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Big Brother, Lionel Shriver

Par Maliae

Big-BrotherRésumé : Femme d’affaires en pleine réussite, mariée à Fletcher, un artiste ébéniste, belle-mère de deux ados, Pandora n’a pas vu son frère Edison depuis quatre ans quand elle accepte de l’héberger.
À son arrivée à l’aéroport, c’est le choc : Pandora avait quitté un jeune prodige du jazz, séduisant et hâbleur, elle découvre un homme obèse, contraint de se déplacer en fauteuil, négligé, capricieux et compulsif. Que s’est-il passé? Comment Edison a-t-il pu se laisser aller à ce point? Pandora a-t-elle une part de responsabilité?

Entre le très psychorigide Fletcher et le très jouisseur Edison, la tension ne tarde pas à monter et c’est Pandora qui va en faire les frais. Jusqu’à se retrouver face au pire des dilemmes: choisir entre son époux et son frère.

Qui aura sa préférence? Pourra-t-elle sortir son frère de la spirale dans laquelle il s’est enfermé? Edison le veut-il seulement? Peut-on sauver malgré eux ceux qu’on aime?

Avis : Merci à la masse critique de Babelio pour l’envoie de ce livre, j’avoue que quand j’ai vu le nom de l’auteur je n’ai pas résisté à l’envie de m’inscrire et ai été plutôt ravie de le recevoir. Sans aucun regret parce que j’ai adoré. Immédiatement j’ai retrouvé la plume assez spécial de l’auteur. En effet elle étudie ses personnages à la loupe – voir au microscope – et n’échappe pas à toutes les pensés de l’héroïne Pandora – puisque le livre est écrit de son point de vue. Que ce soit pour parler de sa famille et expliquer chacun de leur comportement (et comment elle se sent vis-à-vis de chacune de leurs paroles ou de leur geste) ou bien pour parler du sujet principal qui est l’obésité, la fixation envers la nourriture, la critique de nos sociétés sur cette fixation.

C’est un style que j’aime beaucoup parce que l’auteur ne laisse aucune chance à ses personnages et pourtant réussi à les rendre attachants par certains côtés. Elle expose sans pudeur leurs défauts, leurs qualités, on est complètement dans la tête de Pandora et on peut donc voir ses bons et ses mauvais côtés ainsi que la manière dont elle voit sa famille. Ca peut paraître assez lourd, mais personnellement ça m’emporte car j’ai l’impression de connaître ces gens, de faire partie du groupe. Parfois ils m’énervent, d’autres fois je les trouve super touchants, j’ai envie de les prendre dans mes bras ou de les gifler, selon ce qu’il se passe. De plus, je n’ai pas l’impression que Pandora en raconte trop, ou qu’il y a trop de digressions, je ne me suis dis à aucun moment « bon ça on    aurait pu s’en passer ». C’était de longues réflexions et en même temps ça restait plutôt fluide et les pages se tournaient toutes seules. Quand je finissais un chapitre, je ne pouvais m’empêcher de commencer le suivant. Et je m’interrogeais avec inquiétude sur la suite des événements, preuve que l’auteur a réussi à ménager du suspens au milieu des réflexions philosophiques, psychologiques, sociologiques et culturelles.

Le livre parle énormément de nourriture, en lisant j’avais parfois l’impression de me sentir moi-même lourde, obèse. Elle présente les bons côtés, mais surtout cette relation parfois malsaine qu’on a envers la nourriture. Quand on s’empiffre sans même savoir vraiment ce qu’on mange ou bien au contraire l’obsession envers son poids. La façon dont la société contribue à se moquer des gros et des maigres, à juger une personne en fonction de son poids, et comment elle contribue à donner une image si négative de soi-même, à nous faire sentir mal dans notre peau, soit trop gros, soit trop maigre.

C’est une bonne critique à mon avis, je n’étais pas toujours d’accord avec ce que disais Pandora, mais elle-même revenait parfois sur ses réflexions, évoluait dans sa façon d’être et de pensés, et je dois dire que des fois elle touchait tellement juste que je grinçais des dents.

