Tu croyais pouvoir endosser tous les rôles à la fois. Schizophrène avertie. Tu croyais pouvoir encaisser tous
les coups. Dépasser tes limites. Encore, toujours plus loin. Tu as toujours eu l’âme d’une compétitrice, et pour toi : vouloir c’est pouvoir. Tu voulais tout ça. L’Homme enfin debout, et le monde à vos pieds. L’amour pour bouclier, et la vie pour alliée.
Tu as tenté d’endosser tous les rôles à la fois. Infirmière. Mère. Amante. Psy. Femme. Pompier. Cuisinière. Médecin. Comptable. Tyran. Punching-ball, aussi. Pour un seul homme, l’Homme. Pour l’aider à rejoindre le sentier des envies. Pour qu’il quitte enfin ce néant. Ce trou béant qui – au fil des jours – s’encombrait d’une vase en laquelle il s’enlisait. Mais, endosser mille et un rôles, ça fatigue. Et lui, l’Homme, conservait invariablement cette même mine défaite. Il semblait vide. Tellement vide. Tu voulais. Voulais souffler dans sa bouche, son nez, ses oreilles, pour le remplir enfin. Ne serait-ce qu’un peu. Ne serait-ce que d’air. Le remplir. Pour rendre la vie à ce triste pantin qui semblait se dessécher petit à petit.
Tu avais toujours cru, oui, que vouloir c’est pouvoir. Jusqu’à cette rencontre-là. Avec l’Homme. Tu avais beau vouloir, croire, espoir… Ça ou pisser dans un violon, enfin… tu sais. Il restait le même. Indifférent à ta joie de vivre, à tes rires en éclats, à ta légendaire bonne humeur, contagieuse jusque-là. Avec cette même mine défaite. Avachi sur le canapé, dissimulé sous son large survêt. Et, de l’autre côté du miroir. Il y avait ton toi d’hier. Si frais, si léger, si dopé à la vitamine D. Ton toi d’hier qui s’amusait encore d’un rien – il y a une heure à peine – avec ses lunettes roses. Ton toi d’hier qui s’assèche déjà – en cette heure d’après – qui se vide de toute substance. Cette substance dont l’Homme se nourrit.

Notice biographique

