Modifier le vivant

Avons-nous le droit de modifier le vivant ? La vie est-elle à la disposition des curiosités humaines, ou possède-t-elle quelque chose de sacré qui interdise nos interventions sur elle ?

La question est brûlante, et pourtant, quand on y pense, la réponse est loin d’être évidente. Car il allait de soi jusqu’à présent que seuls les hommes avaient des droits. On s’efforce de défendre partout où l’on peut la légitimité des droits de l’homme. Mais depuis quand y a-t-ilen plus des droits naturels de la nature ?

Il faut bien voir que la question porte ici sur le caractère supposé digne et respectable de la « nature ». Ce qui naturellement ne va pas de soi. Car la nature n’est pas un être, et l’ensemble des êtres qu’elle contient, s’ils ont des traits communs avec l’humain, sont pourtant fort éloignés de ce qui en fait la dignité : quel rapport entre du maïs, une souris et un humain ?

Posons-nous franchement la question : pourquoi l’homme est-il digne d’être respecté ? Qu’est-ce qui nous oblige face à l’individu homme ? On dit qu’il faut traiter les hommes comme des fins et non comme des moyens, parce que ce sont des êtres doués de fins. Ce quiest unique et merveilleux chez l’homme, c’est sa capacité subjective à orienter sa vie d’après des fins. L’homme a des buts et effectue des choix. Parce que l’homme est Esprit.

Mais la petite souris, mais l’organisme animé sans esprit ? On convient que les animaux ne décident pas grand-chose, mais se laissent déterminer par l’instinct. L’oiseau ne prévoit pas dix jours à l’avance qu’il ira chercher des brindilles pour son nid, ni n’imagine les vers qu’il capturera pour ses petits. Son activité est clairvoyante mais contrainte. Il paraît plus absurde encore de parler de « fin de la nature ». La pluie ne tombe pas exprès pour que les récoltes croissent.

Il semble donc que des organismes primaires aux humains raffinés, il y ait de multiples sauts. Mais c’est là qu’est toute la question. Y a-t-il saut ou gradation continue ? Telle était l’hypothèse de Hans Jonas. Il faut bien que la subjectivité humaine ait émergé elle-même de la nature, et en ce sens la nature ne peut être considérée comme entièrement étrangère aux fins. Elle contient en germe le règne des fins. Elle est donc peut-être pour cela respectable…

Révision bac philo 2008 : le vivant.