" Ce soir, le livre m'incite à me souvenir au lieu de m'en empêcher. " Nic Pizzolatto Galveston
Parmi tous les plaisirs ou raisons de lire, il en est deux pourtant opposés qui peuvent nous pousser à nous plonger dans les livres. Raviver nos souvenirs ou au contraire nous aider à les renvoyer au plus profond de l'oubli.
La première sensation est la plus délicieuse, au détour d'une phrase lue, se réveille en nous une image oubliée de paysage vu, une situation vécue ou un visage qui nous fut cher, une émotion. Magie de la littérature qui d'une fiction s'adressant à tous fait surgir une vérité intime pour un seul lecteur. Du moins peut-il le penser. L'écrivain qui n'écrit pour personne en particulier, c'est-à-dire pour tout le monde - à commencer par lui -, réussit en quelques mots à ne parler qu'à vous. Etrange complicité à sens unique qui fait du roman lu, non pas " un " roman mais " le " roman qui vous marquera. Le roman incite à se souvenir.
Inversement, on peut se plonger dans un bouquin pour s'interdire toute réflexion qui remettrait sur le tapis des cogitations ou des souvenirs qu'on veut oublier. Chasser des idées noires en s'obligeant à ne penser qu'à ce qu'on lit. Lire comme un forcené, avaler page après page comme d'autres s'enivrent d'alcool, pour oublier. Le livre a aussi ce pouvoir, même s'il est temporaire. Le roman peut empêcher de se souvenir.
Pour ma part, j'ai plus souvent l'occasion de me souvenir au détour d'une page ou d'une phrase lue que de tenter de bloquer le mécanisme de la mémoire, même si j'en connais cet aspect.