 4 911 blessés et plus de 10 000 prisonniers. Mais si une bataille vient d’être remportée, la guerre n’est pas encore totalement gagnée et, les opérations militaires futures vont exiger des Alliés un effort encore plus grand. De plus, la vie civile et étatique doit être réorganisée, et c’est pourquoi De Gaulle a tenu à s’illustrer personnellement dans la capitale, en grand vainqueur de guerre, disposant de toute l’autorité légitime pour refonder l’Etat.A la fin de l’été 1944, les forces alliées contrôlent une vaste région en forme de quadrilatère comprise entre Nantes, Brest, Le Havre, ainsi que la limite orientale de l’Ile-de-France. Ils contrôlent également une zone triangulaire formée par les villes de Montpellier, Grenoble et Nice, à la suite du débarquement en Provence (15 août). Les FFI quant à eux ont libéré le Sud-Ouest aquitain et la plus grande partie du Massif Central, le Jura et la Savoie. A la mi-septembre, les Allemands ne sont plus maîtres que des départements lorrains et alsaciens. Durant l’hiver, la plupart des départements de l’Est sont libérés par les troupes françaises commandées par De Lattre de Tassigny. Le 23 novembre, Leclerc et ses soldats entrent dans Strasbourg, réalisant ainsi le serment de Koufra. Globalement, au printemps 1945, la quasi-totalité du territoire français est libéré et, la guerre est portée jusqu’en territoire allemand. Le 8 mai 1945, l’Allemagne signe la capitulation sans condition. Mais la Seconde Guerre Mondiale ne prendra fin définitivement que le 2 septembre 1945, à la suite des bombardements atomiques au Japon. Elle aura fait plus de 60 millions de victimes innocentes, des dégâts matériels et économiques considérables, et surtout, elle aura provoqué un véritable traumatisme moral chez beaucoup, notamment du fait du génocide juif.
Emmanuel ECKER.
SOURCES :Pierre Montagnon, La France dans la guerre de 39-45, Pygmalion, Paris, 2009.Sous la direction de Jean-François Sirinelli, La France de 1914 à nos jours, PUF, Paris, 2008.Wikipédia.


[1] L’opération Overlord prévoit un grand débarquement des troupes alliés sur les côtes septentrionales françaises dans le but de lancer une grande offensive aéroterrestre destinée à repousser les Allemands vers leurs frontières. [2] A l’annonce de l’arrivée de l’Armée rouge en Pologne, les habitants de Varsovie se sont soulevés contre les Allemands. Arrivés aux portes de la ville, les Soviétiques ont laissé les Allemands réprimer dans le sang la révolte. [3] Chant d’action de grâce que les catholiques entonnent notamment à l’office de vêpres, qui est la prière du soir de l’Eglise. Son appellation latine Magnificat reprend les premiers mots de ce chant illustre, prononcé par la Vierge Marie elle-même dans l’Evangile selon saint Luc « Mon âme exalte le Seigneur (…) ». [4]  Pierre Montagnon, La France dans la guerre de 39-45, Pygmalion, Paris, 2009, p. 707. [5]  Gaston Palewski, Mémoires d’action, Plon, 1988.

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