J’avoue avoir beaucoup aimé Pandora, certes par moment j’avais des difficultés à comprendre ses choix, je n’étais pas toujours d’accord avec elle, et je la sentais très différentes de moi sur beaucoup de points, et pourtant je l’appréciais. J’étais inquiète pour elle, empathique aussi, triste quand elle était triste et j’avais envie de bondir de joie quand elle était heureuse. Mais c’est vrai qu’il y a eu des moments où j’aurais voulu pouvoir la secouer un peu. J’ai pas mal apprécié ses enfants, Tanner un peu moins que Cody, bien que le fait qu’ils suivent ses rêves soient une bonne chose (ce que je lui reprocherais cependant c’est de suivre des rêves mais en essayant de prendre la route la plus courte et la plus facile). Cody est une adolescente timide mais vraiment attachante et adorable, j’ai apprécié son lien avec son père.

Si au début j’ai eu du mal avec l’époux de Pandora, Fletcher, petit à petit au cours du livre j’ai appris à l’apprécier et à de plus en plus l’aimer. Certes il peut se montrer dur et intransigeant, son rapport à la nourriture est excessif, cependant il aime sa femme, il aime ses enfants, et il essaie de faire de son mieux. Il a fini par réellement me plaire et j’adorais ce qui l’attachait à Pandora, malgré leur dispute et les choix qu’elle prend, malgré le fait qu’ils ne se comprennent pas toujours.

Par contre je n’ai pas du tout réussi à m’attacher au « big brother ». Certes l’histoire tourne autour de ce personnage qui a prit énormément de poids en tellement peu de temps, si bien que sa petite sœur – qui a toujours éprouvé de l’admiration pour lui – ne le reconnaît pas, pour autant Edison ne m’a pas plu. Il va très mal, il est sans doute en dépression, mais son caractère m’a assez dérangé, je le trouvais sans gêne, plutôt égocentrique, ingrat envers sa petite sœur, et tout au long du livre il m’a déplu. Du début à la fin je n’ai guère éprouvé d’empathie pour ce personnage. J’ai aimé ce que Pandora faisait pour lui, la façon dont elle cherchait à l’aider, à le comprendre, même au début quand elle n’avait qu’une hâte : celle de le voir partir. Elle culpabilisait pour lui, elle regardait ailleurs et pourtant elle le laissait vivre chez elle et détruire un peu tout sans rien dire.

La fin a été un véritable choc pour moi, je ne m’y attendais pas du tout, quel retournement de situation, je ne l’avais pas du tout venir. Ca m’a rendu assez triste et nostalgique, et en même temps passé l’effet de surprise et avec du recul, je me suis un peu senti flouée, arnaquée. C’était pourtant très bien pensé.

   Ce qui m’emmène à dire que c’était un très bon livre, qui critique nos sociétés actuelles sur le regard que l’on pose sur le poids et la nourriture, un rapport bizarre qui nous empêche parfois de voir au-delà de ça. Des personnages assez attachants – mais pas sans défauts, un style qui va au fond des choses (mais j’aime beaucoup ça), une histoire que j’ai trouvé assez originale en elle-même, et une fin qui m’a cloué au sol. Très bonne lecture.

Phrases post-itées : 

« – Ca n’a rien à voir avec le fait de faire des efforts. On apprécie quelqu’un ou on ne l’apprécie pas. Si on « fait des efforts », c’est qu’on ne l’apprécie pas. »

« Avec Tanner et Cody, j’essaie de ne jamais l’oublier : les enfants connaissent vos secrets. Vous ignorez les leurs. »

« – Vous savez ce que c’est vraiment un diplôme ? C’est un bout de papier qui dit qu’on a suivi les règles. Qu’on est un bon petit soldat, et qu’on fait ce que les autres attendent de nous. Les diplômes, ça oblige à franchir des obstacles et à se conformer à un ensemble arbitraire de critères, et peu importe lesquels : ce qui compte c’est qu’on cache les bonnes cases. C’est un entraînement pour apprendre à gâcher sa vie au boulot. Si les employeurs exigent ce bout de papier, c’est pour être sûrs que, jour après jour, vous traînerez vos misérables fesses jusqu’à leur open space, et que, peu importe le degré de futilité ou de stupidité de l’ordre, vous ferez ce qu’on vous demande. »

« La corpulence est relative : si tout le monde est gros, alors personne ne l’est. »

« Enfant, il me lisait La Petite Poule rousse. Maintenant, je luis lis « Le Poulet frit facile ». »


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